Rotterdam

La ville mérite bien sa réputation de « petite New York de l’Europe » ; on y trouve aussi un peu de Londres, dans les quartiers résidentiels, une pincée de Berlin – elle offre notamment la même respiration – et beaucoup de Rotterdam. Il serait impossible de reconstituer en photos l’inouïe diversité de la ville et de proposer un inventaire de ses bâtiments les plus remarquables, ce qui nécessiterait par ailleurs de les resituer dans les nombreuses et vertigineuses perspectives qui les magnifient chacune à sa manière. Bref, je vais m’en tenir à mes rubriques habituelles, c’est plus humble et plus prudent. C’est pourquoi je commence par une déclaration d’amour à la ville en vous proposant une sélection des

zéphyrs embrasés

que j’y ai surpris au détour d’un quai, d’un jardin aérien ou d’une rue.

De Rotterdam

Dessiné par Rem Koolhaas, l’immeuble ne serait pas une splendeur nonpareille sans tout ce verre – qu’il faut bien nettoyer, évidemment. Un zoom sur la situation là-haut.

Des reflets ou pas

Grand Jeu Concours ! Trois des photos ci-dessous ne sont pas des photos de reflets. Devinez lesquelles et gagnez quelque chose plus tard. Disons 30 g de canneberges bio, quand je serai allée en acheter (plutôt la semaine prochaine – je sais, ça obligera le pigeon gagnant à faire deux aller-retour : si ça vous ennuie, ne jouez tout simplement pas).

Rideaux et Voilages

Rideaux et Voilages de péniche

Rideaux et Voilages de roulotte sur les toits

Moins sobre, ce trompe-l’œil imitant à la perfection les Rideaux et Voilages qui font peur + (n’est-ce pas extraordinaire ?) des reflets de voitures, trompe-l’œil astucieusement collé sur la fenêtre d’une maison promise à la démolition (oui, collé : il s’agit en effet d’un sticker géant en six parties)

Véritables Rideaux et Voilages faits de bâches sur ce bâtiment en construction dont les fenêtres de style industriel entrent en harmonie avec celles du Fenix Food Factory tout proche

Le métro fantôme

Bien sûr, il me fallait m’aventurer sur les sites à l’abandon que recèle encore (plus pour longtemps) la ville de Rotterdam, si possible une voie ferrée, comme le veut mae tradition. Parcourant le site de Luchtsingel, j’ai été littéralement appelée par un tronçon de métro aérien abandonné, recouvert d’un revêtement caoutchouteux et très mal protégé des intrusions par une grille brinquebalante. Je l’ai donc longé sur 1,65 km, à savoir jusqu’à son extrémité. Moins spectaculaire que le métro fantôme de Charleroi, il m’a tout de même ravie.

Au début, il se présentait ainsi.

Il me permettait de découvrir un quartier d’en haut…

…et de regarder un peu chez les gens. Les quelques habitants qui m’ont surprise, quoique d’abord étonnés de me voir là, ne m’ont pas sermonnée, ni (a priori) dénoncée.

De loin en loin, je devinais d’anciennes stations.

Un atelier d’artiste(s ?) m’a offert une pause culturelle (un petit zoom sur cette exposition en plein air à mon seul bénéfice vous sera proposé ci-dessous dans l’inévitable rubrique consacrée à Rotterdam : L’art).

J’ai vite deviné qu’il me faudrait rebrousser chemin quand j’atteindrais le bout de cette voie plus très ferrée, et j’étais bien curieuse de savoir ce qui m’y attendrait. C’était l’autoroute, tout simplement. Et, entre la ville et elle, le Noorderkanaal. Qu’est-ce que cette chose à sa surface, vous demandez-vous ?

La réponse en un petit zoom (j’ai un zoom assez chouette sur mon nouvel appareil photo, vous l’aurez deviné).

Lost in Rotterdam

La rubrique des objets trouvés est assurément l’une des plus mal loties sur ce blog. Je trouve amusant de l’alimenter à l’occasion d’un reportage de fond sur Rotterdam, ville aux antipodes de l’arrière-monde dans la mesure où elle est d’une exquise propreté. Rien n’y traîne, ou presque – je me dois de signaler que dans les quartiers populaires, principalement ceux situés au sud de la Nouvelle Meuse, l’on trouve malgré tout quelques papiers gras et Caprisun ; je pense que les services de ramassage des ordures y sont moins zélés, mais ces territoires à l’écart des regards (touristiques) restent de très bonne tenue comparés à l’arrière-monde de la métropole lilloise, qui est en toutes choses notre étalon or, notre Fernsehturm, notre étoile du berger. Je vois également dans ce billet l’occasion inespérée d’exhiber un Mickey hollandais (désolée, il ne s’agit pas d’un Mickey maison, il ne faut pas trop en demander : pour tout dire, le kitsch non plus n’est pas de mise à Rotterdam, qui fait plutôt dans le bon goût – pour ne pas dire dans le raffinement – et la sobriété).

(Feuille fondue au revêtement d’étanchéité signalé dans la rubrique consacrée au métro fantôme.)

La divination

Je crois volontiers aux avertissements que m’adressent les murs et supports variés des villes – moi qui n’ajoute pas foi, en revanche, à la moléomancie (divination par les taches de naissance et les grains de beauté). Les murs ne m’ont pas fait défaut à Rotterdam, ils apportaient un écho intéressant et souvent très pertinent aux questions existentielles et ontologiques favorisées par mon errance.

(Académie Willem de Kooning ; nous devrions cette phrase à de Kooning himself – j’ignorais qu’il était né à Rotterdam, eh bien c’est le cas : il est né à Rotterdam.)

(Détail de Ode aan Marten Toonder*, monument situé sur le Blaak, près du Markthal.)

* Toonder était un cartoonist local, comme on le voit bien ci-dessous :

(Pas trop) mal assis, là

Je ne vais pas mentir : l’on s’assied plutôt bien à Rotterdam. Devant chaque maison, des sièges confortables, parfois des salons de jardin à part entière sur les trottoirs, cernés de plantes et tout particulièrement de roses trémières ; beaucoup de bancs avec tablette centrale, aussi ; très peu de plastique – nous sommes plus dans une tendance nature, bois, rotin. Dans les parcs, des bancs et tables de pique-nique comme neuves (accord de proximité, les gars), où le design ne fait pas mal aux fesses. Je pense avoir trouvé la ville du bien-asseoir, ou du moins l’une d’elles (l’on se rappellera que j’ai trouvé très peu de mal assis à Brooklyn). Cependant, que serait une série National Geo sans ses Mal assis, là ? Aussi ai-je photographié quelques sièges et configurations qui m’ont charmée.

Erasmusbrug

Le pont dessiné par Ben van Berkel et Caroline Bos se lève plusieurs fois par jour, non pour laisser passer des péniches, des barges ou des cargos mais des petits voiliers familiaux sur lesquels l’on se prélasse – cependant qu’au fil des minutes, derrière les barrières de sécurité, le nombre des piétons, cyclistes, automobiles et tramways en attente ne cesse d’augmenter. Nous reviendrons sur l’Erasmusbrug à l’occasion d’un incontournable exposé sur la géométrie.

Le vide exact

Quelques chiffres pouvant expliquer l’excellence de Rotterdam en matière de vide exact et illustrant également mon assertion selon laquelle la ville respire et nous laisse respirer – en comparaison avec Lille et sa métropole, qui sont notre phare, notre abécédaire, notre méridien de Greenwich (et l’étau qui aura notre peau).

Population de Rotterdam : 634 253 hab. / population de l’aire urbaine : 1 424 662 hab. / superficie : 319,35 km2 / densité : 1 986 hab./km2
Population de Lille : 232 741 hab. / population de l’aire urbaine : 1 182 127 hab. / superficie : 34,51 km2 / densité officielle : 6 744 hab./km²

(Où l’on comprend peut-être mieux que la vie à Lille m’évoque un métro parisien à l’heure de pointe : vous voyez que je n’en rajoute pas. Pour tout dire, le vide exact est devenu ma passion, je rêve qu’il n’ait jamais de fin.)

Piekstraat, à Feijenoord, où l’on ne croise aucun être humain.

World Port Center, tour Montevideo, tours Rotterdam et tour New Orleans, vus depuis Katendrecht, où j’ai croisé peu d’êtres humains.

Willemsbrug, vu depuis le Ons Parc, où j’ai rarement croisé des êtres humains.

* Donnez-moi des densités de population et je m’amuse pendant des heures, comme un enfant avec une bassine d’eau et un verre.

Aviaire

À Rotterdam, l’omniprésence de l’eau amène de nombreuses populations aviaires à partager l’espace urbain avec les humains – les humains y sont en l’occurrence très souriants et les oiseaux pas très farouches. Ci-dessous, une troupe de canards danseurs particulièrement accueillants : lorsque je suis arrivée à Stootblok, j’ai aperçu cette bande d’amis qui somnolaient entre une barre de type HLM et le quai Binnenhaven, et tous se sont levés pour s’avancer vers moi puis, alors que j’allais les rejoindre, se sont disposés comme vous pouvez le voir sur la photo. Une véritable invitation. Alors j’ai dansé en ligne avec mes amis canards, en tapant dans les mains et lançant des Yeehaw ! Les habitants des alentours ont semblé apprécier cette performance – vous me pardonnerez de ne pas l’avoir filmée pour vous : j’étais pleinement dans l’instant, comprenez-vous.

