superficie

Je devais donc participer aujourd’hui à une grande fête et lancer la Maison de la poésie de Bordeaux en formidable compagnie, au lieu de quoi je n’ai pas vécu cette journée – passés les premiers moments où, à peu près disponible intellectuellement quoique l’œil éteint, j’ai pu discuter avec mon amoureuse, elle sur son oreiller des Pouilles et moi sur mon oreiller minier, puis elle s’est levée tandis que je suis restée amorphe, assommée, incapable de bouger seulement le bras pour répondre à ses messages pendant parfois des heures. Une journée à dormir, la tête pleine de sable. Une journée pas là. Une journée pour rien même si elle dit que ça n’existe pas et que mon corps a ses besoins, que je dois respecter. Au milieu de tout cela, un appel des finances publiques : Monsieur A. me demande quelle est la superficie de ma maison. Excellente question, man. J’ai l’impression d’avoir pris du LSD (c’est du moins l’idée que je m’en fais), je dis, Oh là, je peux vous dire ça plus tard ? Je n’ai pas de mètre-ruban sous la main. Il dit que lui, c’était la semaine dernière, sa session couette pour cause de grippe. La semaine prochaine, je sautillerai à Londres. Pour l’instant, mon univers a la superficie de mon lit et se complique parfois d’un ou deux escaliers. Tout le reste me manque, mon truc c’est plutôt le mouvement.

Pour l’occasion, voici les photos qui auraient dû défiler derrière moi ce soir à la MdP de Bordeaux, celles que l’on trouve dans La Geste permanente de Gentil-Coeur mais – exceptionnellement – en couleurs. La première montre des arbres et un joli panneau à la camp scout qui n’existent plus, rasés par la ville de Sallaumines pour en faire un parking. Sur la sixième, on voit une pie harceler un chat – je jure que ça s’est vraiment passé.

Pas une geste

Donc le médecin a dit non, on ne va pas lire à Bordeaux avec une grippe carabinée. C’est le troisième jour et j’ai encore de la fièvre, alors il faut renoncer. Ce serait un euphémisme de dire que je suis triste et déçue mais il est vrai que, vu mes difficultés à descendre un escalier, prendre trois trains puis gesticuler (car c’est bien ce en quoi consiste ma lecture) tout en éternuant et toussant serait un défi un peu audacieux et pas très correct envers celles et ceux que je risquerais de contaminer. Alors je vais rester dans mon lit et un état semi comateux, avec Spring d’Ali Smith et mes leçons d’italien.

Un extrait de Spring dans lequel la Terre s’adresse aux humains, comme j’ai demandé aux élèves de Corbie de le faire dans nos ateliers – pure coïncidence :

« Mess up my climate, I’ll fuck with your lives. Your lives are a nothing to me. I’ll yank daffodils out of the ground in December. I’ll block up your front door in April with snow and blow down that tree so it cracks your roof open. I’ll carpet your house with the river. »

(J’adore Ali Smith.)

Perluète

Sur le site de Perluète, la revue de l’agence Normandie Livre et Lecture, vous pouvez trouver un article qui récapitule les étapes de ma résidence croisée avec Emmanuelle Polle. On y clique aussi sur un lien vers Soundcloud, où l’on peut entendre une interview donnée à Cindy Mahout, interview que j’ai moi-même habillée de musiques avec mon petit logiciel gratuit. Au programme,

Delphine Dora, Rêver l’imperceptible
Valentina Magaletti, Tutti Alcirco!
Félicia Atkinson, Courir
Cucina Povera, Zoom 5
Klein, Camelot Is Coming
Circuit Des Yeux, Call Sign E8
Micachu & The Shapes, Nowhere

J’avais des contraintes de longueur et n’ai donc choisi que des morceaux très (très) courts. Par coïncidence, on n’y trouve pas seulement mon amoureuse mais aussi l’artiste que j’évoquais dans mon précédent billet, qui l’a invitée à faire sa première partie ce soir. On peut écouter le podcast ici.

On peut enfin y découvrir Cette sacrée rotondité, mon texte à quatre mains avec Emmanuelle Polle – que nous lirons bientôt en public avec la complicité de ma chère amie Aude Rabillon. Je l’ai aussi ajouté dans le menu de ce site, ici.

