Mon cher Pascal,

La dernière fois que j’ai entendu ta voix, j’étais à Turin, au festival Jazz is Dead. Tu m’as appelée alors que j’attendais dans les loges la fin d’un orage de grêles spectaculaire pour aller présenter Basta Now au public. Par coïncidence, tu voulais me parler des femmes dans la musique expérimentale, et d’une musicienne en particulier, que je t’avais présentée lors de ma résidence aux Fours à Chaux de Regnéville-sur-Mer.

Tu m’as dit que tu ne dirigeais plus ce lieu de résidence artistique mais que tu avais toujours envie d’organiser des choses et de générer de la magie. Tu voulais savoir ce que je penserais d’organiser quelque chose avec cette artiste et toi – tu avais pensé à moi parce que je t’avais ouvert un monde sonore, à elle parce que son travail t’avait particulièrement charmé.

Je me suis souvent demandé, depuis, pourquoi je n’avais plus de tes nouvelles. Avais-tu été accaparé par d’autres projets ? La compositrice en question avait-elle décliné l’invitation ? C’est Amélie qui, ce matin, par hasard, m’a appris la terrible nouvelle de l’accident, qui remonte à juillet dernier. Nous avions échangé plusieurs fois entre temps, mais elle pensait que je savais.

Je n’aimerais pas être celui ou celle qui conduisait cette voiture – je t’imagine sur ton vélo, tu portais sans doute une marinière, je me demande si tu avais un casque, si tu fredonnais. Je ne voudrais pas avoir interrompu une vie, encore moins une vie qui, comme la tienne, illuminait à ce point celle des autres, une vie de générosité, de curiosité, d’enthousiasme contagieux.

Je te revois courir sous la pluie dans le parc de Carantilly pour inviter les rares promeur-ses à la performance de Marianne, je les vois se réunir autour des brioches sur les tables pliantes, je me rappelle combien Marianne, Amélie, Antoine, Annah et moi étions admiratif-ves que tu aies réussi à les convaincre de se serrer sous nos parapluies. Ton énergie nous a toujours fasciné-es.

Je vais faire comme si Amélie ne m’avait rien dit, je vais continuer d’attendre ton coup de fil – moi, j’ai perdu ton numéro le jour où on m’a volé mon téléphone à Bruxelles, alors j’attends, mon cher Pascal.

Je t’embrasse très fort

ici, tu es auprès de Claire, Emmanuelle, Aude et moi

ici, avec Elise, Marianne, Dominique, Claire et Cindy