La Joconde a enfin trouvé un job : elle travaille à Sallaumines, au service Propreté et gestion des déchets. Bien joué, Mona !
Estivalitude
Ce matin, à 9h, sera diffusée sur France Inter une émission enregistrée en juillet, dont Jeanne Cherhal et moi étions les invitées, au micro de Christophe Bourseiller. Je pense n’avoir jamais été aussi navrante à la radio, sans doute parce que le format inhabituel m’a quelque peu désarçonnée, en tout cas j’ai ruminé ma propre nullité pendant deux semaines. Je m’en suis remise, ça va. Mais aujourd’hui, il n’y a plus rien à faire : ça va s’entendre, inutile de faire comme si ça n’avait pas existé. Désolée. Présentation de l’émission, ici.
Resink
Ça faisait un an ce matin. Un an que j’avais pris la photo de la jeune athlète que l’on peut voir dans mon expo Ligne 18 et qui figurait dans L’Humanité du 25 avril dernier. La fleur de thé se trouvait-elle au parc ce matin pour fêter l’événement, et pour que je lui remette enfin son exemplaire de L’Huma (un peu fatigué de voyager depuis des mois dans ma sacoche de vélo) ?
Eh non.
Je profite de l’occasion pour vous dire que cette page de journal est à l’origine de mon roman à paraître en janvier aux éditions de l’Olivier (quel teaser !), roman que j’appelle affectueusement Le Sel et dont je suis en train d’écrire la suite (Le Sel 2, en somme) ou plus exactement le négatif (Le sucre, donc), avec la même ferveur. Autrement dit, considérez qu’après ces quelques jours de disponibilité, je suis de nouveau en résidence. Merci de votre compréhension, jamais démentie. See you later, alligators!
Des mini-golfs
Ce mini-golf est sis à Pont-à-Meurchin : il est véritablement traversé par la limite entre les villes de Pont-à-Vendin et de Meurchin. Soit il s’agit d’un golf à 17 trous soit mon esprit est trop plié à la logique des nombres premiers pour que mon regard ait perçu le dix-huitième. Depuis que je me suis documentée sur ce noble sport, Le Bon Coin me suggère d’en acheter un chaque fois que je consulte les annonces immobilières, c’est-à-dire très souvent (je me casse dans le bassin minier – si ça ne tenait qu’à moi, je serais gone sur l’avant-jour, comme disent les Cajuns), et il est vrai que c’est tentant mais le prix (comptez entre 5 et 20 000 euros) décourage l’achat impulsif.
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Une chute
Ma permanence poétique m’amène ces jours-ci à délaisser la course à pied pour le vélo, de sorte que ces quelques lignes écrites un jour pair n’ont pas leur place dans mon texte. Voici donc ce qu’il convient d’appeler une chute – les photos, en revanche, ont bien été prises dans le cadre de la permanence, en l’occurrence dans le bassin minier.
ce matin dans l’arrière-monde un inconnu me dit bon courage
alors même que mon corps sécrète un feu d’artifices biologique
je ne souffre pas je n’ai pas un air de souffrance
même si j’ai croisé dans les bois un groupe dont les exclamations
gilets fluorescents et bâtons de marche nordique
faisaient peur aux lapins alors je n’ai pas dit bonjour
(Le marcheur du terril d’Harnes-Annay – jock-a-mo fee na-né.)
peut-être le monsieur dit-il bon courage
parce que la simple idée de courir le fatigue lui
mais moi rien ne me rend plus heureuse que de courir
sinon mes road trips vers le sud juchée sur Mon Bolide
mon vélo rose qui grince et couine et frotte
moi l’expérience que j’aime au monde c’est le mouvement
et d’autres non mais je ne m’en mêle pas je ne dis rien du tout
à ceux qui ont un rendez-vous galant je ne dis pas
bon courage au prétexte que ça me fatiguerait
moi de faire tout le badinage et la performance sexuelle
requis par les rendez-vous galants
ou aux couples qui se doivent une disponibilité du corps et de l’esprit
s’ils ont leur bonheur comme ça je ne leur dis pas bon courage
ni aux parents qui crient Pas sur la route Nathan mets ton pull
(Une joggeuse dans le parc de la jeune athlète, Sallaumines.)
ou peut-être le monsieur est-il simplement de ceux qui disent bon courage
de ceux qui par exemple aux caissières disent merci bon courage
comme si elles rêvaient d’un bullshit job plus challenging dans un open space
ces messieurs vont de par le vaste monde en dispensant des bon courage
comme si les autres vies que la leur étaient des punitions
mais je grogne merci parce que déteste m’arrêter quand je cours
même pour expliquer au monsieur où il peut se le mettre
son courage
(Fuck you sur le chemin de halage à Bauvin.)
Re-forge
Et un petit souvenir de ma dernière lecture à La Forge (place du Général de Gaulle, à Marcq-en-Barœul) avec le violoncelliste Guillaume Lafeuille. Merci à Nico pour la photo !
