Regnéville, acte 2, jour 9

Après un week-end feutré, Marianne et moi avons accueilli hier deux nouveaux colocs (ils ne figurent pas sur la photo ci-dessous) ainsi que les représentants de structures réunies par ma résidence croisée avec Emmanuelle Polle (qui nous accompagnait quant à elle en vidéo depuis Paris), les Fours à Chaux bien sûr mais aussi l’agence Normandie Livre et Lecture et le département de la Manche. Après une réunion efficace, nous avons déjeuné au soleil. Sur la photo, Élise, Marianne, Dominique, Pascal, Claire et Cindy, quelle super équipe !

Hier, j’ai aussi fait une petite virée jusqu’aux Salines et traversé des paysages variés. Ce qui se passait en moi et autour de moi s’interpénétrait de telle manière que certains paysages resteront dans mon esprit pailletés de bonheur. Une vue des Salines depuis la route submersible.

Une aigrette pas commode.

Une cahute à l’ancienne, presque un décor de film.

Un terrain de tennis à l’abandon en bord de mer : si décadent…

Puis dans la « rue » des Mielles d’Annoville, j’ai particulièrement aimé ces marais. Pendant une heure, j’ai roulé sans croiser un être humain, seulement des vaches, des chevaux, des moutons.

Quand j’ai emprunté la dernière ligne vers Regnéville, au retour, le ciel ressemblait à ceci ; mon amoureuse m’a envoyé une musique sublime qu’elle venait de composer pour moi au piano, je l’ai découverte en roulant vers le soleil et, un instant, j’ai été immortelle. Repeat. Immortelle. Repeat. Immortelle.

En moi, il se passait la même chose que dans le ciel tel que vu depuis les hauteurs du Rey, quelques instants plus tard. Tout compte fait, ça flamboie plutôt pas mal, par ici, quand ça veut bien se donner la peine.

Les discussions du soir avec Antoine (photographe) et Amélie (artiste pluridisciplinaire, plutôt plasticienne), qui nous ont donc rejointes pour la semaine, m’ont fourni une matière inopinée pour Nue : de quoi m’occuper toute la journée.

Ce matin, le ciel ressemblait à ceci.

J’ai découvert de nombreux nouveaux lieux.

Je n’ai toujours pas croisé de chevreuil mais un lièvre a eu un comportement étonnant, il semblait courir avec moi, il m’approchait, s’éloignait, repartait. Au début, comme il faisait encore un peu nuit et que je courais sans lunettes, j’ai cru que c’était un marcassin blessé qui venait me demander de l’aide et je me suis dit, Oh toi, où est ta maman ? Mais ça va quand même beaucoup mieux, bientôt l’EV5 à 5h du matin, tranquille.

Pour clore ce billet, un message privé – détail d’une chapelle croisée opportunément hier après un coup de fil que la principale intéressée se rappellera…

Regnéville, acte 2, jour 8

Hier, je me suis remise à Nue (ce titre, si je le conserve, pourra faire l’objet de nombreux jeux de mots, ce sera pratique pour les dédicaces) et j’ai été surprise de trouver mes 43 premières pages vraiment prometteuses. Je suis enfin remotivée. Le soir, j’ai voulu voir le coucher de soleil avant de retrouver mon amour sur un écran mais le ciel n’était pas d’humeur flamboyante. Non, ça ne flamboie pas beaucoup, ici, bizarrement, je n’ai encore jamais vu de tropical hot dog night comme j’en observe sur mes terrils ; ce qui n’empêche pas les lieux d’avoir leurs beautés. Ici, on devine le canal qui voulait m’engloutir la semaine dernière, chenapan.

Et, de l’autre côté du havre, le phare d’Agon-Coutainville.

J’ai aussi pris une photo du château sous la lune : ça, c’est fait, n’en parlons plus.

Puis j’ai laissé Marianne et Mathilde travailler pour rejoindre Valentina. Mon accent français, son accent italien, nos anglais chantants vifs et sinueux ; son buste si mobile et ma gestuelle de mains, qui débordent du cadre ; le spectacle vivant de son visage, le roulement de ses yeux, mon rire éclatant ; son horreur du silence qui rend si timides nos rares suspens. Ce matin, forte de notre amour, je décide que je suis indestructible et, enfin, je vais courir dans les bocages au lever du jour ; pour la première fois depuis le 12 janvier, je risque un sanglier. Je n’ai pas peur.