SGDL + état grippal

Je ne tombe jamais malade. C’est comme ça quand on court tous les matins, en short dans le vent, la pluie, la neige, on est d’acier. Des années sans un rhume. Alors pourquoi, alors que demain je dois partir dès l’aube faire un service de presse à Lille, soumettre à un dentiste la couronne cassée qui me torture depuis deux semaines puis filer à Bordeaux pour lire La geste permanente de Gentil-Coeur lors de la soirée de lancement de la Maison de la poésie, ai-je de la fièvre et mal à la gorge ? Je continue d’y croire, je prends des médicaments, des huiles essentielles, je suis toutes les préconisations de mon amour – ainsi, je ne suis pas en train de courir (il m’est arrivé de courir avec de la fièvre, c’était amusant, comme un manège). Je ne lâche pas la patate. Par ailleurs, je dois à mon amie Maud Thiria d’avoir appris cette bonne nouvelle – également relayée sur Instagram (mais ce n’est pas comme si j’y allais régulièrement) par Katia Bouchoueva et Laure Gauthier : ladite chanson de geste figure dans la première sélection du Grand Prix de Poésie de la SGDL (Société des Gens de Lettres). Youpi !

d’autres voyages

Hier, après deux représentations diversement divertissantes (chute du décor pendant la première, flottement général dans la seconde), nous avons fêté le succès de notre dernière création en date – et cet après-midi, nous allons manifester pour obtenir le droit de poursuivre nos saines activités l’année prochaine (c’est mon jour de rébellion ; ce matin, j’ai protesté auprès de Valentina contre la conjugaison de volere : « Come on, je lui ai dit, voglio, vuoi, ok, but vuole? Wtf? » et je ne parle même pas de venire, qui a l’air d’une blague – mais ensuite quand elle a compté en français jusqu’à dix et m’a demandé ce qui venait après, j’ai bien dû admettre que onze, c’est super chelou en fait). Trêve de linguistique, il manque trois personnes sur la photo ci-dessous, hélas :

Dans l’euphorie, Astrid, Nathalie et moi avons décidé de reprendre notre spectacle La vie sans Brad, que nous avons monté il y a dix ans (déjà, JMJ), théâtre, piano et chant. Nous avons envoyé cette photo à la quatrième d’entre nous, Mathilde, qui a immédiatement répondu qu’elle était partante. Encore une belle aventure en perspective.

Je viens de retrouver les photos de ce spectacle et quelle émotion : on voit aussi, dans le public, ma mamie Denise et quelques amies que je n’ai pas vues depuis des années.

Un beau voyage

J’ai beaucoup pleuré aujourd’hui : de rire, d’abord, à devoir m’éponger les yeux et me moucher, grâce à nos odieux touristes. De gauche à droite, Thérèse (maman), Bernard, Didier (papa), Paulette, Barbara, Jacqueline (floue) et Christine.

Puis d’émotion quand ce groupe d’enfants – ils sont en primaire – a chanté Wiegala, berceuse composée par Ilse Weber dans le camp de concentration de Terezín, morceau que j’ai proposé pour accompagner les passages illustrant les migrations humaines puisque notre pièce oscille entre humour (très très) grinçant, satire et gravité

Le chœur d’enfants est accompagné par nos super musiciennes, Nathalie au piano, Marie (sa fille) à toutes sortes d’instruments, parmi lesquels violoncelle, contrebasse et trompette, et par Astrid, à la direction et au basson. Soit nos traditionnelles collaboratrices dans ces projets théâtre-musique-chant que mes super hurluberlus et moi menons depuis dix ans, en grande partie grâce à l’investissement précieux de mes parents.

Ici, ma mère est présentatrice de JT.

Et maintenant, Anne Sofie von Otter interprète Wiegala.

Plein de bisous à notre Gigi, qui n’est pas parmi nous cette année. On se rattrape l’année prochaine…

Le passage qui me fait le plus rire est interprété par Paulette, hôtesse de l’air SM ; en atelier d’écriture, nous avons écrit cette tirade en imaginant une série de traductions automatiques toutes catastrophiques.