Je ne prétendrai pas qu’à Rotterdam, l’on danse avec tout ce qui vole. Mais on peut aussi passer un bon moment entre amis autour d’un café.

Ou juste saluer une connaissance qui traverse le port devant le building New Orleans.

Ou échanger quelques mots de néerlandais : « Hoe gaat het met u ? » nous enquerrons-nous. « Rustig », répond l’oie.

– Hoe is et water ?
– Op de perfecte temperatuur.

Steamship Rotterdam

Je trouvais l’idée de cette visite plutôt amusante, avant de me rendre compte que l’on pouvait ne pas percevoir la distance ironique à travers les seules images. Alors qu’étais-je censée faire ? Renoncer à vous emmener à bord de ce flamboyant paquebot ? Ou seulement vous confier qu’il ne navigue plus ? Qu’il s’agit aujourd’hui d’un simple hôtel avec une piscine qui tient plutôt de la pataugeoire et un restaurant dont l’odeur a eu sur moi l’effet qu’aurait pu avoir le roulis en haute mer ? D’ailleurs permettez que je vous y accueille en short.

La géométrie

J’ai officiellement renoncé à me pencher sur tous les buildings remarquables de Rotterdam, mais ça ne signifie pas que je ne vais pas m’attarder, le temps d’un billet, sur la géométrie. Ce serait idiot, la ville étant un véritable labyrinthe visuel de lignes et de courbes. Simplement, je laisserai les tours de côté pour ne pas faire de jalouse. Pour plus de détails sur les photos ci-dessous, merci de contacter la rédaction par pigeon.

L’art

L’art est partout dans les rues de Rotterdam, et principalement dans des espèces de cadres géants qui ornent les façades de certains quartiers résidentiels (dont Noordereiland, mon île, et Katendrecht). Mais avant de vous présenter trois de mes œuvres murales préférées, voici comme promis un zoom sur l’atelier d’artiste(s ?) que nj’ai découvert depuis la voie de métro désaffectée, ainsi qu’une publicité pour une exposition.

La piscine

J’ai compris à Berlin, il y a quelques années, que je disposais en tant que française d’un super pouvoir très utile quand on aime s’aventurer dans des friches. Je l’ai expérimenté à Teufelsberg, sur le site de l’ancien projet Echelon de la NSA, puis à Spreepark, parc d’attraction tout aussi désaffecté : quand quelqu’un finit par vous tomber dessus, vous faites mine de ne comprendre aucune langue étrangère et les gardiens renoncent à se mettre en colère dès lors que vous avez prononcé quelques mots en français : alors ils laissent tomber, tout simplement. Au mieux, ils vous laissent finir votre visite et, au pire, vous raccompagnent à la sortie. Mais les Rotterdamois que j’ai croisés étaient si accueillants que même leur manière de me congédier était comme un hug, aussi n’ai-je pas eu besoin de jouer la carte du plouc pour m’en tirer sans ennuis ni amende. L’ancien centre aquatique Tropicana, fermé depuis une dizaine d’années, abrite aujourd’hui un bar à bobos, Aloha, et un espace de coworking, BlueCity, mais pour l’instant, le bassin principal reste dans l’état – un incendie l’a menacé l’été dernier mais les initiateurs du coworking ont nettoyé les dégâts et, à terme, ce bassin qui fait également office de serre équatoriale (l’on devine à la lumière calamiteuse des photos ci-dessous les conditions météorologiques de cette visite) fera également partie de leur espace de travail. Je sais tout ça parce que la charmante dame qui m’a demandé de bien vouloir quitter les lieux a gentiment discuté avec moi avant de me laisser regagner la sortie sans escorte, tranquillement.

Et ici, en exclusivité, mon premier Mal assis à la piscine :

Upper rooms & kitchens

Contrairement aux bien assis, là, les églises et autres bondieuseries ne pullulent pas à Rotterdam comme elles le font à New York (et en Vendée). L’image ci-dessous vous donnera un aperçu de la place qu’elles occupent dans l’espace urbain :

C’est bien clair ? Quant à la mosquée centrale, elle est en vérité plutôt enclavée (au sud de la Nouvelle Meuse : pas centrale à proprement parler).

Ci-dessous, ce qui fut une église et qui aujourd’hui, sous le nom de ‘t Lispunt, répond à des problématiques sociales uit de buurt. C’est bien aimable à Jésus d’avoir donné sa maison pour la bonne cause. Les missions de t’Lipunt sont aujourd’hui celles-ci : « Buurthuis ‘t Lispunt organiseert verschillende activiteiten voor kinderen uit de buurt. Hierdoor worden bewoners actief betrokken bij de buurt en wordt een brug geslagen tussen verschillende culturen en het bevordert de emancipatie, participatie en integratie. Er is een aanbod aan recreatie, educatieve, sportieve en ondersteunende activiteiten. Kinderen met een meervoudige problematiek krijgen veel aandacht. » Comme vous l’aurez compris, j’ai découvert ce lieu depuis la voie de métro désaffectée.

Chercher a posteriori le nom du lieu de culte ci-dessous sur une célèbre carte en ligne m’aura appris deux choses : 1. il n’est pas répertorié sur ledit plan* comme un lieu de culte (s’agit-il d’une autre MAJ – ou CCCS – gracieusement offert.e par Jésus aux Rotterdamois ?) 2. que j’ai manqué une église particulièrement audacieuse sur le plan architectural.

Pour finir, une vue de Citykerk Het Steiger Sint Dominicus dans son milieu naturel.

* Je n’accorde qu’une confiance relative au plan en ligne, dans la mesure où j’ai trouvé dans ses fascinants méandres d’inévitables et néanmoins embarrassantes inexactitudes.

La Roche-sur-Yon

Château-Fromage

Aujourd’hui, j’ai couru sur un chemin que Napoléon a parcouru à cheval, jusqu’àt Château Fromage (j’aurais bien poussé jusqu’à Sigournais mais c’est beaucoup trop loin – un peu après Chantonnay) ; à notre gauche, un pont surplombait l’autoroute, tandis qu’à notre droite, un champ de colza ondulait sous la brise.

(Napoléon was here. Moi aussi, sans cheval.)

Ici même, j’ai ressenti une telle joie que mes orteils gigotaient dans mes baskets, et soudain j’ai dansé, esquissant des sauts de biche, les bras tendus vers le ciel que parcouraient des nuages rapides.

(Saut de biche sur l’A87 en contrebas du susdit pont.)

Plus tard, j’ai descendu la D80 pour revenir vers la Roche-sur-Yon, me fiant à mon seul sens de l’orientation alors même que j’étais au beau milieu de ceci :

(La campagne, quoi.)

J’ai couru des kilomètres sans croiser un véhicule. Je prends goût à la campagne, me disais-je : des champs, des bois, des cours d’eau, des étangs, et personne pour me gâcher le paysage.

À cet instant précis, j’ai baissé les yeux et vu, au fond du fossé juste à ma gauche, un imposant mammifère mort, sur le dos, ses courtes pattes pathétiquement tendues vers le ciel. J’ai frappé plusieurs dizaines de fois ma cage thoracique avec le plat de mes mains cependant qu’une voyelle indéterminée roulait au fond de ma gorge. J’ai couru encore plus vite et veillé à ne plus baisser le regard vers le fossé jusqu’à ce que j’aie atteint la ville.

(De retour à la civilisation.)

J’aime beaucoup La Roche-sur-Yon. Je suis bien, ici, les journées sont bien remplies et le soir je bois des verres avec Sophie, Éloïse, Mandana et ceux que nous croisons chez Simone & Simone ou à la Maison Gueffier (à m’entendre, on dirait que je suis ici depuis longtemps – je le ressens ainsi).

* J’espère que vous savourez les sonorités locales.

** J’ignore de quelle espèce. Format raton laveur, robe marron clair.

L’art des jardins

La Roche n’a rien à envier à la banlieue lilloise en matière d’art. Vous traversez un lotissement et vous êtes au musée.

Le Chalet de l’Ouest est une tradition aussi répandue que le Chalet du Nord et s’accompagne de réjouissantes surprises.

Mais je dois avouer que la région nous bat dans le domaine de la flore, que ce soit dans la catégorie California Dreaming (l’on y trouve des palmiers par milliers) ou dans celle que j’appelle volontiers Imagin’Hair : ici, l’on taille les arbustes en boule, en cône, en cylindre, avec une précision rare. Ici, de jolies petites sphères devant ma maisonnette.

Des activités économiques

Voici cinq bonnes raisons de vivre dans une ville dont le nom permet autant de facéties que Hair et Tif.

Beaucoup fun

Ici aussi, on a beaucoup fun. Comme nous le verrons également dans l’incontournable Mal assis, là, tout est fait à la Roche-sur-Yon pour le confort des citoyens, à cette nuance près que les tondeuses municipales sont en grève depuis quelques mois, à tout le moins.