J’espère surtout voir enfin des chevreuils – Claire C., qui vit à Saint-Lô, en a vu ce week-end, elle m’a envoyé des photos. Les seuls que j’aie vus, je n’ai pas profité d’eux, j’étais en voiture, en route pour Agneaux, ils étaient loin, nous étions rapides. Allez, je me dis, c’est pour ce matin. Mais, sans vouloir gâcher le suspense, ce ne sera pas le cas.

Ce n’est pas grave, ça me fait un bien fou d’être dans mon type de paysage préféré.

En longeant ce champ, j’ai tout de même une montée d’adrénaline quand je repère dans la boue du sentier ce qui a tout l’air de traces de sabots, et pas ceux de chevaux. Je ne m’arrête pas pour étudier les empreintes, je choisis plutôt de courir plus vite.

Mais même après ce qu’un esprit plus timoré que le mien aurait pu interpréter comme un mauvais présage, je m’engage dans le chemin ci-dessous et je fais bien, c’est très beau et absolument dépourvu de suidés.

Je regagne le Rey, passe en surplomb de sa ferme – on peut voir une amie vache qui me salue depuis l’arrière du bâtiment.

Et près des Fours à Chaux, je salue ces beaux bébés, avec leur code-barre qui me rend malade. Ils viennent coller leurs frimousse à la grille qui nous sépare, pas farouches. On fait des câlins de nez. Et maintenant, je file à une réunion.

Regnéville, acte 2, jour 7

J’écris cet article en écoutant le nouvel album de Sophia Jani, Music As a Mirror, dont la beauté mélancolique (un peu comme si Collectress jouait Elori Saxl) infléchit ma vision des photos que j’ai sélectionnées. Un bémol sur la nuque de ma joie tapageuse de ce matin, quand je courais le plus vite possible sur la plage infinie, les yeux fermés, les bras étendus, il n’y avait personne personne nulle part de toute façon.

Oui, c’est très beau, j’avoue.

Mais à la mer près, ça ressemble quand même beaucoup à chez moi, eh eh…

On a ce genre d’architecture dans les cités minières.

Bon, un peu moins ce genre de bâtiment. Ici, nous sommes à Hauteville.

Et ici, un aperçu d’un immense camping sis entre Hauteville et Montmartin. Je le décrivais à Marianne, hier, je lui disais « Mais c’est plein de bungalows et de caravanes, genre tu n’arrives pas avec une tente ou je ne sais quoi » et elle a cligné des yeux. « En même temps, une tente en Normandie », elle a dit, et j’ai éclaté de rire, je n’ai vraiment pas de sens pratique. Hier, nous avons eu un Saturday night très sympathique, avec du bon vin que nous a laissé Emmanuelle et des bons petits plats que le traiteur dépose pour nous chaque jour dans le frigo (nous grossissons à vue d’œil parce que nous détestons le gâchis alimentaire – et en plus, c’est super bon). Demain, deux nouveaux artistes arriveront, j’espère qu’ils ne sont pas carnivores et que la maison ne va pas se mettre à empester la mort. Je n’y avais même pas pensé, c’est Marianne qui a soulevé l’hypothèse. Je n’ai aucun, aucun sens pratique. Je me demande aussi comment sera l’ambiance.

Hauteville, ça fait un peu Touquet-Baule. J’ai demandé à ces chevaux ce qu’ils pensaient, ils m’ont répondu Grave.

Parenthèse agnelaise

Samedi après-midi. Je teste une nouvelle formule d’atelier d’écriture avec une douzaine de personnes. Objectif : explorer la densité de l’instant. La première consigne est de marcher sans se parler pour être le plus disponible possible à ce que nous allons observer, éprouver, relever pendant les trois quarts d’heure de notre marche. Nous traversons d’abord un lotissement d’Agneaux avant de marcher au bord de la falaise qui surplombe la Vire au sud de la ville, treize individus silencieux – car mes participant.e.s sont très respectueux.ses de cette directive, à ce point : 1. voyant un couple avec bâtons de marche nordique effrayé par notre cortège silencieux, j’irai le rassurer : C’est un exercice, tout le monde va bien. Oh, dira la dame, soulagée, on va rester à distance alors, et je lui répondrai, N’ayez crainte, nous ne sommes pas contagieux ; 2. de retour à la médiathèque, j’apprendrai, en écoutant une lecture, que j’aurais pu apercevoir un chevreuil en contrebas de la falaise. Quoi ? m’écrierai-je, Un chevreuil ? Vous ne pouviez pas le dire ? et la dame me répondra, Ben non… Ce qui nous fera tou.te.s beaucoup rire. (J’aurais du mal à obtenir un tel silence de mon groupe d’hurluberlus liévinois, qui a le verbe exubérant, chante et rit aux éclats – il est même arrivé que je voie Paulette donner des coups de parapluie à un cycliste en lui criant de rouler plus vite, au bord du lagunage d’Harnes.)

