JC+35

Je n’ai pas grand chose à raconter de ce confinement solitaire puisque je ne fais guère qu’y écrire : je ne vais tout de même pas mettre mon texte en ligne – j’ai atteint cet après-midi la page 55 (je l’ai commencé il y a deux ou trois semaines – je perds le fil). Je vais juste copier-coller ici un extrait du mail que j’ai envoyé à ma mère tout à l’heure : « J’ai fait beaucoup de modifications, fractionné des chapitres que j’ai redistribués aux endroits où ils me semblaient plus pertinents (ma dernière page se retrouve dans le premier quart et le noeud du texte en page 40 – sans doute trop loin). Bref, ce montage n’est peut-être pas définitif. » Tels seraient été les événements majeurs de ma journée si je n’allais courir. Je vais courir, en fin d’après-midi, moi qui d’ordinaire ne tiens pas si longtemps sans sortir.

Outre que je peux ainsi éprouver

Le vide du jour

et croiser

Le gant [incluant le détritus] du jour

aka le gant-poubelle – astucieux : compacte ton paquet de John Player Special vide dans ton gant usagé !

Je retourne sur le terril du psychopathe. Je traverse tout le plateau d’ouest en est, si tenaillée par la peur que je respire par les oreilles. Je fouille la végétation du côté de la tache blanche, en vain. J’entends des aboiements, qui pourraient venir de n’importe où, le vent étant délicieusement fou aujourd’hui, et je décampe. Je descends par le segment le plus proche, qui est aussi le plus rassurant, et là, que vois-je ?

Non, ça c’est à l’ouest du terril. Le petit scooter qui gisait sur le flanc depuis des jours est de nouveau sur ses roues mais ce n’est pas ce dont je veux parler. Revenons à l’est. Je suis en train de m’enfuir par l’est. Et je me trouve face à un lièvre – le premier que j’aie jamais vu là-bas, grand, majestueux, les oreilles élégamment bicolores à l’intérieur. Qui ne s’enfuit pas quand je l’approche. J’arrête de courir (vérifie par-dessus mon épaule que le psycho n’est pas à mes trousses) et approche lentement. Il regarde le parking du carrossier, à gauche, comme s’il se demandait quelle caisse il allait braquer. Puis il se tourne de l’autre côté. C’est un très beau lièvre dur de la feuille, qui me regarde, interloqué, quand j’arrive à une vingtaine de mètres de lui. Il plonge alors dans les fourrés, dépliant ses longues pattes de dandy.

Cette vision  suffirait à me rendre euphorique mais un moment de gloire tout aussi inopiné m’attend devant chez Danny. Quand j’arrive, une dame et sa fillette le regardent. Ça me met de mauvaise humeur : elles se croient où ? au zoo ? Il leur tourne le dos et broute avec indifférence. Je me poste une dizaine de mètres plus loin et lance avec désinvolture, Salut mon beau, ça roule ? Alors il se tourne vers moi et me rejoint d’un petit trot joyeux. C’est mon Danny chéri – si beau, si malicieux, si charismatique.

Aujourd’hui, mon Antique me dit avec un soupçon de désespoir que je suis devenue très sauvage. C’était déjà le cas depuis longtemps, le confinement ne fait que planter le dernier clou au cercueil de ma vie sociale.

Bientôt, j’imiterai cet habitant de La Madeleine en remplaçant « mon chien » par « mon chat, mon âne, mon oie (I miss you Carrie <3 <3 <3), mes lapins, mes lièvres, mes canards, mes poules d’eau, mes foulques, mes cygnes, mes… » Ce serait trop long et j’aurais peur d’oublier quelqu’un. Et puis il y a quand même quelques êtres humains que je serrerais bien dans mes bras, là, tout de suite, même si Dame Sam y est aussi très bien.

La musique du jour

Il y a quatre jours paraissait le magnifique Illusory, nouvel album de Jarboe (Jarboe La Salle Devereaux, ancien membre des Swans). Pour aborder l’œuvre très riche de la légendaire vocaliste, on peut écouter ceux de ses titres qu’elle a sélectionnés et commentés pour le site du magazine anglais Wire. C’est ici.

(Photo d’Irina Rozovskye.)

Un extrait de son dernier album que j’aime particulièrement : Arrival (j’ai, une fois de plus, eu beaucoup de mal à choisir un titre – tout est si beau, surprenant, chargé d’atmosphère…)

De vieilles photos que j’ai prises

entre 2017 et 2018, à Loos, Lesquin et Lille Sud. Oui, j’ai oublié cette rubrique hier, je suis un peu distraite, ces temps-ci. Pour me faire pardonner, une sélection d’anciens Où est caddie ?