Mal assis, là

Comme j’en avançais la thèse ci-dessus, la tondeuse à gazon n’est pas aussi ancrée dans les traditions locales que ne l’est le sécateur – aujourd’hui même, une Yonnaise d’adoption particulièrement bien intégrée m’avouait recourir aux ciseaux pour entretenir la pelouse de son jardin. Ici, l’on peut manifestement prendre du bon temps, les chevilles dans les orties. Nous verrons plus bas que l’on peut également se ménager des lieux de convivialité dans des lieux publics particulièrement pentus ou perchés.



Des spécialités vendéennes

Au fil de mes courses à pied, j’ai découvert ce que je suppose être des spécialités vendéennes au même titre que le préfou et le fion, dans la mesure où je n’avais jamais rien vu de tel auparavant. Ci-dessous, une décoration de façade qui porte une coiffe typiquement vendéenne (toutes les femmes portent ici de ces coiffes carrées parfois dites capots canons, je le jure – si je ne vous le prouve pas par l’image, c’est bien parce que j’ai pour principe de ne pas photographier d’individus, à l’exception des animaux):

De loin, j’ai d’abord pensé qu’il s’agissait d’une niche à vierge (j’opte ici pour la préposition à plutôt que pour de, comme dans des expressions telles que huche à pain, verre à vin et cloche à fromage – ce choix d’exemples tend à suggérer que l’apéro commence tôt ici, à la terrasse de Simone & Simone), les Vendéens étant de bons catholiques (ce matin j’ai croisé un arrêt de bus portant le nom de Jean XXIII – il nous faudrait une rubrique « aménagements municipaux et laïcité ») mais non. Vous comprendrez aisément ma confusion :

Un autre élément du folklore me paraît être ce panneau servant à compter les points d’un jeu qui est ou n’est pas (je ne sais vraiment rien de rien) la pétanque ou un jeu du même style, et que j’ai découvert quelque part entre Moulin Papon et Moulin Sec (une fois de plus, je vous invite à savourer l’onomastique locale) :

(Oui, mes photos sont écrasées par la lumière : comme ma tête par la chaleur. Mille excuses mais je ne pratique toujours pas la danse de la pluie.)

Un peu d’architecture

Vous êtes nombreux à me demander quid de l’horizontalité, de la verticalité, de la répétition de motifs, de la symétrie et de la vieille pierre à la Roche-sur-Yon. Vos questions sont légitimes et votre curiosité louable.

La ville dispose de quelques grands ensembles, dont voici deux aperçus qui ébauchent une réponse à vos deux premières questions. Notez que si une voie ferrée agrémentée d’un tunnel pour piétons fait la richesse de la première configuration, la nature enveloppe la seconde, avec sa rivière, son herbe à fun et ses orties.

Les lotissements sont nombreux, plats, labyrinthiques et traversés de petits chemins par centaines, qui relient les différentes rues. L’art des jardins, comme nous l’avons vu, y est souvent riche, qui casse par endroits la répétition de motifs cubiques beiges aux angles nets mais pas toujours ; ci-dessous, par exemple, non.

Quelques bâtiments, dans le centre de la ville, présentent une géométrie intéressante, comme c’est le cas du Palais de Justice.

Quoique la ville manque, à mon humble goût, d’arrière-mondes et de cicatrices (expressions murales diverses et autres dégradations), l’on y trouve un petit château muré qui m’a bien plu, dans le parc des Oudairies.

Jambes en l’air

De haut en bas, place Napoléon, devant le Grand R et à la Maison Gueffier, au cours d’un atelier d’écriture très guindé, comme on le voit clairement (merci pour leur complicité à Alix, Michèle, Pascale, Catherine, Barbara, Catherine et Bernard*, de gauche à droite sur la photo).

* Merci aussi à Micheline, Christian, Catherine, Eric, Corinne, Nad’, Pascale et Sophie, tous hors champ ici mais qui ont également contribué à faire de cet atelier un moment riche et généreux. Je leur dois aussi d’inoubliables fous rires.

Insurrect’yon

(Certains promoteurs se contrefichent de la lutte ; Philippe P., par exemple, s’en tamponne grave le coquillard. Si tel n’était pas le cas, il aurait veillé à placer son panonceau sur la virgule inutile plutôt que sur le pat.)

(« à partir de maintenant et pour toujours » a le mérite d’être à la fois clair et radical ; notez qu’il ne s’agit pas du même promoteur et que celui-ci soutient la lutte, d’autant que cette petite cabine mise à disposition des militant.e.s est rouge.)

Presque la campagne

D’après les informations que j’ai trouvées, l’agglomération de la Roche-sur-Yon, c’est 89% d’espace naturel et agricole – la métropole lilloise compte 46% de surface agricole mais a souffert d’une artificialisation rapide (le nouveau plan d’urbanisme PLU2 devrait au moins endiguer cette tendance). C’est vrai, je serais bien, ici, à la Roche-sur-Yon, je pourrais courir des années sans me lasser de découvrir de nouveaux champs et pâturages où serpentent des cours d’eau, où stagnent des étangs, où bruissent les arbres et les buissons, où paissent chevaux et veaux, et cependant rester à proximité d’une vraie ville : c’est ce genre de configuration qui m’attire à presque la campagne. Mais qu’est-ce que c’est vallonné, ici. Et puis il fait chaud. 46% de surface agricole, ce n’est déjà pas si mal, surtout pour une aussi grande métropole. Non, je pense que je vais rester encore un peu dans le plat pays.

Je reste

Je ne rentrerai pas de La Roche-sur-Yon, bien que l’on y travaille dur. Hier midi, lors de mon Jeudi Curieux au Grand R, nous avons écouté Sonic Youth, Help She Can’t Swim, Puccini, Barber, Mahler, Ravel, Toysession, Meredith Monk et Morton Feldman, dans cet ordre. J’ai trépigné pour continuer mais c’était l’heure. Bientôt, des images de Mes petites amoureuses, que Clémentine et moi avons jouées hier soir. (Merci à Jany pour les photos.)

Ici, tard le soir, on mange des pizzas et on joue à la Cène. Hier, j’ai fait Jésus. Devinez qui a fait Judas et qui Marie-Madeleine* : Johanna, Adeline, Mandana, Sophie, Mathilde, Clémentine, Éloïse, Myrto ou Patricia ?

Bref, je reste.

* Quand, au cours d’une soirée, j’entends une camarade dire à une autre, « Non, c’est moi qui fais Marie-Madeleine, je l’avais dit avant », je ne vais pas mentir : j’aime ma vie. (Notez que, chez nous, Marie-Madeleine ne reste pas dans la cuisine.)

Upper rooms & kitchens

Ce n’est pas comme si l’on n’avait pas l’embarras du choix en matière de bondieuseries, en Vendée. J’ai dû faire des choix douloureux. Vous aurez un Jésus agent de la circulation, un petit Jésus que sa vierge mère forme précisément au métier (d’agent – suivez un peu, je vous prie), et une Bernadette, parce que ça change et que le bâtiment qui lui est consacré ici est aussi un trésor architectural.

Quel est le point commun entre Brooklyn et la Vendée ? C’est bien simple : vous pourriez alimenter vos upper rooms and kitchens en églises, chapelles, calvaires, statue(tte)s, affiches et autres bondieuseries jusqu’à la fin de vos jours sans déborder de votre territoire. Je pense que c’est le seul – point commun. Encore une occasion de dire, Merci Jésus, son papa, sa maman et tous leurs amis de créer des liens si forts entre les fidèles par-dessus les eaux vigoureuses du vaste Atlantique.

Villeneuve-d’Ascq

Cette semaine, j’ai décidé de vous emmener dans les rues (s’il est permis de les désigner ainsi) de Villeneuve-d’Ascq. Je ne pouvais que tomber amoureuse d’un tel cauchemar urbain, labyrinthique et désert. L’on y trouve tout ce que je préfère dans les villes, en particulier

Des tunnels, des chemins, des passerelles

et diverses voies inaccessibles au profane, étroites et sinueuses, cachées, taillées dans la verdure ou le béton. Il peut arriver que l’on ait un peu peur à ses bouts du monde, et l’on se perd inévitablement dans ses méandres alambiqués. Elle est parfaite pour moi.

Du style

Bien que la ville nouvelle se soit construite, dans les années 1970 et 1980, autour des villages d’Ascq, d’Annappes et de Flers, et bien que l’on trouve dans ces anciens villages des églises du XIè siècle (voir ci-dessous la traditionnelle rubrique Upper rooms & kitchens) et des châteaux du XVIème siècle comme sur la photo ci-dessous, ce que l’on retient de Villeneuve-d’Ascq, c’est avant tout son esthétique architecturale pauvre, très marquée par les années 1980, que ce soit dans le choix des matériaux ou dans les formes très alambiquées dessinées par ceux-ci. Il n’est pas jusqu’à ses arbres qui ne soient frappés, dans les rues les plus traditionnelles, d’un traitement capillaire futuriste.

De la campagne

Villeneuve-d’Ascq, c’est aussi le parc du Héron, des lacs et autres plans d’eau artificiels, des champs, des jardins communautaires, des cygnes, des canards, des chevaux montés de jeunes bourgeoises et des moulins de ville. Il me faut vous prévenir que Villeneuve-d’Ascq ne propose pas de camping, hélas, je le précise pour ceux d’entre vous qui déjà brûleraient de traverser la France, l’été prochain.