C’est parti.

Traverser un lotissement puis une falaise s’avérera très porteur et les contrastes entre ces deux expériences successives alimentera beaucoup les textes.

Cet avion avec sa ligne de kérosène verticale marquera bien d’autres esprits que le mien. Je précise que, si je prends des photos, le groupe est équipé de mini carnets préparés par Romane, jeune recrue de la médiathèque, et moi-même, et que tou.te.s y prennent des notes au fil de la promenade.

Presque bien caché, l’un des seuls êtres vivants que nous croisons dans le lotissement.

Puis nous empruntons une ligne de désir entre deux pavillons pour gagner la falaise.

Mardi, en faisant des repérages, je me suis surtout attardée sur la nature en contrebas

mais cette fois, j’observe tout autant l’amont, les clôtures des jardins à notre droite et tout ce qui nous surplombe.

Contraste : à notre droite :

à notre gauche :

Puis nous regagnons tranquillement la ville.

Pendant que le groupe écrit des textes formidables, je pense à ce que nous venons de vivre. Ce qui m’a le plus frappée, c’est combien le silence nous liait tandis que nous marchions ; je n’avais pas anticipé ça, je ne l’aurais pas supposé, d’ailleurs je ne pensais pas que tout le monde jouerait le jeu. L’énergie qui circulait entre nous est en fait devenu un élément à part entière de l’expérience que nous avons eue des lieux, a imprégné les sensations qui nous y ont traversé.e.s, participé des scènes que nous y avons observées. C’était un moment précieux.

Quand les participant.e.s lisent leurs textes, nous pouvons constater que treize personnes traversant le même instant n’y vivent pas la même chose, n’y relèvent pas les mêmes éléments ou ne les perçoivent pas de la même manière – outre que nos univers très variés nous amènent aussi à des formes d’écriture très diverses. Je participe, moi aussi ; je ne le signale pas ni ne lis mes textes à l’oral pour ne pas prendre du temps au groupe ; je ne fais jamais ça, d’habitude mais il me semble naturel de partager jusqu’au bout cette micro aventure – treize personnes dissemblables au possible, réunies par une consigne un peu farfelue, un samedi après-midi de grand soleil, quand les voitures roulent capot contre capot entre Saint-Lô et le centre commercial.

Un extrait de mes propres notes, pour la première consigne d’écriture :

les éclats de voix, tranchants
le cri du ballon, contondant
ils se cognent au vent
sur le stade désert
le gazon darde son vert
pour lui-même
un vert que les grilles blanches
exhaussent

au sommet de la falaise
piquetée de ficaires
des arbres tordus des brise-vue
en plastique vert et quelque part
invisible
un pivert

Regnéville, acte 2, jour 6

Hier, après un matin chagrin et une après-midi variable, j’ai ri à gorge déployée, d’abord en vidéo avec mon amoureuse depuis les loges de la salle où elle allait jouer (le trac lui est inconnu, ce joyau ne voit partout que joie), puis en apéro-dînant avec Marianne. J’ai eu deux fous rires en deux jours, alors que je n’en avais pas eu depuis des mois. Peu de choses me paraissent aussi grisantes que ça : rire. L’amour, le mouvement, la musique, la nature et le rire. Cet après-midi, je vais devoir recouvrer tout mon sérieux pour animer un atelier d’écriture en la bonne ville d’Agneaux, limitrophe de Saint-Lô, avec sa falaise soulignée d’une voie ferrée, la Vire en écharpe. En attendant, visez la meuf qui ne craint pas les sangliers. Je me suis offert une course à pied dans la campagne, dès l’aube – sans musique pour ne manquer aucun éventuel grognement.

J’ai bien failli me mettre en danger encore – ce fameux syndrome de la touriste abrutie – mais cette fois la signalétique m’a sauvé la vie : je ne me suis pas noyée dans ce bassin très attrayant.