« Mesdames et les autres, bonjour, je suis Charlie Tango, ton chef de cabine. Le commandant de bord Bruno Tango et l’ensemble de l’équipage ont l’extase de vous asseoir à bord de ce Boeing 747. Nous nous garantirons de votre sécurité et de votre aise et mettons tout en œuvre pour que vous arriviez indemnes à destination de Kawa. Le temps de vol sera de 5 ou 10 heures.

Nous vous souhaitons un très bon itinéraire. Nous vous enseignons que les bagages à main doivent être placés dans les coffres-sièges devant vous. Les portes et issues de secours doivent être dégagées au cas où. Veuillez bien retirer les piles de vos cellulaires, et ce jusqu’à l’arrivée au parking, merci. Nous vous rappelons que ce vol ne fume pas, même strictement dans les cabinets. Les démonstrations de sécurité vont vous êtres présentées sur la télévision, merci de nous accorder attentivement.

Chaque fois que ce signal est enflammé, vous devez vous attacher solidement par la ceinture pour votre sécurité. Nous te recommandons de la maintenir accrochée visiblement si vous êtes assis. Pour détacher votre ceinture, hissez la partie supérieure de la boucle. Les gilets jaunes sont situés sous votre séant. En cas de dépression de la cabine, un masque à oxygène vous tombera automatiquement dessus. Libérez le masque pour tirer de l’oxygène. Placez-le uniquement sur votre visage. Une fois votre masque apprêté, il vous est possible d’aider des personnes défavorisées. En cas de fuite, un néon dehors vous permet de deviner l’issue de secours la plus proche de votre chaise. Elle peut se situer derrière toi ou pas, de chaque côté de la cabine, à l’avant, au centre, ou pas, sois vigilant. Pour évacuer l’avion, suis l’équipage, qui testera automatiquement les toboggans.

Nous devrions bientôt nous envoler. Votre tablette doit être rangée, votre chaise relevée. Nous te remercions d’avoir choisi la compagnie et te souhaitons un agréable courage à bord. »

Des profusions

Il n’y a pas moyen d’écrire Nue, ici (quand je vous dis que ce titre est porteur). Il y a
des ateliers d’écriture à préparer, à mener, à corriger
des trains à attendre, des trains à prendre, des changements de trains
des événements à organiser, des supports à valider
des billets de train à réserver, des fiches à remplir
des musiques à sélectionner, des photos à sélectionner
des corrections, des relectures d’épreuves
des trains, des trains, des trains
des résidences, des festivals, des rencontres
c’est formidable après deux ans de néééééééant et j’aime prendre le train
n’allez pas croire que je me plaigne, j’adore cette année, cette pochette surprise sans fond
simplement je mets Nue sur pause et pour ne pas perdre la tête je me lance dans des petites formes
je le fais, au compte-goutte, en duo avec une poétesse mystère (eh oui, le mystère est de retour)
et pour préparer le terrain de la poésie de terrain qui m’attend cet été avec d’autres ami.e.s poète.sse.s, je prends des photos ; des tas de photos de fouillis et un fouillis de photos de tas
je sais ce que j’ai envie de montrer mais pas comment, c’est passionnant quand on ne sait pas
je voudrais que Valentina m’accompagne je voudrais tout faire avec Valentina
en attendant je prends des photos et des notes dans des carnets
je visite des profusions, je ne les peigne pas, je m’y perds
je demande mon chemin aux lapins et il y en a plein (et aussi des faisans et des piverts, c’est une année foisonnante d’eux comme l’année dernière l’était de grèbes huppés)

Et maintenant, hop, en route pour Roubaix (atelier d’écriture avec des quatrièmes).

Nous avons fait un beau voyage

Dimanche 3 avril à 14h30 et à 17h, il sera question de mobilités à l’espace Bondeaux, rue de la Liberté à Liévin. (Gratuit ; réservation recommandée.) Vous n’êtes pas dispo ce jour-là ? Vous pouvez toujours assister à la générale, le samedi soir, si vous êtes prêt.e.s à mettre le prix.