Des parcs d’activité (frénétique)

Ici, l’étincelante Pilaterie.

De l’art

Villeneuve-d’Ascq, c’est aussi le LAM et sa belle collection d’art brut, et c’est aussi l’art dans la rue, comme ci-dessous.

De l’habitat

Venons-en au fait. Maintenant que je vous ai convaincus de vous établir dans cette ville aux fascinants contrastes, parlons immobilier. Toutes les formes de l’habitat sont représentées ici : lotissements, petits et grands ensembles, maisons ouvrières, dédales modernistes, châteaux et anciennes fermes. Vous connaissez mon goût particulier et quelque peu pervers pour les géométries les plus alambiquées représentées dans le petit catalogue (non exhaustif) ci-dessous. Mais je ne veux pas vous influencer dans une décision si délicate.

Du fun

Zéphyrs embrasés.

Mickeys maison

caddies dans lumière vaporeuse

Mal assis, là

Pour ce nouveau défi lancé à nos fessiers, des photos prises sur le quai Hudson,  au forum vert et sur le boulevard du Comte de Montalembert.

Upper rooms & kitchens

L’église de Jésus Christ des Saints des Derniers Jours m’évoque Brooklyn, non pas en raison de son architecture (d’ailleurs très à mon goût) mais de son nom à rallonge – il me rappelle un peu la Brooklyn Faith Seventh-day Adventist Church, par exemple.

Dans un style plus XVIème siècle, voici l’église Saint-Pierre de Flers-Bourg. J’aurais aimé en donner une vue plus globale (j’admets que cet angle n’est pas idéal) mais il devait y avoir de la buée sur mon objectif le jour où j’ai fait les prises de vue et mes autres photos sont inutilisables. Ce n’est pas très sérieux de la part de la rédactrice en chef d’une rubrique aussi prestigieuse, me direz-vous ? Eh bien, faites donc une réclamation.

Ci-dessous, mon lieu de culte préféré ; je le trouve d’autant plus fascinant dans son contexte, car l’Oratoire Saint-Marc est étroitement inséré entre les immeubles que vous pouvez voir sur la photo, bien sûr, mais aussi entre l’hôtel de ville et le centre commercial. Si j’étais une heureuse Villeneuvoise, assurément, c’est ici que j(e n)’irais (pas) à la messe le dimanche matin.

Je trouve très triste le passé composé employé par l’église du Sacré-Coeur de Flers Sart : ça veut dire que c’est fini ? Nous l’avons déçu ? De l’autre côté de la porte, sous un autre bas-relief de Fernand Weerts, une phrase si déchirante que je n’ai pas le cœur d’en afficher ici l’image : « Il s’est livré pour nous ».

Je pourrais vous montrer d’autres églises encore mais je préfère clore cet incontournable dominical par des images de mignonnes chapelles.

1. à chapka de verdure

2. sans

3. Ste Philomène

Comines-Warneton

Je vous emmène cette semaine à Comines-Warneton.

(Plutôt pas mal assis, là, au bord de la Lys.)

(Un mur de textures composites, dans le centre-ville.)

Une voie ferrée

La gare de Comines-Warneton a diverses particularités : d’abord, l’on n’y trouve ni Marks & Spencer ni Palais des Thés mais un atelier d’artiste – galerie d’art ; ensuite, des affiches nous présentent (photo à l’appui) Frank, l’employé qui entretient la gare pour le confort de tous ; enfin, des cabines de plage boxes permettent aux usagers d’attendre leur train assis à l’abri des éléments. Un véritable modèle que cette gare.

La Belgique m’évoque souvent les États-Unis, comme je ne manque jamais de m’en ouvrir à mes amis belges – certains partageant cette impression, d’autres me regardant alors avec un rictus quelque peu méprisant. La musique explique en partie cette impression*, mais aussi la sirène de la police (politie) ou encore les passages à niveau.

Ce système de roue et contre-poids m’a beaucoup plu ; je n’ai pas compris ce qu’il reliait à quoi ; je n’aurais pas pu inventer le chemin de fer, quelque amour que je porte à son esthétique.

Après la gare, les deux voies ferrées en deviennent une seule. Vous découvrirez plus bas quelques merveilles de faune et d’architecture qui agrémentent ses abords (patience).


* Ainsi, Comines-Warneton (18 111 habitants) possède un club de jazz et de blues tandis que Lille et son aire urbaine de 1 182 127 habitants n’en proposent pas un ersatz.

L’art

Au fil de mes déambulations, j’ai découvert Roger Coppe (1928-2012), maître verrier, peintre, sculpteur et dessinateur, manifestement l’artiste phare de Comines-Warneton. Nous lui devons notamment le Mémorial de la Bataille du Canal, sur l’esplanade du canal Comines-Ypres.

Si vous longez le canal vers la Lys, à l’angle de la rue de la Procession (ancien chemin de halage) et de la rue de la Procession (et vice-versa), vous apercevrez sur votre gauche la Maison de la Jeunesse et de la Culture, construite en 1975, et que décore un bas-relief de l’artiste, dans un genre très différent de son mémorial.

(Rue de la Procession, donc, Comines-Warneton, Wallonie.)

En voici un détail :

Mais l’art, à Comines-Warneton, c’est aussi le hall d’un club de blues et de jazz, l’Open Music, rue du Faubourg, qui est également le hall d’un cabinet d’avocats – je trouve la chose assez nébuleuse -, hall qui est une véritable galerie d’art. Si l’un d’entre vous sait de quel artiste est le buste ci-dessous, à mes yeux l’œuvre majeure de cette exposition que je suppose permanente, je lui offre une petite frite* à l’Istanbul (« Les meilleurs kébabs de la région ! »)**.

* Supplément sauce non pris en charge.
** Frais de déplacement non pris en charge.

Au fil de la Lys

Un simple pont sépare Comines (France) de Comines-Warneton (Belgique). Sous ce pont coule la Lys, le genre de rivière où l’on ne se baignerait pas.

Malgré mon goût prononcé pour les passages secrets et les territoires interdits, je n’ai pas enfilé ma combinaison en néoprène pour aller voir où mènent ces portes immergées. Vous pouvez m’envoyer tous les pigeons de la Création, porteurs des messages les plus infamants, c’est toujours non.

Pourquoi ne peut-on pas se baigner dans cette rivière d’aspect si charmant ? Parce que de lourdes péniches y circulent (nous le verrons plus bas) entre des usines qui, comme Lotus (la biscuiterie particulièrement connue pour ses Speculoos), déversent dans l’eau des liquides colorés et odorants.

Admirez cette vue de l’usine en question avec, en arrière-plan, l’église Saint-Chrysole de Comines, au style néo-byzantin – oubliez Saint-Pétersbourg et toute la Russie impériale, allez à Comines, France ; en plus, l’église vient d’être restaurée, nettoyée, on en mangerait comme d’une charlotte aux fraises.

Saint-Chrysole n’est pas le seul atout architectural de Comines (France). Ici, derrière une péniche aménagée en appartement, vous voyez se dresser le clocher de St-C mais aussi le beffroi de l’hôtel de ville et son bulbe majestueux (le bâtiment figure au patrimoine mondial de l’UNESCO).

Ne croyez pas que je n’aie pris aucun risque pour ce reportage. J’ai traversé des champs marécageux pour approcher cet étonnant pont dont j’ignore de quoi il est un vestige : une voie ferrée passait-elle autrefois en-dessous ? Qu’est-ce que ça peut faire ? Il est là, au milieu des champs, ça ne vous suffit pas ? Je ne suis pas payée pour faire ce type d’enquête ; si vous n’êtes pas satisfaits par ma manière de mener l’enquête, flûte.

Pour clore cet épisode sur le fil de la Lys, la photo promise d’une imposante péniche passant (tout juste) sous le pont qui sépare Comines (France) de Comines-Warneton (Belgique), ce si beau pont qui, je tiens à le préciser, n’est ni belge ni français, un pont libre et libertaire, no border.

L’habitat

J’envisage d’acheter cette maison ; elle coûte 496 000 euros, ce n’est pas rien, mais elle dispose d’une piscine et de boxes pour les chevaux – une commodité appréciable quand on emménage : on pose ses meubles, comme on dit…

Quand j’aurai posé mes meubles, mes bouées en forme de canard et mes chevaux dans ma villa, je pourrai décorer sa façade d’un petit nom en solfège dans le même goût que le do mi si la do ré ci-dessous.

Le nom idéal serait quelque chose de grandiose dans le goût de Royal Palace, mais que l’on puisse épeler en notes de musique.

Peut-être un jour mes pilastre s se terniront-ils, mais je n’aurai pas le laisser-aller de certains de mes concitoyens cominois* : je fais le serment que, si elles devaient ainsi décatir, je louerais un nettoyeur à haute pression.

Dans le parc, entre la piscine et les boxes des chevaux, je ferai construire un barbecue en dur comme celui de mes voisins, orné de têtes de lion, dans un cadre délicieusement rustique.