Regnéville vu depuis le chemin qui mène aux Fours à Chaux du Rey, avec la silhouette effritée du château.

Ensuite, j’ai quand même écouté une chanson, Man Who Scares Me de Jessica Sligter, ça faisait des mois que je ne l’avais pas entendue et j’ai couru-bondi-dansé avec le soleil en face, tout grand maintenant, éblouissant. C’était un chouette final.

Regnéville, acte 2, jour 5

Bien que j’aie passé une très chouette soirée hier avec Emmanuelle, Sophie, Marianne et Mathilde, bien que la pluie se soit interrompue ce matin, le temps de ma course à pied, je suis d’une humeur affreusement chagrine. Je suis tombée sur un élevage de bœufs, chacun dans une stalle juste assez large pour y tenir debout ; ils ont tendu la tête vers moi quand je suis passée, je me sentais si impuissante… Quelle abomination, comment une société prétendument civilisée peut-elle autoriser de telles barbaries ? Et puis j’ai été chargée par une oie qui m’a rappelé ma regrettée Carrie <3 Et puis je devrais être à la gare de Bruxelles pour accueillir ma bien-aimée, assister à son concert ce soir, au lieu de quoi je regarde les rafales asperger les fenêtres de ma chambre comme pour me narguer. Il serait temps d’envoyer promener mes tâches administratives et préparations d’ateliers pour me plonger dans mon manuscrit. Quelques images prises ce matin entre deux averses.

Regnéville, acte 2, jour 4

Hier, j’ai fini de synthétiser les corrections que Wendy et moi avons apportées à notre manuscrit ; il a l’air d’une chambre d’ado avec ses annotations de diverses couleurs dans les marges, ses paragraphes biffés, ses surlignages ; puis j’ai relu les épreuves d’un livre dont je n’ai pas encore le droit de parler, disons un roman institutionnel. J’ai aussi répondu à 73 mails, préparé une interview, pris des billets de train pour aller ici ou là faire des lectures, des bidules. Toujours pas un mot de Nue dans ce séjour qui touche à sa moitié. Le soir, j’ai retrouvé Marianne pour l’apéro et le dîner, toute timidité a fini par déserter notre salle à manger, les discussions roulent et on rit bien. Ce soir, on accueille trois amies.

Ce matin, la lumière varie imperceptiblement à chacune de mes foulées, les tons se fondent, j’absorbe cette beauté, je voudrais m’étendre dans le sable et laisser le sel pailleter mes lèvres mais Valentina me manquerait plus encore alors je poursuis, elle me chuchote pazienza, on s’est trouvées, le plus gros est fait, soyons reconnaissantes de ce miracle. Sur un mur de Londres, des affiches « I <3 Fanny » apposent un tampon sur notre bonheur – un de plus. Ma gratitude déborde l’horizon, ce matin. Il y a un mois, je me croyais condamnée à une vie de solitude, d’amertume et de regrets : avalés par une vague. Voici 11 inspirations profondes et iodées pour dire merci.

Regnéville, acte 2, jour 3

où comment une teubée des villes, après avoir miraculeusement échappé à la furie d’un sanglier dans la forêt de Bord, croit sa dernière heure venue dans les sables mouvants d’un estuaire. Mais prend des photos quand même (pas de selfie, remarquez bien, c’est une vieille teubée), de sorte qu’elle est en mesure de documenter l’affaire. Maintenant, elle repasse à la première personne, hop. Tout avait pourtant bien commencé, je suis sortie avant le lever du soleil sans penser suidé, j’ai fait des câlins de nez à un ami cheval et ri toute seule en revoyant Maurice, hier soir à la médiathèque d’Agneaux, me dire que j’avais l’air nombreuse là-dedans (il désignait sa tempe ; et bien sûr j’ai répondu que j’y étais en bonne compagnie). Sur la plage de Hauteville, les lumières étaient franchement pas mal.

J’ai décidé de regagner Regnéville par le havre plutôt que d’emprunter une fois encore la route qui passe par le château. Il suffisait de contourner la dune.

Facile.

De l’autre côté, la vue est chouette, oui, j’ai vraiment bien fait de passer par ici. Certes je m’étais juré, lors de mon premier séjour, de ne pas m’aventurer sur ce qui a tout l’air d’un bourbier avale-touristes, mais depuis le temps je suis presque d’ici, non ?

