premiers articles sur l’Évaporée

Cet article de Thomas Messias, paru aujourd’hui dans Slate :

«L’Évaporée», à tordre la raison

Si les projets sublimes donnaient systématiquement des œuvres sublimes, ça se saurait. C’est pourtant ce qui se produit avec cette Évaporée, roman co-écrit par deux autrices qui ne s’étaient rencontrées qu’une seule fois, lors d’un salon du livre en 2018. Au printemps 2021, Fanny Chiarello (Dans son propre rôle) recontacte Wendy Delorme (Viendra le temps du feu) pour lui confier son désarroi: fraîchement quittée sans grande explication par la femme avec laquelle elle pensait passer le reste de ses jours, c’est à elle qu’elle a ressenti le besoin de parler.

De là est rapidement né ce qui a fini par devenir L’Évaporée: un roman écrit à deux, chacune un chapitre à son tour, Fanny Chiarello racontant les choses de son point de vue –celui de la femme quittée–, et Wendy Delorme imaginant tout de l’autre point de vue –celui de celle qui a quitté. Le tout forme un livre d’une grande cohésion, mais aussi d’une grande précision, sur la manière dont le sentiment amoureux s’enfuit sans prévenir, sur la possibilité ou non de colmater les brèches, sur la façon dont la vie prévue s’efface soudain pour laisser place à une existence improvisée, que personne n’avait prévu de mener.

Dans l’une des préfaces (tout est bicéphale dans ce livre), Wendy Delorme raconte que lors de leur première rencontre, à l’occasion d’une table ronde sur la littérature queer, Fanny Chiarello avait expliqué que ce genre littéraire n’était pas qu’une affaire de personnages, mais qu’il existait aussi par sa façon de tordre les mots, les phrases, la forme, pour envisager l’existence et l’écriture autrement, loin des modèles préétablis. C’est ce que l’on ressent du début à la fin de L’Évaporée, récit qui, bien que réaliste, semble se dérouler dans un autre monde, plus libre et plus beau, malgré les souffrances. »

Et celui-ci de Sophie Benard, paru dans L’Éclaireur :

[Rentrée littéraire 2022] Véritable roman-expérience, L’Évaporée relève le pari de l’écriture à quatre mains pour approcher le mystère d’une rupture amoureuse.

Dans l’œuvre de Fanny Chiarello, les romans que sont Si encore l’amour durait, je dis pas (2000), Dans son propre rôle (L’Olivier, 2015) ou encore A happy woman (L’Olivier, 2019) côtoient les recueils de poésie – La fin du chocolat (Les Carnets du Dessert de Lune, 2006), Collier de nouilles (Les Carnets du Dessert de Lune, 2008), Je respire discrètement par le nez (Les Carnets du Dessert de Lune, 2016), et Pas de côté (Les Carnets du Dessert de Lune, 2018). Quant à Wendy Delorme, performeuse, enseignante-chercheuse et écrivaine, elle est entre autres l’autrice de La Mère, la sainte et la putain (Au Diable Vauvert, 2012), Le corps est une chimère (Au Diable Vauvert, 2018), et de l’incontournable Viendra le temps du feu (Cambourakis, 2021).

Fortuite, la rencontre entre les deux autrices fût l’occasion pour elles de s’engager dans l’écriture à quatre mains. L’Évaporée raconte l’après ; l’après de la passion, l’après de la rupture, l’après de la disparition, l’après du désespoir. Les deux écrivaines se répondent alors, font dialoguer silencieusement leurs personnages – Fanny Chiarello prête sa plume à Jenny, qui vient de se faire quitter, et Wendy Delorme à Eve, qui vient de s’évaporer.

L’Évaporée

Alors qu’elles se remettent l’une comme l’autre du renoncement d’Eve, de sa désertion amoureuse, les vies et les émotions des deux femmes se croisent, sans jamais plus parvenir à se rejoindre. Au-delà de l’originalité du dispositif littéraire, Fanny Chiarello et Wendy Delorme construisent ensemble un texte superbe, sensible et incarné, qui interroge la difficulté de s’ancrer. »

Merci à tous deux pour leur enthousiasme