/ 3 : des drôles d’oiseaux

Hier, j’ai participé à une répétition de Nous avons fait un beau voyage (le titre cite une chanson de Ciboulette, l’opérette de Reynaldo Hahn). Je parlais ici de notre pièce : elle a été écrite en atelier par la troupe même qui va l’interpréter – mes super hurluberlus préférés, dont on voit quelques spécimens sur la photo ci-dessous, dans la scène des oiseaux. Je vais moi-même lire quelques phrases, de sorte que je serai un peu sur scène avec le groupe + le chœur d’enfants mené par Astrid + non pas l’école de musique au grand complet, cette année, mais notre incontournable complice Nathalie et sa fille Marie. Toutes nos pièces s’achèvent par une interpolation de La veuve joyeuse (oui, nous aimons bien l’opérette) et pour la première fois, je ferai donc partie du très grand chœur dissonant qui entonnera ces quelques vers s’achevant par Vive la raie / Vive la République – nous réglons leur sort au tourisme, à la chasse, au consumérisme, au chauvinisme, etc. Plus d’infos dans la rubrique Factuel pour celles et ceux qui voudraient réserver une place, un train, une chambre d’hôtel et venir nous applaudir.

Après la répétition, j’ai sauté sur mon vélo et filé à Lille ; en chemin, j’ai retrouvé les jeunes oies que je vous ai présentées ici en décembre. Les trois que l’on voit ici dans l’eau ont mis en fuite un canard, qui a fini par s’envoler pour leur échapper.

J’ai croisé de nombreuses péniches que je ne connaissais pas encore, parmi lesquelles Octopus, St Eustatius, Gwendolina, Florida, Kevalia, Tsunami ou encore Alain, mais la première à s’être trouvée sur mon chemin a conforté ma théorie de la divination batelière puisqu’elle s’appelait Freedom et que j’éprouve précisément, ces temps-ci, un sentiment d’intense liberté. Il y a trois nuits, j’ai rêvé que j’étais un chevreuil et que je gambadais joyeusement au milieu des miens dans la nuit tout juste baignée de lune, quand soudain des phares de voiture ont éclairé ce que nous pensions être une prairie, alors nous nous sommes rendu compte que nous étions sur un rond-point ; ce rêve me dit qu’il faut rester prudente mais ignorer la déception que nous impose le regard de la civilisation, ignorer autant que possible ses problématiques pour jouir de la beauté que nous générons entre chevreuils, tant que nous le pouvons. J’ai appris ce matin avec perplexité le décès de la musicienne expérimentale Mira Calix (52 ans) et, outre la tristesse que j’en éprouve, je me répète qu’il ne faut rien concéder à ceux qui voudraient disposer de notre temps ; il est bien assez court.

À Lille, en compagnie de mes amies Antique, Claire et Lulu, j’ai assisté aux concerts de ces drôles d’oiseaux que sont Mega Bog et Cate Le Bon et j’ai passé un moment formidable. Entendre cette dernière interpréter, à deux mètres de moi, les chansons de son précédent LP, Reward, l’un des trois albums qui m’ont sauvé la vie en mars-avril 2021, m’a procuré des émotions bien plus fortes que je ne l’avais escompté ; j’avais très envie de pouvoir remercier la dame parce que, décidément, ça valait le coup de survivre à ce merdier.

Le moment était d’autant plus fort qu’elle jouait devant un public très confidentiel – moins cependant que celui de Mega Bog, qui d’ailleurs ne se sentait pas très bien : outre que le public clairsemé n’était pas réactif, elle n’avait pas son groupe au grand complet autour d’elle et m’a confirmé qu’il lui avait beaucoup manqué. Je lui souhaite plus de fun ce soir à Paris en plus grand effectif. Il est toujours étonnant, pour moi qui n’ai aucun lien avec la presse et la culture françaises, de constater que les superstars de mon monde ne remplissent pas une salle ici. Chaque jour, je me réjouis de vivre mentalement ailleurs.

Maison de la Poésie de Bordeaux

Je ne suis pas peu fière de figurer parmi les trois poètes invités à lancer en quelque sorte la toute nouvelle Maison de la Poésie de Bordeaux, à l’occasion de l’Escale du Livre, le 8 avril à l’Atelier du Conservatoire. Merci infiniment à Patrice Luchet pour sa confiance, je suis tellement heureuse et honorée de faire cette lecture… Plus de détails ci-dessous.