
Détours d’autrice

Dans un mois jour pour jour, j’arriverai à La Perle, la ferme de la poésie pulsée de ma chère Anna Serra. J’y rejoindrai Cédric Lerible et Marion Renauld et, chacun.e de notre côté, pendant une semaine, nous ferons de la poésie de terrain, avec restitution le week-end du 8 au 10, chacun.e accompagné.e par un.e musicien.ne. A priori, je serai surtout au parc Joly, à Semur-en-Auxois. J’aurai un vélo à disposition. Ce sera un peu comme écrire une geste permanente dans le Morvan. Je suis très heureuse de faire partie de la première édition de cette résidence à laquelle je souhaite une belle longévité.
(Visuels de Victoria Dorche.)
Cette nuit, j’ai rêvé que je croisais L. par hasard dans une rue et que je lui disais, Quelle coïncidence, j’ai rêvé de toi la nuit dernière.
Le 17, au retour de mon dernier atelier à Corbie pour le projet Littérature & Nature de la MéL, je serai à la librairie Le Biglemoi, à Lille Fives, en compagnie de Yannick Kujawa ; nous échangerons et alternerons les lectures de son livre sur L’ouvrier mort d’Édouard Pignon (éditions Invenit) et de mon Terrils tout partout. Ce sera à 19h.
Le 20, je serai à Paris pour le projet Littérature & Nature mais je ne sais pas encore si l’événement sera ouvert au public ; je reviens avec des détails s’il s’avère que c’est le cas.
Le 24, pour le Livrodrome, je mènerai trois ateliers différents avec des adolescents et jeunes adultes. Voir la médiathèque de Liévin pour les inscriptions.
Le 25, je serai à Guesnain (entre Douai et Lewarde) pour le salon du livre à partir de 14h.
Trop weird pour n’être qu’un / 3, ces souvenirs d’une séance de photos avec Valentina et Laila – musicienne dont j’aime beaucoup le travail et qui figure également dans mon répertoire de créatrices sonores. Nous avons pris un train pour Hampstead Heath, la lumière était plus vive que nous ne le souhaitions mais nous avons essayé d’en jouer ; les réflecteurs sont devenus des accessoires. Nous faisions des essais pour la pochette d’un album à venir que je suis l’une des deux seules personnes à avoir entendu à ce jour, s’il m’est permis de frimer un peu, et dont je pressens qu’il ne passera pas inaperçu. Voici donc trois photos qui ne nous serviront pas et qui révèlent parfaitement l’esprit de ce que nous avons essayé de faire.
Nous avons beaucoup ri, sous le regard blasé d’un renard de format saint-bernard.
Voici enfin quelques images du 5 mai, à Regnéville, où Emmanuelle Polle, Aude Rabillon et moi-même avons performé notre pièce à trois voix pour la première fois.
C’était dans la salle des fêtes de Regnéville-sur-Mer.
Ici, nous sommes entourées par les allié.e.s de rêve, Claire Crosville et Pascal Benning. C’était un bonheur de travailler et d’échanger avec eux.
Je ne sais pas si c’est le cas dans tous les quartiers de Londres mais dans le nôtre, les animaux sauvages vivent dans la ville, dans les espaces communs des ensembles résidentiels, dans les squares, dans les cours d’eau qui courent au pied des habitations. Voici quelques potes croisés lors de mes courses à pied à Islington et Hackney. D’abord, ce renard, le premier que j’aie réussi à prendre de près sans que le flou l’emporte.
Même chose pour cet écureuil ; il y en a des centaines ici mais il est rare qu’ils acceptent de poser.
Un canard mécontent : trop de lentilles d’eau à son goût.
Une famille de foulques macroules, les deux mamans et les quatre enfants (c’est un couple homoparental) menacée par un requin, scène hélas ordinaire à Hackney.
Cette foulque-ci est sortie quelque peu ébouriffée de sa rencontre avec une panthère de péniche.
Ici, les oiseaux ont des statuts spéciaux : il ne faut pas toucher les cygnes parce qu’ils sont la propriété de la reine (sic), en revanche les poules d’eau n’ont pas besoin de carte de stationnement pour leur voiture.
Je finis par cette photo que j’aime beaucoup – le cadrage et le grain répondent aux critères esthétiques vers lesquels je dérive quelque peu ces temps-ci et le modèle est une splendeur.
Hier soir, Valentina mixait à Hackney Earth. Il s’agit d’un ancien cinéma souterrain qui, après avoir été redécouvert, a été transformé en salle de concerts sans qu’une ponceuse ou un pinceau aient été mis à contribution. Pure décadence telle que je l’aime. Nous y étions déjà venues samedi soir pour la première soirée du Sun Ra Arkestra – l’ensemble légendaire allait jouer trois soirs de suite et Valentina mixait pour le dernier concert. Moi, je l’assistais modestement, lançais les morceaux en version digitale sur mon ordinateur portable et rangeais les disques dans leurs pochettes. Petite main. L’ingé son est venu dire à Valentina, Samedi soir, c’était le gars de Sonic Youth qui mixait, mais c’est toi qui gagnes. Il l’a félicitée pour l’étrangeté (le mot était weird) de sa sélection.
Elle m’a embrassée derrière ses platines et m’a dit, Tu aurais imaginé ça il y a trois mois, mixer avec moi pour le Sun Ra Arkestra ?
(Merci à Susumu pour la photo.)
