Une chute

Ma permanence poétique m’amène ces jours-ci à délaisser la course à pied pour le vélo, de sorte que ces quelques lignes écrites un jour pair n’ont pas leur place dans mon texte. Voici donc ce qu’il convient d’appeler une chute – les photos, en revanche, ont bien été prises dans le cadre de la permanence, en l’occurrence dans le bassin minier.

 

ce matin dans l’arrière-monde un inconnu me dit bon courage
alors même que mon corps sécrète un feu d’artifices biologique
je ne souffre pas je n’ai pas un air de souffrance
même si j’ai croisé dans les bois un groupe dont les exclamations
gilets fluorescents et bâtons de marche nordique
faisaient peur aux lapins alors je n’ai pas dit bonjour

(Le marcheur du terril d’Harnes-Annay – jock-a-mo fee na-né.)

peut-être le monsieur dit-il bon courage
parce que la simple idée de courir le fatigue lui
mais moi rien ne me rend plus heureuse que de courir
sinon mes road trips vers le sud juchée sur Mon Bolide
mon vélo rose qui grince et couine et frotte
moi l’expérience que j’aime au monde c’est le mouvement
et d’autres non mais je ne m’en mêle pas je ne dis rien du tout
à ceux qui ont un rendez-vous galant je ne dis pas
bon courage au prétexte que ça me fatiguerait
moi de faire tout le badinage et la performance sexuelle
requis par les rendez-vous galants
ou aux couples qui se doivent une disponibilité du corps et de l’esprit
s’ils ont leur bonheur comme ça je ne leur dis pas bon courage
ni aux parents qui crient Pas sur la route Nathan mets ton pull

(Une joggeuse dans le parc de la jeune athlète, Sallaumines.)

ou peut-être le monsieur est-il simplement de ceux qui disent bon courage
de ceux qui par exemple aux caissières disent merci bon courage
comme si elles rêvaient d’un bullshit job plus challenging dans un open space
ces messieurs vont de par le vaste monde en dispensant des bon courage
comme si les autres vies que la leur étaient des punitions
mais je grogne merci parce que déteste m’arrêter quand je cours
même pour expliquer au monsieur où il peut se le mettre
son courage

(Fuck you sur le chemin de halage à Bauvin.)