Un allié (encore une histoire de suidés)

Je suis tombée sur un article du naturaliste Pierre Rigaux et j’en ai les larmes aux yeux : je ne suis donc pas une illuminée ou une idéaliste. L’article est ici et voici sa conclusion :

« Le nombre faramineux de sangliers abattus chaque année* est la conséquence mal maîtrisée d’une volonté politique et historique de disposer d’une abondance de « gibier » à « réguler » par la chasse de loisir.

Dans l’inconscient collectif, le cas du sanglier permet au lobby cynégétique de justifier son rôle plus que discutable de « régulateur de la faune sauvage ».

Pourtant, les sangliers représentent à peine 1 à 2% de la totalité des animaux tués à la chasse en France.

Une majorité de ces animaux est issue, soit d’élevages de « gibiers », soit de populations sauvages en déclin ou ne nécessitant aucunement d’être « régulées ».

  • Ne faudrait-il pas changer de paradigme ?
  • Est-ce sensé de continuer à réfléchir en termes de tirs et d’activité de loisir ?
  • N’y a-t-il pas d’autres voies scientifiques et techniques à explorer ?
  • Est-ce raisonnable d’abattre massivement des sangliers parce qu’ils abîment des champs de maïs destinés à des élevages intensifs dont nous n’avons nullement besoin pour notre alimentation ?
  • Ne devrait-on pas refonder notre relation au vivant sur la base d’un meilleur respect des animaux, qu’ils soient sauvages ou domestiques ? »

* Plus de 600 000 sangliers sont abattus chaque année en France, au nom de la « régulation ».

(Photo de Luc Souret, par le biais de laquelle j’ai trouvé cet article qui devrait être très largement diffusé – oui, je regarde des photos de sangliers / laies / marcassins pour mon loisir, et alors ? Quelles splendeurs…)

Merci Pierre Rigaux, que le monde vous entende…

Un atelier

Cette année, je fais écrire des collégiens de Roubaix ; la première séance a eu lieu hier et il ne s’agissait pas (comme le dit le post Instagram ci-dessous) de faire écrire des « paysages états d’âme » mais il se trouve que les élèves avaient travaillé à partir de cette consigne deux jours plus tôt avec leur professeure, de sorte que j’ai eu la surprise de découvrir plusieurs textes débutant par « Demain, dès l’aube » alors même que je leur avais demandé d’écrire à partir d’extraits musicaux que j’ai diffusés, tous aussi éloignés que possible de Victor Hugo.

Une élève a fait remarquer à l’un de ses camarades qu’il y avait trop de répétitions dans le texte qu’il venait de nous lire. Je lui ai répondu qu’au contraire, la répétition créait une prosodie très intéressante. « Mais quand on fait des répétitions, les profs les soulignent, a protesté la jeune fille. Vous allez me perdre, Madame ». J’ai d’abord beaucoup ri mais ensuite j’ai mesuré la difficulté de faire sentir les subtilités de la répétition poétique à des jeunes gens qui ne lisent pas (et encore moins de la poésie, et encore moins de la poésie contemporaine) alors même que de nombreux essais très sérieux traitent du sujet sans épuiser la question. Les limites d’un atelier d’écriture se manifestent dans ce genre de moment : la poésie écrite par des non-lecteurs ne peut être que ludique, basée sur des trucs et des gimmicks à imiter, mais on est frustré de la voir ainsi réduite à un gadget, un dispositif à générer du texte sans que le fond soit forcément très consistant et sans que l’élève ait exprimé quelque chose qui lui tient vraiment à cœur. Je suis en pleine réflexion sur la manière de procéder à l’avenir, l’année me réservant encore quelques ateliers avec des jeunes gens.

Eulalie hors série

On y trouve ce mois-ci un double portrait d’Emmanuelle Polle et moi-même, à l’occasion de notre résidence croisée entre les Hauts-de-France (AR2L) et la Normandie (Normandie Livre et Lecture), ainsi que notre texte à quatre mains, Cette sacrée rotondité. Vous pouvez le lire ici, pages 14 à 17.

Creil

C’est samedi prochain à 15h30, je vais passer ma journée sur les rails parce qu’il y a un changement à Paris (wtf) alors vous avez intérêt à venir nombreux et nombreuses et avec des cadeaux (vegan svp).