* La profusion de pilastres à Comines-Warneton étaye ma thèse de la proximité culturelle entre Belgique et États-Unis ; que l’on se remémore les paroles de Cities, chanson des Talking Heads, dans lesquelles il est question de Memphis, « home of Elvis and the ancient Grece ».

La faune

Je promettais plus haut de vous présenter les merveilles de la faune qui agrémente les abords de la charmante voie ferrée. Je longeais cette dernière, séparées d’elle par une étroite bande de verdure, quand des dizaines de poules se sont précipitées vers moi, leur petit ventre rebondi se balançant avec grâce. Seuls éléments nonchalants de la bande, ces deux individus à la plume fringante.

Cent mètres plus loin, des chevaux se débattaient pour chasser les mouches. Je ne voudrions pas observer une telle détresse dans mon propre jardin, aussi ai-je renoncé à acheter cash la villa évoquée à l’instant, car qui dit boxes dit chevaux, pour moi qui tâche de respecter la fonction que l’usage assigne aux objets et constructions. Tant pis.

Je n’ai pris aucune photo des panonceaux canins qui fleurissent les fenêtres de Comines-Warneton car ils sont en tout point identiques à ceux que l’on trouve dans le banlieue lilloise. En revanche, je n’aurais pu vous priver de ce joyau, dont vous apprécierez tout autant la cruauté que l’esthétique.

Sur le canal Comines-Ypres, nous avons observé deux types de poules d’eau : les poules d’eau-Jésus qui marchent sur les lentilles d’eau et celles, plus prudentes, plus conventionnelles aussi, qui utilisent les aménagements du territoire pour se déplacer.


Zéphyrs embrasés

Je vous prie de bien vouloir excuser la qualité déplorable de cette photo ; la scène qui m’intéressait se déroulait hors d’atteinte et il m’a fallu zoomer au maximum pour pouvoir témoigner de la liberté de mœurs qui règne à Comines-Warneton, visiblement dès la prime enfance. Malgré l’angle et le flou imposés par la configuration du jardin où a lieu la scène, il me semble pouvoir affirmer que ces enfants ont à peine un an mais s’embrassent avec la langue. Notez la main entreprenante posée sur la hanche de ce que nous supposerons être le sujet masculin dans tout le potelé de son jeune âge.

In the kitchen + Mal assis, là

L’appellation « Mal assis, là » est ici très subjective : une âme dévote sera épanouie sur ce banc, dans la contemplation forcée de la chapelle N-D de Grâce.

L’on trouve deux éléments étonnants dans ladite chapelle : d’abord, un enfant de chœur en faïence. Nous n’en avions encore jamais vu dans aucune des nombreuses chapelles qui nous attirent immanquablement, malgré notre farouche anticléricalisme.

Plus insolite encore, ce Jésus qui met les doigts dans les narines de la Vierge Marie, sa maman. Pardonnez la piètre qualité de l’image, une fois encore, mais seul un zoom, malaisé à travers les fenêtres très sales de la chapelle, permet de voir distinctement ce qui se joue entre les doigts du divin enfant et les vierges naseaux.

Au bord de la Lys, cette chapelle couverte de lierre était extrêmement charmante mais tout aussi sale, comme l’image suivante tâche de le montrer.

Je mentirais si je prétendais que l’on ne voyait pas ce qui se trouvait à l’intérieur mais, à vrai dire, je n’y ai rien relevé de très original : pas d’étendoir à linge en plastique, ni de mœurs nasales inhabituelles. Je préfère essayer de vous faire ressentir la qualité de la vitre – sa texture poreuse et les différentes matières qu’elle amalgame – que de vous proposer la photo d’un ange aux yeux blancs.

J’ai traversé le colossal institut Saint-Henri et tâché de deviner, à travers les vitres brouillées, à quelle salle de classe j’avais affaire. J’ai identifié une salle d’arts plastiques, une salle de mathématiques, mais j’ai séché sur celle-ci :

Maubeuge

Face au succès inattendu de ma série sur Charleroi, je vous propose un reportage entièrement dédié à la ville de Maubeuge ; et, de même que j’avais abordé la banlieue limitrophe de Charleroi en vous menant à Montignies-sur-Sambre, je vous présenterai Rousies, qui se trouve également sur la Sambre, côté français.

Cette photo a été prise à Rousies, près d’un ancien passage à niveau, sur une voie ferrée à l’abandon – on lit ici qu’elle relie Maubeuge à Fourmies mais tous mes indics suggèrent qu’ils s’agit en vérité d’une ligne Maubeuge-Bavay : qui croire ? Je ne l’ai pas suivie jusqu’à son terme afin de le vérifier par moi-même, pour cause de végétation insécable.

Une voie ferrée

Les grands explorateurs ne sont pas toujours aidés par leurs amis. Les nôtres ont suggéré à plusieurs reprises que des tiques avaient pu s’inviter sous nos épidermes cependant que nous progressions avec difficulté dans la végétation très dense, sur la voie ferrée à l’abandon qui relie Maubeuge à Bavay – ou à Fourmies, je ne reviendrai pas sur ce débat : les Indes, les Amériques, peu importe, ce n’est pas le but qui compte mais le chemin, ce chemin même où les tiques guettent les mollets nus d’exploratrices intrépides. Je comprends aujourd’hui que ma volonté de n’avoir en aucun domaine de la vie l’équipement technique requis ne fonctionne pas dans le contexte des voies ferrées à l’abandon.

l’ART

Une brève histoire des genres à Rousies

C’est un art particulièrement raffiné qui nous renseigne sur les mœurs des jeunes roséens modernes. Ils nous évoquent fortement l’antiquité dans la métropole lilloise, comme en témoignent les images ci-dessous, que vous pouvez comparer avec celles-ci.

L’art déco

Nous avons eu la délicatesse de ne pas forcer les portes de la fameuse salle Sthrau mais ce qui suit me semble déjà très réjouissant.

(Bâtiment situé derrière l’église du Sacré-Cœur, route de Mons.)

(Ancien hôtel Le Provence, à l’angle de la rue Henri Durre et de la rue des Clouteries.)

(Salle des fêtes, place Julien Bernard, Rousies ; l’extension bien d’aujourd’hui ne gâche pas ce bâtiment de 1935.

Des usines

En longeant la Sambre vers Assevent, l’on découvre de très belles usines, notamment le verrier AGC Glass à Boussois, avec sa cheminée rouge et blanche et son bilboquet blanc (un château d’eau ?)

Des moulins

Le moulin a une place de choix dans les rues de Maubeuge. Comme dans celles de la métropole lilloise, certes, mais à Maubeuge, les moulins ne sont pas juste affaire de Rideaux et Voilages, comme ci-dessous…

… ni seulement de boulangeries, comme vous le voyez ici…

… mais peuvent prendre des dimensions très honorables…

… voire impressionnantes

La faune

Je dois admettre que je suis satisfaite de cette photo, une photo en couleurs qui pourrait passer pour du noir et blanc. Parfois la lumière nous offre des cadeaux que l’on ne découvre qu’après coup, une fois l’image transférée sur l’ordinateur.

Nous avons rencontré cette chèvre roséenne terriblement affectueuse entre deux tronçons de voie ferrée à l’abandon ; il faut emprunter un petit chemin en pente et, juste avant de s’engouffrer dans le tunnel sous l’autoroute et de traverser les voies encore en activité pour atteindre les champs, l’on caresse un moment cette biquette, qui secoue les oreilles de plaisir. On est presque triste, ensuite, de l’abandonner à sa pâture – même si l’on se rassure qu’elle soit entourée d’amies poules.

La faune, dans le Val de Sambre, n’est pas très différente de celle que l’on observe dans la métropole lilloise. Il y a de l’aigle et du lion.

Quelle ne fut pas ma surprise quand, sur la Sambre, devant les Provinces Françaises de Maubeuge, je découvris un club de lecture aviaire qui venait de mettre mon recueil Je respire discrètement par le nez à l’ordre du jour. Il y est beaucoup question de canards, hérons et poules d’eau, ce que les membres du club ont beaucoup apprécié. Je me réjouis qu’ils y aient puisé des idées pour instiller un peu de fantaisie dans leur vie.

Il me semble évident que les trois canards ci-dessus ont découvert les joies du surf grâce à cette page de mon recueil :

Un peu de géométrie

(Petit aperçu du quartier Provinces Françaises.)

(L’hôtel de ville – la façade a été dessinée par Vasarely. Ci-dessous, un détail.)

(Typique pavillon de Rousies, bien entretenu, sans rien qui dépasse – si l’on exclut, de loin en loin, un ange de pilier ou un lion de jardin.)

Upper rooms & kitchens

Dès l’entrée de Maubeuge, rue de Mons, je pousse un cri : quelle chance, une église comme je les aime se dresse en retrait de la route, un peu à la manière d’un mini centre commercial. C’est l’église du Sacré-Cœur. J’admire d’abord les gargouilles en béton de son clocher, le bâtiment en tôle, pierre et bois, les sculptures en métal très funky représentant le Christ (qui n’est pas mort, nous apprend-on) en croix. À l’intérieur, le chemin de croix est également de style très moderne et le Christ toujours aussi funky. Je comprends très vite que je vais aimer cette ville qui, pour avoir été en grande partie détruite pendant la guerre, a une architecture moderne tout à fait à mon goût.