Je ne l’aurais pas imaginé non plus en 1990, quand j’ai découvert l’ensemble – c’était l’époque où, comme je le décris dans Terrils tout partout, j’allais à pied à la médiathèque de Lens tous les samedis après-midi avec mon walkman et empruntais des disques de free jazz. Cette musique m’était un refuge comme l’espace en était un pour ce musicien avant-gardiste trop noir et trop gay pour son ère, au point qu’il préférait se revendiquer de l’espace. Aujourd’hui, l’Arkestra est dirigé par Marshall Allen, 97 ans et en grande forme ; il est le dernier musicien vivant de l’ensemble originel. Ci-dessous en rouge.
Alors que nous assistions au concert, Valentina m’a dit à l’oreille que Poutine avait menacé Londres de la bombe atomique ; elle l’avait appris le matin même. J’ai frémi quand l’Arkestra s’est mis à jouer Nuclear War dans une ambiance justement électrique.
Nous étions sous terre comme dans l’espace, dans une autre dimension. Il y avait les amis, Susumu, Yoshino, Cathy, Arthur ; il y avait une dame qui peignait des toiles au premier rang ; il y avait une vieille dame en tailleur-pantalon rose bonbon qui dansait avec une vigueur et une grâce magnifiques au pied de la scène et deux jeunes garçons debout au milieu des gradins, leurs corps souples et légers au milieu des spectateurs assis. Tout cela très magique et libérateur. Le concert fini, nous avons lancé notre mixtape, qui débute (comme je le disais dans le précédent billet) par un morceau maison, Valentina au piano et ma voix en boucle. On peut m’entendre dire « Tu souris mais la vérité est amère » (que je prononce comme un « ta mère ») ; l’idée nous en est venue parce qu’une inconnue a vraiment dit à Valentina, il y a deux semaines, dans la rue, « You smile but the truth is bitter ».
La vieille dame en tailleur-pantalon rose bonbon était la dernière à quitter la salle.
Aujourd’hui, nous allons prendre des photos pour un album de Valentina. Mais pas dans ce genre-là.
Hier, j’ai passé un formidable moment à la Cité des Électriciens de Bruay-la-Buissière, en compagnie des éditions Cours Toujours. Le public était venu nombreux, particulièrement pour un samedi après-midi ensoleillé ; comme à Mont-Saint-Éloi, Terrils tout partout m’a permis d’avoir des échanges émouvants avec mes nouveaux.elles concitoyen.ne.s pendant les dédicaces. J’étais aussi ravie de retrouver Schéhérazade d’Escales des Lettres – je vais beaucoup la voir au mois de juin puisque nous présenterons TTP dans pas moins de six centres pénitentiaires.
J’espère aussi revoir bientôt la Cité des Électriciens, où je compte bien postuler pour une résidence. Je suis tombée sous le charme du lieu, particulièrement de ce palimpseste – dans une ancienne maison de coron, où les habitant.e.s ne détapissaient manifestement pas avant de passer au papier suivant. On s’en doute, le côté Kitsch & Lutte des Classes m’a beaucoup parlé (surtout les mickeys).
En tout cas, on pourra encore voir l’exposition de mes photos jusqu’à la fin de l’année. Ci-dessous, le terril Donovan et le terril Fernsehturm in situ, sur leurs chevalets (chevalet étant aussi un synonyme de chevalement, je le précise au cas où vous ne seriez pas du coin).
Et ce matin, j’ai retrouvé Johanna, qui avait déjà modéré la rencontre autour de TTP à Mont-Saint-Éloi, justement. Cette fois, c’était à Arras, pour le traditionnel salon du livre du 1er mai organisé par Colères du Présent. Les conditions et la population étaient très différentes. Mais j’étais heureuse de revoir certaines personnes que je n’avais pas croisées depuis le monde d’avant.
Merci à Dominique Brisson et à mon père pour les photos des rencontres.
C’est désormais officiel : L’évaporée, mon roman à quatre mains avec Wendy Delorme, paraîtra aux éditions Cambourakis à la rentrée de septembre. Le livre est parti en impression hier et nous l’avons présenté cette semaine aux représentants d’Actes Sud – une drôle d’expérience : c’était en visio et nous ne pouvions pas voir à qui nous nous adressions, par ailleurs c’était la première fois que Wendy et moi parlions de notre livre en public, la première fois que je me pliais à l’exercice en duo. C’était rassurant et en même temps ça me donnait une forme de responsabilité dont je n’avais encore jamais fait l’expérience. J’aime beaucoup notre roman ; j’en parlerai en détail en temps voulu mais je peux déjà vous dire que nos deux univers / écritures / temporalités créent une dynamique très particulière, dont je mesure seulement aujourd’hui l’efficacité. C’est sans doute mon roman le plus efficace et ficelé à ce jour – comme Wendy et moi le souhaitions. Je suis aussi très heureuse d’avoir travaillé avec Laurence Bourgeon, éditrice attentive, minutieuse et toujours ouverte à la discussion (nous avons beaucoup parlé de virgules – ce n’est pas une légende : les auteurs et les éditeurs parlent énormément de ponctuation), y compris pour le choix de la couv. J’ai suggéré que nous pourrions utiliser une photo de Bérangère Fromont, photographe dont j’aime énormément le travail et qui se revendique de la communauté LGBT. Je vous dévoilerai la couverture de L’évaporée en juin quand nous aurons reçu nos exemplaires mais, en attendant, voici une photo de Bérangère Fromont que nous n’avons pas choisie ; c’était l’une de nos préférées, à Valentina et moi ; celle qui a fait l’unanimité entre Wendy, Laurence et moi est tirée de la même série. J’ai découvert le travail de cette artiste dans la revue Femmes Photographes, que mon amie Aude Rabillon m’a mise entre les mains. Je lui dois donc la super couv de mon prochain roman <3
© Bérangère Fromont