U.S. Team Ide

Hier matin, j’arrive à 7h à la gare de Lens et apprends que les trains ne circulent pas dans les Hauts-de-France à cause d’une panne électrique. J’ai 2h30 pour être à l’heure à Croix, la pluie mouille jusqu’à les chiens boivent debout (expression cajun) mais je fonce sur mon vélo, je ne vois pas d’autre solution. Je ne prends pas mes chemins préférés mais la route la plus droite, par Carvin et Seclin, les poids lourds roulent à 70 km/h à un mètre de moi et il ne me reste qu’à espérer qu’ils ne fassent pas d’aquaplanning et ne me dégomment pas ; je ne roule pas à ma vitesse habituelle, tranquille, de 17 km/h mais à 21, le GPS dit qu’il va me falloir 2h13 pour atteindre ma destination mais je mettrai un quart d’heure de moins. Je serai donc à l’heure mais intégralement trempée, malgré mon authentique K-Way Terraforma offert par Valentina, tant la pluie bondit et rebondit puissamment. Cette expérience me donne l’occasion de découvrir quelque chose de très inquiétant : en ville, la pluie ruisselle sur la chaussée en flaques plutôt marronnasses mais à la campagne, on dirait qu’une machine à laver géante s’est mise à fuir en phase lavage, une mousse blanche sourd des champs et mousse sur la chaussée, rendant la promenade encore plus dangereuse et révélant – si je ne m’abuse – à quoi ressemblent les pesticides que nous avalons chaque fois que nous achetons un produit qui n’est pas bio. Je n’ai pas de photo à l’appui de ce paragraphe, faute de temps pour m’arrêter.

Ce que je vais faire à Croix ? Pour citer le site Internet du Comité national olympique, « Deux années avant les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, environ 300 jeunes Nordistes âgés de 8 à 12 ans feront leurs propres Jeux le mercredi 20 juillet sur (sic) le stade Henri Seigneur de Croix » (oui, sur le stade, pas en-dessous). C’est là que je passe la journée avec Sandrine Sekulak et Agnès Mantaux des éditions Page à Page, pour présenter notre livre U.S. Team Ide, illustré par la première, publié par la seconde, sur une commande du département du Nord. Je suis très contente de ce texte, une comédie pour ados sur les JO, bien que j’aie dû, pour des raisons politiques évidentes, me censurer un peu (le maire du village que j’ai inventé, Peringhem, se déplaçait en chaise à porteurs, les porteurs étant des services civiques sortis de Sciences Po ; finalement c’est un gentil maire qui se déplace à la force de ses propres jambes, brave homme).

Nous dédicaçons à tour de bras pour des collégiens assez choux, cependant qu’un Monsieur Loyal beugle dans une sono très efficace, sur fond de musiques des années 80 remixées (nous avons droit plusieurs fois à She’s a Maniac), et finit chacune de ses tirades par « Qu’on se le dise ». Je décline 19 phrases commençant par « lire est un sport » avec des rimes en -or plus ou moins tarabiscotées, Sandrine illustre chacune, en boucle.

Je dois dire qu’à la fin, nous sommes assez rincées (pour rester dans la thématique) :

Mais je m’amuse bien (la photo ci-dessus, notamment, me fait pleurer de rire) et c’est finalement une bonne journée, d’autant que nous sommes très bien reçues. Après ça, je reprends le vélo pour me rendre chez un compositeur lillois ; il y a là un super poète lillois et une chanteuse que j’avais déjà vue sur scène à l’opéra et tous les quatre nous discutons d’un projet qui nous occupera pas mal l’année prochaine et qui aura pour cadre mon cher bassin minier ; j’en reparlerai en juin prochain. Quand je prends le train, l’électricité étant revenue, mes chaussettes sont toujours trempées. Quand on a les pieds dans des chaussettes mouillées pendant 12 heures, la plante est si fripée que les plis sont comme des coupures, et de fait c’est comme marcher pieds nus sur du verre. Je ne vous le recommande pas.