Plus célèbre que l’église du Sacré-Coeur, Saint-Pierre Saint-Paul a ses propres charmes, notamment son clocher vitré, ses mosaïques effrayantes, post-apocalyptiques pour certaines, et cette statue présentant une croix inversée. Les architectes de cette église sont André Lurçat et Henri Lafitte, les mosaïques sont de Jean Lurçat, frère d’André. Notons la présence systématique, devant ou dans les églises de Maubeuge, de sainte Aldegonde, sa sainte patronne.

Et pour finir, un calvaire de Rousies où Jésus fait vraiment mal au cœur.

Une brève histoire des genres et de la sexualité dans la métropole lilloise

Vous l’aurez constaté, les genres ont leurs prérogatives bien ancrées dans notre société contemporaine et la sexualité dominante est assurément hétérosexuelle – vous pouvez le vérifier, si vous avez encore des doutes, en passant en revue les zéphyrs embrasés que je vous livre ici : les tendres étreintes et baisers qu’ils nous donnent à voir sont a priori toujours partagés par des individus de sexe opposé (cette assertion est certes moins facile à vérifier quand les zéphyrs embrasent des oiseaux, comme c’est souvent le cas, des anges, par essence asexués, ou encore des pandas).

(Rue du Calvaire, Montignies-sur-Sambre.)

Une rare exception date visiblement de l’ère communiste, dont nous verrons qu’elle encourageait les relations entre jeunes gens du même sexe, du moins dans la métropole lilloise – sans doute pour contrôler quelque peu les naissances (c’était avant la PMA), afin que les camarades fussent moins nombreux à être tous égaux : sur le plan logistique, cela facilitait sans doute les choses.

Ce que je vous propose n’est pas un état des lieux mais un petit imprécis d’histoire.

La préhistoire

L’art rupestre, très présent dans la banlieue sud de Lille, nous enseigne que, chez les êtres préhistoriques, les genres n’étaient pas encore aussi définis qu’aujourd’hui. Un regard contemporain tendrait à voir une forme de confusion dans la représentation pourtant très détaillée qu’ils en ont laissé sur les murs de leurs cavernes.

Par ailleurs, il apparaît que nos ancêtres étaient majoritairement homosexuels et que le sexe féminin y régnait en maître. L’usage de l’appareil génital masculin à des fins sexuelles semblait réservé à de toutes petites maisons closes appelées latrines et semblables à celle que dépeint l’image « rose » ci-dessus ; sans doute cette peinture rupestre constituait-elle une sorte de plan destiné aux amateurs des pratiques incluant ledit appendice. La majorité des images qui aient subsisté jusqu’à notre époque nous renseignent sur les rites sexuels les plus répandus à l’Âge de pierre. Ci-dessous, une petite sélection.

(Les photos de ce premier chapitre ont été prises à Lille Sud, Ronchin et Loos.)

L’antiquité

Des fouilles effectuées au Jardin des Plantes, à Lille, laissent supposer que, pendant l’antiquité, les jeunes filles sautaient à la corde cependant que les jeunes garçons jouaient au football. Aucune des statuettes et amphores révélées par les fouilles ne semble indiquer une mixité possible, de sorte qu’il est permis d’affirmer (non sans prudence) que les mœurs observées dans la métropole lilloise préhistorique avaient encore cours pendant l’antiquité.

Notons qu’à la grande époque coloniale de la métropole lilloise, le football était toujours l’apanage des seuls garçons. Aucun document ne permet à ce jour d’affirmer que la corde à sauter emportait encore, à la même époque, l’adhésion des jeunes filles (à supposer qu’elles aient jamais embrassé cette discipline par choix).

(Photos de ce chapitre prises à Lille Moulins et à Lille Sud, quartiers contigus.)

L’ère communiste

L’amour entre personnes du même sexe semble avoir été la norme prônée par l’État jusqu’à une époque récente, comme en témoignent ces volumineux (et hauts) bas-reliefs qui ornaient les écoles ronchinoises à l’ère communiste.

Madame, ou Les arts ménagers à travers les âges

Dans cette nouvelle rubrique, c’est rien moins qu’une brève histoire de la femme que nous retraçons, du vingtième siècle à demain.

Les années 1920

La maison se targue, sur son enseigne, d’avoir été fondée en 1897, mais il semblerait qu’elle ait plutôt vu le jour dans les années 1920, comme en témoigne la coupe de Madame Edmé. Les flappers (ou garçonnes) n’existaient tout simplement pas au XIXè siècle. On ne nous la fait pas.

(Lambersart.)

1925

L’école ménagère recevait les femmes et filles de cheminots qui habitaient à Lomme Délivrance, quartier-village dont la construction a débuté en 1921. Afin de faire des filles de la cité de « futures bonnes ménagères qui sauront gérer leur ménage avec économie et en même temps créer un intérieur agréable qui retiendra le mari à la maison »*, la compagnie aménage dans une maison de quatre pièces une école ménagère : on y apprend « à acheter et à conserver les aliments, à préparer une nourriture à la fois saine et économique ; à aménager, à décorer son intérieur, à couper et entretenir les vêtements, à réparer le linge et aussi (…) à élever les enfants »**

(Place Beaulieu, Lomme.)

1968

Les jeunes filles avaient la possibilité d’aller à l’école, si elles enfilaient le jean autrefois réservé aux garçons, mais cela leur était visiblement douloureux – on le vérifie ci-dessous dans les larmes de cette fillette se rendant à l’école Saint Joseph, à Haubourdin : sans doute son âme se révoltait-elle contre cette violence faite à sa nature ménagère.

Aujourd’hui

Peut-être reconnaîtrez-vous l’agence lilloise d’une chaîne dont je tairai le nom et qui propose « Ménage / Repassage / Grand nettoyage / Grandes occasions / Garde d’enfants ».

Il y a aussi une dame moderne, qui a les cheveux courts et porte le pantalon sous son tablier ; elle tient un chiffon et un pulvérisateur de produit à récurer dans ses gants en caoutchouc. Vous pouvez apercevoir sa silhouette dans la vitrine de l’autre côté de l’angle.

Mais le XXIème siècle offe aussi la possibilité à une femme de s’illustrer dans son travail, car quel plus grand accomplissement attendre de la vie qu’un statut social flamboyant et un tailleur qui coûte cher (sinon de se reproduire, évidemment) ?

Demain

Une fillette a troqué sa gazinière contre une 8,6. Souhaitons-lui une bonne continuation.

(Lille.)

* Maurice Boisseau, Les Œuvres d’amélioration sociale dans la Compagnie des chemins de fer du Nord (thèse), Imprimerie librairie militaire universelle L. Fournier, 1924.
** Compte-rendu du conseil d’administration de la cité de Lille-La Délivrance sur les écoles ménagères, 1925.

Monsieur, ou Le culte du corps à travers les âges

Dans cette nouvelle rubrique, c’est rien moins qu’une brève histoire de l’homme que nous retraçons, de l’antiquité à nos jours.

L’antiquité

Monsieur n’était pas que footballeur, il pouvait également être discobole, ce que les fouilles effectuées au Jardin des Plantes ne révélaient pas. Il pratiquait ce sport sans short – notez que cette statue nous apprend beaucoup quant à l’évolution de l’anatomie virile.

 

L’époque médiévale

Monsieur, outre qu’il ouvrait la voie aux hipsters, portait la robe avec beaucoup de grâce.

 

Années 1920

Théorie la plus répandue à propos de ce buste : Monsieur était contemplatif. Vêtu d’un simple boléro qui dévoilait son torse nu et bronzé, il observait avec courage l’activité de ce monde indifférent à ses souffrances morales, à savoir les mouvements de la vie sur la place Alexandre Dumas – le vent dans les arbres, les ombrelles fleurissant le terrain de pétanque, les zéphyrs embrasant des tourterelles sur un fil électrique, etc. Théorie la plus polémique : Monsieur était une commère.

Années 1950

Monsieur était coquet. Nous pensons qu’il entretenait déjà son corps comme nous avons la preuve qu’il le faisait dans les années 1980 (voir plus bas) et qu’il tenait à ce que ses vêtements épousent au plus près son torse puissant, à des fins esthétiques.

1978

Deux théories s’opposent autour de cette image trouvée sur un site de fouilles à proximité de la gare Lille Europe : Monsieur (que l’on reconnaît à sa mâchoire de qualité américaine) construisait-il la ligne 1 du métro lillois ou était-il un amateur de la chanson YMCA, incontournable de la culture gay ? Il est permis de se poser la question car le tube de Village People et l’inauguration des Grands Travaux qui aboutiraient au réseau métropolitain que nous connaissons aujourd’hui (pas moins de deux lignes) datent de la même année.

Si vos préjugés vous amènent à penser backrooms, saunas, etc., permettez-moi de vous rappeler que dans le milieu gay aussi, on est capable de nouer des

Années 1980

Les archives photographiques d’une grande agence de coaching sportif sise à proximité du cimetière de l’Est, à Lille, restent difficiles à interpréter. Certains spécialistes pensent que ce harnachement suggère des pratiques érotiques extrêmes. Nous ne pouvons toutefois l’affirmer avec certitude. La thèse la plus plausible nous paraît être que monsieur n’entreprend rien, dans les années quatre-vingt non plus qu’à aucune autre période de l’histoire, sans un équipement ad hoc, avec un goût prononcé pour les matières techniques de type latex ou microfibres mais aussi pour les couleurs fluorescentes et les jeux électroniques.

