Sisters

disons qu’une petite sœur, c’est quelqu’une auprès de qui être soi semble facile – possible – autorisé quoi que soit ce soi, quelqu’une que l’on protège et qui nous protège ; Paris est moins un problème quand on y a une petite sœur à serrer dans ses bras, une petite sœur qui nous fait sourire d’être là

après avoir bu un thé avec Adèle à côté de la librairie Sans Titre (qui est la petite sœur du Comptoir du Livre à Liège), j’ai marché jusqu’à Montreuil où, étant arrivée en avance, j’ai fait ce que je n’avais jamais réussi à faire auparavant, ce truc si naturel à la plupart des gens – comme je l’écrivais il y a 17 ans, parlant de moi-même à la troisième personne,

« Le courage lui manque, d’affronter un univers dans lequel elle sent ne pas avoir sa place. Chaque fois que sa main hésite à pousser une porte inconnue, la crainte d’être toisée comme une intruse lui fait rebrousser chemin. Dans une ville où elle n’a pas d’habitudes, elle peut marcher des heures sans trouver d’endroit où se poser, finit par acheter une boisson ou une part de quiche dans un des ces bouis-bouis qui ouvrent sur la rue, et par se trouver un banc dans un parc, près de l’entrée, qui est aussi la sortie, et elle s’y sent immanquablement seule et misérable. Elle a toujours pensé qu’il lui manquait une information, comme si chaque lieu au monde, musée, restaurant, piscine, boutique, bibliothèque, plage, salon du livre, cercle d’amis, possédait ses codes et ses règles de conduite propres, qu’elle était censée connaître comme tout le monde mais qui lui avaient échappé dans un moment de distraction originel. »

pourtant hier, je me suis arrêtée dans un bar en face de la médiathèque, sans hésitation ni appréhension, j’ai commandé une bière et dodeliné de la tête sur des chansons funk radiophoniques en échangeant des messages avec mon amoureuse et en écrivant dans mon carnet

c’est elle, je crois – mon amoureuse – qui par contamination m’amène à me sentir un peu plus chez moi en terre humaine ; toutes les rencontres que j’ai faites récemment m’y aident aussi – pas un contexte où je ne cite Vertébrale(s), à voix haute ou par-devers moi, pas une aventure humaine ou créative dans laquelle je me lance sans avoir à l’esprit de me ménager assez de place pour respirer, de laisser respirer les formes, entre autres choses que mes co-Vertébrales chéries et moi cultivons

je pensais à tout cela, hier soir, en buvant mon verre dans le bistrot face à la médiathèque de Montreuil où, ensuite, j’allais parler de L’Évaporée, qui est aussi une œuvre de sororité, à l’invitation de la revue féministe La Déferlante, où mon éditrice me ferait la surprise d’être présente (comme elle l’est toujours, en fait) et où ma principale interlocutrice s’avèrerait être la sœur de la personne à qui je dois d’avoir un jour rencontré, à la Roche-sur-Yon, la véritable évaporée de mon réel

soit un sacré vertige de sororités diverses

merci à Nora Bouazzouni, qui modérait la rencontre et que j’ai eu grand plaisir à rencontrer ; merci au festival Hors Limites, à la revue La Déferlante, à la médiathèque de Montreuil, à la librairie Folies d’Encre, au public évidemment, et merci à Charlène Yves pour les super photos – en voici trois