JC+19

Ce matin, j’ai envie de renouveler le plaisir éprouvé hier quand j’ai contemplé le défilé des nuages, allongée dans le jardin au milieu des pâquerettes et des pissenlits, des bourdons et des papillons. Je n’aurais pas dû racheter la tondeuse que m’a proposée l’ancien propriétaire de ma maison : il n’y a pas lieu de couper un gazon qui n’en est pas vraiment un puisqu’il est composé en grande partie d’adventices : il ne croît pas, seules les fleurs le font et si je m’efforce de ne pas marcher dessus, ce n’est pas pour les décapiter. Que faire ? Je passe en revue les photos de mon dossier Confinement pour réunir celles qui comportent de l’herbe quand mon amour m’apprend que notre voisine Peggy, avec qui nous avons rendez-vous ce soir, va tondre sa pelouse.

(J’ai pris cette photo hier, en même temps que je parlais avec mon antique au téléphone, le vent était fort, les nuages rapides, et Carol-Anne, dont le faîte prend ici toute la netteté, se trémoussait joyeusement.)

C’est dimanche et les rues sont encore plus désertes que les autres jours quand mon amour et moi gagnons notre spot de lapins, en plein midi, espérant que les familles d’humains seront à table. Encore vos lapins ? nous demande notre lycéen quand nous lui apprenons notre destination. Certains ne quittent pas le canapé depuis le début du confinement, dis-je, et d’autres vont toujours au même spot de lapins. Lui-même est bien obligé d’en rire.

(Mon amour, le manteau noué autour des hanches dans la chaleur du midi, contemple le ruisseau qui coule entre la colline et l’autoroute.)

Notre spot à lapins est le seul endroit où nous pouvons être seules dans la nature (une nature très relative mais tout de même, il y a de la végétation, de l’eau, des bourdons et des papillons de toutes les couleurs – sans compter les lapins – , c’est déjà le luxe dans ce contexte) et nous savons que nous serons toujours particulièrement attachées à ce lieu. Il aura été notre refuge, notre espace de respiration. Au bord de l’autoroute mais ça va puisque, ces derniers temps, l’autoroute est une excellente candidate pour

Le vide du jour

La musique du jour

Out on the lawn I lie in bed, extrait de la Spring Symphony de Benjamin Britten, ici chantée par Kathleen Ferrier.

Le gant du jour

en bouclette, sur pâquerettes

Le conseil lecture du jour

Une de mes amies profite du temps dont elle dispose pour apprendre le nom des arbres. Elle lit la nature, son alphabet de  feuilles, de fleurs et de fruits, d’écorce et de hauteur. Ceci est donc en quelque sorte son conseil de lecture par moi interposée.

Le détritus du jour

n’en est pas vraiment un, je suppose ; je n’imagine pas vraiment que son propriétaire soit venu s’en délester là, en altitude, mais bien plutôt qu’il en déplore la perte.

Le soir, nous prenons l’apéro avec ma voisine à travers le grillage qui sépare nos jardins. Pour un premier apéro ensemble, c’est à la fois étrange et amusant. Nous apprenons son histoire en inclinant la tête de manière à voir son visage à travers le quadrillage vert. Je finis par comprendre que l’une de ses meilleures amies, qu’elle mentionne régulièrement depuis plus d’une heure, est la Fatima même avec qui j’ai fait du théâtre quand j’étais adolescente, et que je n’ai pas vue depuis 28 ans. Pour moi, c’est

La bonne nouvelle du jour

Et voilà je lui parle, après tout ce temps, à travers le haut-parleur du téléphone de ma voisine, de l’autre côté du grillage, cependant que cette dernière continue de discuter avec mon amour. Vous êtes avec qui ? me demande Fatima. Je suppose que Peggy ne parle pas toute seule ?

Mon relevé du jour

Lapin(s) : 1 – misère, à cause de :

Piéton(s) : 7, dont deux avec chien (sur territoire lapins)

Joggeur(s) : 0

Contrôle(s) de police : 0

Douche : Non