XXIème siècle

La mode masculine est assurément aux fessiers étroits, comme en témoigne ce leader de la contestation lilloise célèbre pour sa signature en forme de rébus.

Ce billet consacré à la très sérieuse (quoique petite) histoire des genres et de la sexualité dans la métropole lilloise touchera bientôt à sa fin. Cette semaine, dans la métropole lilloise, j’ai couru en quête d’images pour alimenter mon sujet, c’était amusant. Je m’amuse bien, parfois, ici.

In the upper room

Photos prises à Lille et La Madeleine. Grand Jeu Concours : trouvez avant tous vos camarades dans quelle rue exacte se trouve l’une ou l’autre de ces statues et gagnez une moustache postiche. Moi, j’ai fini mon travail.

 

 

Charleroi

Quand un magazine hollandais a désigné Charleroi comme la ville la plus laide du monde, j’ai senti qu’elle pouvait me plaire. J’y ai trouvé des échos des paysages miniers qui ont baigné mon adolescence, mais aussi des paysages post-industriels qui accueillent mes courses à pied et, en super bonus, quelques atmosphères berlinoises. Un après-midi ne m’a pas permis d’embrasser tant de splendeur : il faudra y retourner.

Cette photo a été prise dans une station souterraine sur la ligne de métro à l’abandon qui relie Montignies-sur-Sambre à Charleroi.

Le métro fantôme

Pour accéder à la ligne du métro qui relie Montignies-sur-Sambre à Charleroi, à l’abandon depuis des décennies, l’on descend sur les rails ici même, en contrebas d’une passerelle mal en point. L’on saute sur un matelas posé en travers des voies et, plus tard, l’on remontera plus ou moins à la force des bras, avec une plaque de béton en guise de marche-pied.

D’un côté, la végétation rend la progression difficile (mais pas impossible). Des roseaux poussent dans la broussaille et l’on entend par endroit des écoulements d’eau qui semblent expliquer ce phénomène étonnant.

De l’autre côté, l’on atteint rapidement une station souterraine, dans laquelle il serait dangereux de s’aventurer sans lampe de poche (toutes les bouches d’égout sont béantes). En l’absence d’un matériel photo adéquat, l’on obtient des images assez effrayantes (proches de ce que l’on peut ressentir sur place, dans le seul bruit de l’écoulement d’eau et l’obscurité totale – c’est de cette station que provient le tag « Welcome to hell » ci-dessus).

Après le tunnel, l’on arrive à découvert, en contrebas de la rue puis dans une espèce de couloir végétal formé par les haies des jardins qui nous surplombent, et l’on marche, dans les aboiements des chiens (bien plus effrayants que tout le reste), jusqu’à une station gorgée d’une lumière qui rend également difficile la prise de photos, du moins en un jour de grand soleil.

Je poursuis, toujours à découvert, dans une tranchée clôturée de part et d’autre par un grillage.

Puis je marche sur le ballast du métro aérien.

La station à laquelle je parviens me rappelle, sans doute en raison de la chaleur et du profond silence, celles du métro berlinois à l’approche de Wannsee.

Ici, je suis repérée par des habitants des maisons en contrebas, qui me montrent du doigt. Alors je me rappelle les mises en garde d’un graffeur rencontré juste avant le grand saut et je déguerpis.

Je ne suis pas très sensible aux fresques urbaines mais quelques-unes ici m’ont vraiment plu. Je me contenterai d’une photo de détail, en couleur parce que ça lui va bien.

Mon truc, c’est plutôt les objets trouvés. Ils ne manquent pas, sur les voies du métro (certains tronçons de la ligne sont de véritables décharges) mais diverses natures mortes ont particulièrement attiré mon attention. En voici deux.

L’art

Charleroi tâche de se reconstruire après avoir connu la misère, culturelle autant qu’économique. L’on y trouve aujourd’hui un Palais des Beaux Arts moderne et actif, un musée de la photographie très prisé, Charleroi Danses (Centre chorégraphique de la Fédération Wallonie-Bruxelles), etc. Autrement dit, Charleroi aime l’art ; vous et moi aussi, ça tombe bien. Suivez-moi pour une modeste visite guidée en sept images.

D’abord, exceptionnellement, un peu d’art officiel avec un détail de la Passation de l’artiste belge Martin Guyaux, qui s’élève très haut sur la place du Manège.

De l’art judiciaire aussi, dont vous apprécierez sans doute les nombreux détails – particulièrement le poulpe.

Et enfin, de l’art royal et historique avec ce portrait d’Albert 1er, le Roi des Belges, qui trôna entre deux Léopold.

On prend un rafraîchissement au Café du Monument, établissement chaleureux où tout le monde se connaît, se fait un bisou (unique) pour se dire bonjour et s’appelle par des petits noms tels que l’Affreux et on admire, à contrejour, le monument qui donne son nom au café.

La ville de Montignies-sur-Sambre, dans la banlieue de Charleroi, voue un intérêt véritable et poignant à l’art de jardins et façades, celui-là même que j’aime d’amour tendre.

L’on y trouve aussi le genre de coquines qui grouillent dans les jardins et fenêtres des Hauts-de-France.

Mais l’on y savoure surtout l’humour belge.

Je n’ai pas osé photographier certains temples du bon goût, dans lesquels des dizaines d’oiseaux s’embrassaient et s’embrasaient sous le regard ému de biches en stuc : ça sentait le gros chien et le gros plomb de carabine, je me trouvais dans un chemin étroit qui évoquait certains films d’horreur et j’avais peur de mettre ma vie en danger.

Des usines

Ce n’est pas ce qui manque, les usines, à Charleroi. Certaines sont encore en activité, comme celle dont l’image ci-dessous est un détail du type orteil de l’odalisque. La lumière ne permettait pas de prendre le site en photo sous tous les angles que j’aurais souhaités – je reviendrai un jour de grisaille ou de pluie.

Celle-ci, en revanche, a visiblement cessé de tourner depuis quelque temps, à en juger par son délabrement…

… et par la santé de la végétation qui l’assaille.

Le site est sous surveillance, cela explique sans doute qu’il ne soit pas couvert de tags – je n’en ai vu aucun ; ni aucun gardien ni aucun chien, et c’était préférable car l’on ne miserait pas sur la solidité des bâtiments ni de ses passerelles pour engager une course-poursuite.

Dessous, c’est de la dentelle qu’inonde la lumière du soir.

Dedans, des cuves et des cadrans incompréhensibles.

Autour, c’est particulièrement post-apocalyptique : un no-man’s land de ferraille et, tout au fond, un terril en combustion.

Mais carrément en feu, le terril, on ne parle pas de fumerolles, là – vous le voyez mieux ici, derrière ce château d’eau qui semble pointer des canons vers l’entrée de l’usine ?

Le château d’eau en question, quoique menaçant, fait figure de nabot auprès de l’immense cheminée en béton qui déjoue toute perspective dans mon objectif.

Mal assis, là

Mal assis à Charleroi.

Mal assis à Montignies-sur-Sambre.

Un peu de géométrie

Clinique en démolition, centre de Charleroi.

Hôtel de police. Il a vraiment cette forme (ce n’est pas une illusion de perspective), droite d’un côté, pseudo conique de l’autre.

Un morceau de l’usine en activité que j’évoquais plus haut.

Encore une vue d’une station de métro désaffectée.

Ce que je suppose être le terminus de ladite ligne de métro, à Montignies-sur-Sambre.


Upper rooms, kitchens et buanderie

(Église Saint-Christophe.)

Dans une impasse de Montignies-sur-Sambre (du moins est-ce une impasse pour les voitures – le piéton aura de belles surprises dans les méandres de petits chemins comme je les aime), l’on tombe en pâmoison devant cette chapelle que côtoie un étendoir à linge en plastique.

L’on s’approche de la fenêtre et l’on découvre, à l’intérieur de la chapelle, un autre étendoir à linge, d’un autre modèle que celui de l’extérieur. Ici, La Sainte Vierge, son fils et tous leurs amis saints, danseurs et autres porte-flambeau nus mettent vraiment la main à la pâte dans la vie quotidienne de leurs fidèles.

Entre les deux villes, et entre deux tags très menaçants (car cela se passe dans une station de métro désaffectée), un montage biblique.

Si vous allez à Montignies-sur-Sambre, je vous conseille de déjeuner dans l’un des fast-foods du mini centre commercial, rue du Calvaire (près de l’hôpital Reine Fabiola). Installez-vous en terrasse et humez la langueur de l’après-midi naissant. L’atmosphère, le vide, la lenteur, tout cela m’a rappelé les États-Unis (le pays cajun, pour être exacte), comme beaucoup de choses en Belgique le font (à commencer par l’émission de blues que l’on peut écouter en filant vers la nuit sur l’autoroute déserte). Les clients du centre commercial marchent d’un pas traînant, le patron de Oh ! (le fast-food que j’ai choisi) débarrasse une tasse à la fois, celui du bar-tabac d’en face somnole sur une chaise en plastique et, tout au bout de la rue du Calvaire, la Vierge Marie s’adosse au mur après avoir fini sa canette.