ISTC

Encore merci à Piero Turchi pour son invitation. Ci-dessous, je suis avec lui et avec Dominique Brisson, mon éditrice (Cours Toujours). Merci aux participants d’être venus si nombreux et si chaleureux. Merci particulièrement à mes chères et chers Aline, Claire, Olivia, Lucien, Luc et Lulu pour l’after ; je n’avais pas autant ri depuis très, très longtemps. <3 Je garde le Watten travesti show en amulette pour les jours sombres.

Et voici la dernière photo ever de mon bras gauche sans défense. Ce matin, ma super tatoueuse AJ l’a barbelé de ronces.

(Photos ISTC.)

Terrils tout pleins de clarté

Merci infiniment à Lucien Suel pour cette belle chronique publiée sur son blog Silo, dont voici un aperçu.

Je le remercie aussi de m’avoir offert son très beau livre avec le photographe Patrick Devresse, Les terrils, ombre et clarté, et de m’avoir envoyé son poème Tout partout. Un court extrait que j’aime tout particulièrement – mais qui prend toute sa force en contexte, évidemment (je n’aime pas trop les citations – j’y reviendrai bientôt) :

« tout autour de l’autocar c’est la vie
tout partout autour ici et maintenant
ailleurs et toujours c’est tout plein
de tout tout le temps et tout partout »

Les échos entre Terrils, ombre et clarté et Terrils tout partout sont confondants – il y est question des trous qui amènent des tas mais aussi de « sportifs écologistes bruyants » et fluorescents, d’aménagements de type parcs d’attraction et même d’accents circonflexes. Je me prends à rêver d’une lecture croisée, ici ou là. Si vous organisez ce genre de choses, parlons-en…

Chère Madame la factrice,

Voici un mois aujourd’hui que je vous ai envoyé une lettre de douze pages et je m’étonne de n’avoir reçu aucune forme de réponse. Comme je n’ai pas eu l’occasion de vous croiser depuis le 4 novembre, j’ignore si vous êtes toujours disposée à me dire bonjour ou si vous préfèrerez désormais détourner la tête à mon approche. Peut-être avez-vous trouvé déplacé qu’une inconnue vous adresse des réflexions mélancoliques sur le devenir de la civilisation et insinue en prime que vous pourriez accepter une Suze offerte par un habitant de votre secteur ; je le comprendrais.

Au cas où vous viendriez de temps en temps jeter un oeil ici pour voir ce que c’est que ce drôle d’oiseau qui vous a écrit, voici quelques éclaircissements. Cette lettre est ce que j’appelle une leçon de ténèbres (en référence au genre musical liturgique du XVIIᵉ siècle), la deuxième du recueil 13 leçons de ténèbres que je destine à un éditeur de poésie dont je préfère taire le nom tant qu’il ne m’a dit ni oui ni non. Si elle avait été la première du recueil, cette lettre aurait compté treize pages ; la troisième, onze pages, etc. Vous voici édifiée quant à la finalité de cette Lettre à une factrice (puisque tel est son titre) ; le reste, vous l’avez lu (du moins je le suppose – nous savons, sans vouloir vous offenser, que l’acheminement postal n’est pas pas à l’abri de certains aléas).

Par ailleurs, cette lettre pourrait bien devenir la première pierre d’une tradition (au même titre que la leçon de ténèbres et une tradition musicale), tradition que je pourrais initier en suggérant à tou(te)s mes ami(e)s auteurs et autrices de vous écrire à leur tour une lettre et d’inviter leurs propres ami(e)s littéraires à en faire autant. La révélation m’en est venue il y a deux ou trois semaines, quand je me suis rappelé un disque d’Elvis Costello avec le Brodsky Quartet, The Juliet Letters, un album qui fêtera bientôt ses trente ans qui aurait été inspiré par un professeur de Vérone spécialisé dans l’oeuvre de Shakespeare et réputé répondre aux lettres adressées d’un peu partout dans le monde à Juliette Capulet. J’ai failli tomber en courant, le jour de la révélation, tant m’a réjouie l’idée que vous receviez des dizaines de lettres d’écrivain(e)s, adressées à Madame la factrice, rue du Cher 62… etc. Je vous si imaginée dans un reportage de France 3 Région, désignant des piles de lettres sur une table de salle à manger : « Regardez, diriez-vous avec une légère fêlure dans la voix. J’en ai compté 173. Ça ne peut plus durer. »

J’espère que vous avez apprécié les beaux timbres.