Hors concours

Le prix Hors Concours, c’est de l’amour. Cette semaine, j’ai reçu ce bel objet qui a quelque chose d’une revue littéraire, avec notamment des extraits de chaque livre sélectionné, ainsi qu’une carte qu’on a envie de punaiser au-dessus de son bureau. Double merci…

Pour consulter la version numérique, cliquer ici.

le salon le plus court

– Votre table, c’est celle-ci, me dit le monsieur de la médiathèque : celle qui est vide.
Je regarde la grande table ; sur sa belle nappe rouge, il n’y a en effet qu’une assiette en carton pleine de bonbons et ma photo sur un présentoir – je pense vaguement que je serai redondante quand j’irai m’asseoir derrière.
– D’accord, je dis. Mais pourquoi est-elle vide ?
– Vous n’avez pas apporté vos livres ?
– Euh, non, d’habitude c’est la librairie associée qui s’en charge.
– Ah. Nous, ça nous semblait évident que vous alliez les apporter.
– L’idée ne m’aurait pas traversé l’esprit, je n’apporte jamais mes livres moi-même. Je n’ai pas de stock, de toute façon, je ne suis pas éditrice, ni libraire.
– Tous les autres auteurs ont apporté leurs livres.
Ce qui est indubitable et me laisse perplexe. J’ai failli annuler ma venue parce que je me sens surmenée mais j’ai pensé aux libraires qui (je n’en ai pas douté un instant) avaient pris la peine de commander mes livres et je me suis dit Allez, c’est ton dernier gros effort de l’année, sois correcte, sois professionnelle et attentionnée envers tes hôte.sse.s + les libraires. Et donc je suis là, bras ballants, et je regarde les auteurs qui ont apporté leurs livres. Je répète que ça ne m’est jamais arrivé puis je quitte le salon et je reprends la route sur mon vélo – qui aura été un très gentil vélo et n’aura pas crevé une seule fois en quelque 70 km, c’est déjà ça. Je ne prends pas de photos sur le chemin du retour parce qu’il pleuvine mais j’en ai pris à l’aller, en voici quelques-unes.

La nouvelle passerelle d’Harnes.

Les coulisses de la Z.I. d’Hénin-Dourges vues depuis le chemin de halage récemment rouvert, en face de la plateforme multimodale.

Nouveau ! Sur une passerelle branlante de Noyelles-Godault, on peut désormais mal s’asseoir pour contempler le bras mort du canal, long rectangle d’eau stagnante entre des hauts murs de béton, étrangement apprécié des hérons.

Cette passerelle sur le bras mort est sise à proximité de la coopérative agricole à l’abandon qui jouxte le pont ferroviaire entre les gares de Dourges et d’Hénin-Beaumont.

Dans le registre abandonné, cette maison de Courcelles-lès-Lens m’a semblé un peu mélancolique et ce n’est pas parce que je l’étais, je ne l’étais pas, on peut être surmenée mais joyeuse, et ce n’est pas parce que j’écoutais de la musique mélancolique : je n’ai pas écouté de musique du tout sur la route aujourd’hui, seulement le vent et les oiseaux d’eau, et je n’ai même pas chanté. J’ai eu la force de pédaler 70 km mais pas d’écouter de la musique. (En rentrant, cependant, j’ai écouté le nouvel album de Félicia Atkinson, il est magnifique et surprenant, je crois que c’est mon préféré d’elle.)

Il y a des années, peut-être dix ans, j’ai écrit un poème qui évoquait le château d’eau bilboquet bleu de Douai, que j’avais découvert depuis le train Lille-Arras. Je n’irai pas jusqu’à dire qu’il n’a pas changé ; il a quelque peu décliné – mais ça lui va très bien, je trouve.

Et à Sin-le-Noble, j’ai appris que l’art de rond-point pouvait encore me surprendre : une 2CV sortant d’une coquille d’œuf, il fallait y penser.

La poésie ne veut pas de moi

En avril, je n’ai pas pu lire au lancement de la Maison de la poésie de Bordeaux pour cause de grippe et aujourd’hui, je dois renoncer au Marché de la poésie de Saint-Sulpice à cause du petit souvenir que j’ai rapporté de Barcelone – c’est le risque quand on côtoie 220 000 personnes sans masque pendant une semaine.

Cela dit, je n’avais pas l’intention de poser mon postérieur poétique derrière un stand une seule fraction de seconde, non, ce qui était prévu c’était que je retrouve mes amies NatYot, Isabelle Bonat-Luciani, Florentine Rey, Maud Thiria, que je rencontre enfin Katia Bouchoueva, avec qui j’écris depuis plusieurs mois maintenant, et de tout cela je me faisais une fête. Ce n’est pas que mes symptômes soient toujours aussi lourds (avant-hier, Valentina me disait se sentir dans mes bras comme dans un four à pizza tandis que ce matin j’ai pu courir et goûter les premières cerises du bassin minier avant le lever du soleil) mais j’aime bien mes amies, je n’ai pas envie de les contaminer (j’aime aussi beaucoup mon amoureuse mais nous partageons tout, ce n’est pas pareil). Je vais quand même finir un poème ou deux aujourd’hui, puisque je vais en avoir le temps.