Et puis de près, on se rend compte que le sol n’est pas si effrayant. C’est de la végétation, Fanny, je me dis, il n’y a pas de végétation sur les sables mouvants (depuis l’enfance j’ai la terreur de ce machin, on m’a parlé du Mont Saint-Michel – qu’une mouette d’ici rejoindrait en trois minutes – et l’image est restée profondément imprimée dans mon générateur de phobies). Mais c’est quoi, en fait, ces espèces de creux qui veinent la verdure ? Oh mais ce sont des micro cours d’eau. Ce n’est pas grave, il y a une espèce de chemin, là. Quand je pose le pied sur ledit chemin, arrive le moment où je me parle à voix haute pour me rassurer – le propos per se n’est pas rassurant, seulement ma voix : « Ok, ce n’est pas un chemin pour les êtres vivants, c’est un chemin pour l’eau, c’est pourquoi il glisse tant ». Mais je parviens, en sautant au-dessus de ravines larges d’un mètre aux bords glissants, aux abords de Regnéville.

Et là, il y a comme une surprise.

Ok ce n’est pas très haut mais plein de végétation coupante et puis vous voyez comme les parois sont glissantes ? De la boue de sable. De la boue de sable, moi j’appelle ça des sables mouvants.

Je dois rebrousser chemin et sauter derechef au-dessus de ravines pour regagner la dune, mon raccourci a l’air stupide stupide et cependant la marée monte. Valentina dort encore, je suis seule au monde au milieu d’un très charmant traquenard de la nature, je ne pourrai même pas dire farewell my graceful punk, juste quitter ce monde dans un ultime plop. Je suis soulagée quand je parviens ici,

mais je m’enlise un peu plus loin, si près de la dune, si près… Quand je finis par rejoindre la route, je suis écarlate dans le vent glacé. Une dame à vélo et casque multicolore me lance, Bravo les sportifs ! Elle a bien compris, comme Maurice, que je suis plusieurs. Mais elle se trompe sur un point : sportive n’est pas le mot, c’est aventurière qui convient. Valentina me demande si elle peut dormir tranquille avec mes bêtises – et ensuite ce sera quoi, avant son premier café, un lion ? un iceberg ? Je fais des promesses. J’ai l’héroïsme facile. Je m’amuse bien. Les moutons me font une ovation.

Regnéville, acte 2, jour 2

Les voici, les splendeurs. Ces bébés ont bien poussé depuis le mois dernier…

J’ai retrouvé le plaisir de courir sans croiser quiconque pendant des kilomètres : la peur des sangliers (y compris des sangliers marins) commence à refluer. J’écoute des inédits de la femme qui m’a rendu mes 13 ans, tout ça fait de la beauté dedans et dehors en même temps, l’air est vif, on respire parfaitement.

Soudain, derrière la dune,

voici la Manche – et, de l’autre côté, cette fois c’est Valentina qui est dans le train. J’écris son nom dans le sable parce que j’ai 13 ans et elle me répond par des nuées de petits cœurs parce qu’elle a 13 ans. On respire bien.

On dirait qu’il n’y a jamais personne sur ces plages infinies. On respire bien. Mais maintenant, allons résider en attendant la nocturne d’Agneaux.

Regnéville, acte 2, jour 1

Après quatre trains et huit heures de voyage, je suis arrivée à Coutances. Je ne me plains pas, le voyage n’était pas désagréable, c’était un peu comme voyager avec elle, j’annotais le manuscrit d’une amie et parfois Valentina me disait, Regarde ça, lis ça, écoute ça, c’était joyeux, je pouvais presque sentir sa tête sur mon épaule parfois. Quand elle m’a envoyé ceci, j’ai éclaté de rire.

C’était tout à fait dans l’esprit de la perruque et des chausses argentées à talons compensés que je lui avais envoyés avant-hier. Arrivée à Regnéville, j’ai sauté sur mon vélo (sens de la propriété), filé à Montmartin acheter une bouteille pour Marianne et moi avant que le supermarché ne ferme. En chemin, j’ai constaté que les veaux ont incroyablement grandi en trois semaines : des splendeurs. Le lumière n’était pas propice aux photos, j’en prendrai demain. J’ai salué mes copains chevaux. La nuit tombait quand

je suis rentrée

à la maison

Ma chambre est au premier étage.

C’est parti pour deux semaines. Demain, rencontre à la médiathèque d’Agneaux à 20h30 (ouais, on est des noctambules, nous, ici).