Loos Oliveaux

Un reportage en 7 points et 17 photos.

Le 17 avril, je me suis prise de passion amoureuse dévorante pour la ville de Loos en découvrant le quartier des Oliveaux. Un tiers de la population loosoise vit dans cette Z.U.S., sur laquelle rayonne la tour Kennedy. Construite en 1969, cette dernière est, avec ses 28 étages, la tour plus haute au nord de la région parisienne. De fait, comme les tours Europe de Mons-en-Barœul (dont je parle beaucoup ici), on l’aperçoit d’un peu partout autour de la ville, notamment depuis le quartier CHR de Lille, comme sur cette image :

Alors bienvenue aux Oliveaux ! Vous pouvez entrer par ce petit chemin sinueux (le quartier en regorge, des petits chemins qui relient des rues pavillonnaires à des tours, qui relient des tours, qui relient des rues pavillonnaires à des rues pavillonnaires)…

– ces petits chemins qui sentent la noisette constituent un très agréable labyrinthe à travers tout le quartier :

… ou vous pouvez pénétrer dans les Oliveaux par la grande porte :

Vue du sol, la tour Kennedy est assez impressionnante :

D’un peu plus loin aussi…

Il y a tout ce que vous voulez, aux Oliveaux, si l’on excepte (du moins à ce jour) ce qui entre dans la catégorie des chalets du Nord, à savoir les boîtes aux lettres en forme de chalets, puits d’ornement, sabots de façade et autres moulins de jardin, ainsi que les zéphyrs embrasés (du moins ne sont-ils pas exposés aux yeux de tous). L’on y trouve en revanche – et en sept points, donc :

1. de la géométrie

2. Un mini centre commercial presque entièrement à l’abandon – n’y subsistent guère que la pharmacie, le cabinet médical et la boucherie : en comparaison, Triolo (à Villeneuve d’Ascq) fait figure de Mall of America.

3. Du kitsch & lutte des classes, notamment

a – des Mickey artistiques + Rideaux et Voilages bucoliques

b – une faune murale (apparentée aux panonceaux canins)

4. du fun fun

5. des cœurs

6. des upper rooms & kitchens

7. et même des champs

C’était un petit reportage sur le fascinant quartier Loos Oliveaux (≠ Los Olivos, qui se situe dans le Comté de Santa Barbara en Californie). Mais ne croyez pas que je compte en rester là :

Notes sur Mons-en-Baroeul

(Extraits d’un texte écrit pendant l’été 2015.)

« Un soir, cet hiver, j’ai descendu la ville de Mons-en-Baroeul depuis son point culminant. Le hasard et mon goût pour la marche en avaient ainsi décidé. J’avais aperçu mille fois le sommet des tours Europe, hautes de vingt-et-un étages et visibles depuis plusieurs villes, des centaines de rues et des dizaines de parcs, depuis les voies ferrées, les friches et les échangeurs autoroutiers qui s’emmêlent autour de la métropole comme un corset de fils barbelés.

(Une tour Europe vue depuis la rue Parmentier.)

Ce soir-là, au fil des rues vallonnées que j’ai parcourues pour regagner Lille, j’ai traversé de vastes espaces bétonnés, vides et battus par le vent, me suis approchée des grands ensembles, que relient des chemins et des parkings labyrinthiques et dont les lames dressées vers le ciel semblent l’inviter au seppuku. Après cela, je suis revenue presque chaque jour, fascinée.

(Une des « tours jumelles » vue depuis la rue Pierre Curie.)

(Une tour America vue depuis la rue de Normandie.)

J’ai d’abord décrit des cercles concentriques autour des tours Europe. Celles-ci, d’un blanc dont la proximité révèle qu’une mousse verte le corrompt à chaque arête, se détachent sur le ciel ou se confondent avec lui selon qu’il est dégagé ou laiteux ; l’on peut ainsi les voir, à mesure que l’on se déplace autour d’elles, sous tous les angles possibles, se découpant derrière des toits plats ou pointus, leur image encadrée de lilas, de corète du Japon, de cerisiers en fleurs, de magnolias ou d’antennes paraboliques. On peut les voir depuis presque chaque point du territoire qu’elles dominent, impassibles.

(Commerce au bas des tours Europe, depuis l’avenue Robert Schuman.)

La résidence Europe est à la fois le phare et le symbole de la ville (le logo de la municipalité consiste en quatre traits blancs sur une colline verte et un fond de ciel bleu que perce une étoile). Les tours bordent une perspective que je qualifierais de soviétique, même si elle ne débouche pas seulement sur la tour hertzienne rouge et blanche qui offre un repère spatial à toute la banlieue nord-est au sommet de laquelle elle émet, mais aussi sur le « village vertical » America, comme on le nommait à sa livraison.

(La tour hertzienne vue depuis la rue de Normandie.)

(Les tours America vues depuis la rue de Normandie.)

De près, la résidence Europe évoque un squelette de stégosaure, totem dont la présence à mi-chemin entre la ville haute et la ville basse, sa carcasse parallèle à ces dernières, voudrait décourager les intrus de sa masse écrasante. Paradoxalement, les arêtes lisses et nettes des corniches qui soulignent chaque étage leur donnent un aspect fragile, car l’on imagine de loin pouvoir les saisir entre le pouce et l’index et les sectionner sans bruit, les cueillir proprement ; l’on peut presque sentir dans la pulpe des doigts l’écho tout juste perceptible de la section, comme s’il s’agissait de constructions Lego, ou que l’on était un nouveau Godzilla – l’un ou l’autre.

(Les tours Europe vues depuis la rue Greuze.)

Autour de la Z.U.S., des lotissements sinueux de pavillons à toit plat, cubes à la brique pâle et aux petits carreaux de céramique, leurs jardinets entretenus comme des chevelures par de vieux messieurs aux gestes lents et patients, lotissements troués de longs passages étroits ; le passant distrait ne remarquera pas ces échappées qui lui sont proposées vers des rues parallèles presque identiques, pour le profane, à celle que présentement il emprunte.

(Passage reliant les rues Marcel Pinchon, Édouard Lalo et Hector Berlioz – trois parallèles.)

Je découvre, au fil de mes courses à pied, des béguinages aux volets toujours clos, des rues de style balnéaire aux palaces fleuris de roses trémières et des rues ouvrières aux bicoques guère plus spacieuses que des cabines de plage, des maisons anglaises à grilles noires et bow-windows, des lotissements surannés, une église que l’on dirait satanique, des épiceries sombres dans les coins, sous les étagères de tôle, et que baigne une odeur de fruit trop mûr.

(Boulevard du Général Leclerc, avec en fond les tours Europe.)

(Rue Marcel Pinchon.)

(Avenue Foch.)

Très vite, je conçois une passion lumineuse et sans entrave pour cette petite ville aux contrastes agressifs. Je l’élis secrètement la ville la plus photogénique de la banlieue et me réjouis qu’elle soit ignorée du monde, tout au moins des individus qui, à quelques kilomètres de là, poursuivent le bonheur dans le halo d’enseignes lumineuses et le vacarme d’un quotidien où la profusion d’événements dérisoires supplante la quête de sens, car je peux ainsi prétendre qu’elle m’appartient. J’emploie par-devers moi l’adjectif sublime pour qualifier cette banlieue peu recherchée, je l’emploie avec un frisson d’extase perverse, ma conscience effarée par la force péremptoire de ce choix lexical spontané. J’y vois une fièvre amoureuse un peu coupable – quand, plutôt que de se déclarer à son objet, on le suit incognito, fasciné par son propre émoi tout autant que par l’objet de cet émoi et par ce que l’on découvre de l’objet en question.

(Avenue Marc Sangnier.)

Je me renseigne sur la ville. La documentation que je rassemble comporte des batteries de chiffres ; jamais je n’aurais envisagé que les ressources de l’INSEE pourraient un jour combler chez moi un manque affectif proprement douloureux. Je me repais de ces chiffres pour oublier que je ne pourrai jamais embrasser cette ville dans son entier, que je ne pourrai jamais l’appeler chez moi, que je ne pourrai jamais l’avoir fondée, peuplée, gouvernée, protégée, animée, ni par mes propres et seuls moyens ni par les voies traditionnelles qui permettent de s’investir dans le devenir d’une ville. Ce n’est pas la mienne, et l’adopterais-je que je ne serais pas le premier individu à le faire, ni le principal, ni le dernier. Cette ville ne sera jamais à moi. »

(Avenue du Maréchal Joffre.)

(Commerce au bas des tours Europe, vu depuis la rue du Maréchal Lyautey.)

Depuis l’écriture de ce texte, j’ai déplacé mon territoire vers l’ouest, le Nouveau Mons a pris la forme d’un écoquartier, de nombreux commerces ont fermé leurs portes sous les tours Europe tandis qu’un Carrefour City concurrence l’épicerie photographiée ci-dessus, et le béguinage auquel je fais allusion a été rasé.