L’ Évaporée

Lundi, je disais à Valentina que je ne voyais pas comment nous pourrions rentrer de Barcelone sans avoir chopé le covid. Nous sommes trois du petit groupe à l’avoir effectivement contracté + deux à forte suspicion. Ce matin, il a fallu que je me sépare d’elle ; quand j’ai quitté l’hôtel, j’avais les yeux doublement gonflés de fièvre et d’avoir dû m’arracher à ses bras – c’est la quatrième fois cette année que j’ai de la fièvre alors que je n’en avais pas eu depuis dix ans et Valentina dit que c’est sa faute :

You give me fever when you kiss me
Fever when you hold me tight
Fever in the morning
Fever all through the night

Quand je suis rentrée chez moi, j’ai à peine reconnu mon potager, on aurait dit que je l’avais laissé depuis un mois, les salades sont énormes, les tomates innombrables, les pieds de courgettes monstrueux ; et puis il y avait mon colis d’Évaporées. Ce sont de chouettes lots de consolation.

Une vacance poétique

Dans un mois jour pour jour, j’arriverai à La Perle, la ferme de la poésie pulsée de ma chère Anna Serra. J’y rejoindrai Cédric Lerible et Marion Renauld et, chacun.e de notre côté, pendant une semaine, nous ferons de la poésie de terrain, avec restitution le week-end du 8 au 10, chacun.e accompagné.e par un.e musicien.ne. A priori, je serai surtout au parc Joly, à Semur-en-Auxois. J’aurai un vélo à disposition. Ce sera un peu comme écrire une geste permanente dans le Morvan. Je suis très heureuse de faire partie de la première édition de cette résidence à laquelle je souhaite une belle longévité.

(Visuels de Victoria Dorche.)

Un minuscule abyme

Cette nuit, j’ai rêvé que je croisais L. par hasard dans une rue et que je lui disais, Quelle coïncidence, j’ai rêvé de toi la nuit dernière.

En juin

Le 17, au retour de mon dernier atelier à Corbie pour le projet Littérature & Nature de la MéL, je serai à la librairie Le Biglemoi, à Lille Fives, en compagnie de Yannick Kujawa ; nous échangerons et alternerons les lectures de son livre sur L’ouvrier mort d’Édouard Pignon (éditions Invenit) et de mon Terrils tout partout. Ce sera à 19h.

Le 20, je serai à Paris pour le projet Littérature & Nature mais je ne sais pas encore si l’événement sera ouvert au public ; je reviens avec des détails s’il s’avère que c’est le cas.

Le 24, pour le Livrodrome, je mènerai trois ateliers différents avec des adolescents et jeunes adultes. Voir la médiathèque de Liévin pour les inscriptions.

Le 25, je serai à Guesnain (entre Douai et Lewarde) pour le salon du livre à partir de 14h.

Regnéville, Acte 3, jour 3

Avant d’attaquer les répétitions, je suis allée courir pour dire bonjour aux ami.e.s de toutes espèces et en ai été récompensée par mon premier chevreuil de Regnéville – il était temps. J’ai aussi revu trois des quatre phoques à la pointe de Montmartin. Et j’ai croisé Amandine qui faisait des field recordings près des dunes – avant de me mettre en route, j’avais vu Mathieu partir dans la nuit avec son matériel photo. C’est une circonstance très rare, d’être en résidence avec des artistes qui se lèvent aussi tôt que moi. J’aime beaucoup ce type de dynamique.

Pour me donner une chance de voir enfin des chevreuils, j’avais pris le risque des sangliers, dans les bocages baignés de brume. Je n’en menais pas large. Maintenant, je sais que je peux le faire (à moi l’EV5, cet été) mais à la condition (pour l’instant) de passer mon temps à repérer des arbres auxquels grimper / murets par-dessus lesquels sauter en cas de charge.

Le chevreuil – ce n’est pas comme dans la forêt d’Olhain, où mes potes se laissent filmer à 3 mètres de distance. Ici, je dois zoomer sur mon téléphone cheap et dire merci et promettre des cadeaux.

Et les phoques du jour…