JC+44

Alors que ma première consultation médicale par vidéo vient de s’achever, avant que je ne m’aperçoive que l’ordonnance ne dit pas la même chose que le médecin pixelisé la minute précédente (je n’aime pas le vingt-et-unième siècle), je surprends un chat en pleine tentative de meurtre et descends l’escalier en courant. L’assassin relâche la tourterelle, qui s’envole dans une nuée de plumes, et je poursuis le chat jusqu’au fond du jardin en criant, Ne remets pas les pattes ici, saleté ! Un peu plus tard, je le vois discuter paisiblement sur le mur du jardin avec le chat pelé qui voudrait que je l’adopte et je lève le poing. Mon amour menace de lui envoyer une racine de pissenlit et il s’enfuit.

En 2004, j’ai sauvé un bébé tourterelle des griffes de mon chat bien-aimé Joe ; pendant un mois, chaque jour, j’ai couru avec Léopold posé sur le dos de ma main pour l’aider à s’envoler (c’est ce qu’on m’avait conseillé – et aussi de le lâcher depuis le haut du mur, ce que j’ai fait, avec pour conséquence qu’il est tombé par terre le bec le premier), jusqu’au jour où il a réussi. Un merle que j’ai brièvement appelé Albert n’a pas eu autant de chance. Ci-dessous, une photo de Léopold et moi. J’avais trente ans.

Ce soir, mon amour et moi marchons dans les rafales de pluie glacée puis au soleil puis sous les cathédrales de nuages noirs jusqu’à notre terril secret, où peu de nos congénères ont dû se promener aujourd’hui, de sorte que nous voyons vingt-trois lapins, malgré la luxuriance de la végétation. Nous exultons.

Pour la première fois, nous passons auprès du pont rouillé de la rue Edison sans qu’un soleil écrasant m’empêche de le prendre en photo, alors le voici.

Aujourd’hui, la circulation automobile me semble insupportable et j’ose à peine imaginer combien je serrerai les dents quand elle aura repris son rythme habituel. Nous apercevons un groupe de six ados qui traînent la patte en capuche comme au bon vieux temps ; un car de police passe à côté d’eux sans sourciller. Avons-nous raté quelque chose ?

Autour de moi, nombreux sont ceux que la perspective du déconfinement ne réjouit pas.