La poésie encore
J’a-dore le marché de la poésie, quand j’y retrouve Mandana, mes Montpelliéraines de choc, Sarah, IBL (que je ne présente plus) et NatYot, et les autres ami-e-s.
(Ici, avec IBL et Sarah <3)
Qu’est-ce que c’est ?
Non, ce n’est pas un film américain post-apocalyptique, c’est Montigny-en-Gohelle. Ci-dessus, en vue immersive sur le service de cartographie en ligne, ci-dessous non. Et c’est, rien que pour vous, 17 images du bonheur dans le bassin minier (la précédente ne compte pas, elle n’est pas de moi mais d’un Tobe Hooper minier).
Toujours à Montigny, face à la station-service et aux supermarchés incendiés, éventrés, noyés sous les déchets, ces Rideaux et Voilages remarquables sans esbroufe ni dauphins.
Depuis le 23 mai, je poursuis mon projet poétique en forme de road-trip cycliste. Je descends chaque fois à une gare différente avec mon vélo, je me perds et je découvre. 40 km par jour sur un biclou en fin de carrière, sous le soleil qui fait cloquer l’hélix de mon oreille droite. Je pédale dans un autre espace-temps. Si par exemple vous déplorez la mort des petits commerces et des centres-villes, c’est parce que vous n’allez pas à Billy-Montigny, où les années 1980 n’ont pas pris fin. Ameublement et décoration,
chaussures et prêt-à-porter, il y a tout ce que vous voulez.
Moins à Fouquières-lès-Lens.
Encore que. Si j’avais su écouter le trottoir, j’aurais enfilé ces protège-oreilles, bien qu’il fît 35 degrés ce jour-là, et des cloques ne darderaient pas sur mon hélix. Je n’ai pas voulu croire que c’était ce dont j’avais besoin.
Dans le bassin minier, on ne trouve pas que les années 1980 ; il y a aussi la modernité – c’est à Meurchin.
Ainsi le cycle de la vie suit-il son cours. Ci dessous, des bébés cygnes de Wingles.
Comme moi, la nature est heureuse ici. J’en veux pour preuve ce champ de colza et de coquelicots à Annay (≠ en Annay).
Gloire à Annay (≠ d’Annay) !
Les surprises jaillissent à chaque tour de roue. Un exemple : après le jardin des voitures brûlées à Hénin-Beaumont,
au fond de ce qui est une impasse pour les véhicules motorisés, il suffit de traverser la voie ferrée
pour déboucher dans le parc des Îles, et là laissez-moi vous dire que le roi n’est pas notre cousin. De quoi danser de joie devant les escaliers. Yee-haw !
Un autre jour (passé comme les couleurs de cette affiche livrée aux intempéries à Noyelles-sous-Lens), on pouvait se rendre au salon du bien-être et de / par (?) la voyance. Mais à quoi bon la voyance quand le bien-être est juste là et ne demande qu’à être vu, saisi au vol par l’œil disponible, alerte, brillant de gratitude ?
Et personne n’est laissé de côté, comme on le voit dans ce parc des mêmes Noyelles (est-ce un Noyelle ou une Noyelle ?) au bord de l’autoroute dite rocade minière.
Tout cela est tellement excitant que l’on peut dire, waouh,
Mais l’endroit que je préfère et où je tiens ma permanence poétique, c’est ce parc de Sallaumines. Je m’y sens comme chez moi, quelque part entre la déchetterie, un lotissement et l’autoroute. Il ne s’y passe jamais rien = Il s’y passe toujours quelque chose. Dimanche, une pie a poursuivi un chat en le narguant, je le jure.
Les Parleuses : le podcast
Samedi dernier, j’ai eu l’honneur de répondre à l’invitation de Littérature etc. (encore un immense merci à Aurélie Olivier pour sa confiance) et de devenir une parleuse. Vous trouverez le podcast, le texte et quelques images sur la page Les Parleuses #3 : Carson McCullers, accessible depuis le menu supérieur de ce blog ou en cliquant sur ce lien.
(Merci à mon antique pour la photo souvenir.)
Vous pouvez également lire mon texte ici-même.
5 arrière-mondes (1) : au sud-est de la métropole lilloise
Les arrière-mondes que je vous présente ici se situent dans un périmètre de moins de cinq kilomètres-carrés. Ils ne communiquent pas ensemble et diffèrent tant, dans l’esprit, que quand on en traverse un, on se sent très loin des autres. Je les ordonne dans un sens de lecture classique, de haut en bas et de gauche à droite, autrement dit vers le sud-est. J’aurais aussi pu les classer dans l’ordre du plus accueillant au plus inquiétant, auquel cas le dernier resterait le dernier.
1. Suivez-moi. Passez les grilles et les blocs de béton qui voudraient obstruer le tunnel. Entrez dans le tunnel. N’ayez pas peur. De quoi s’agit-il ? D’une autoroute à l’abandon ? D’une voie ferrée ?
Cent mètres plus loin, voici le paysage que vous découvrez. Les éléments présents à l’image ne vous permettent pas de répondre à la question précédente, j’en ai conscience.
Sous cet angle-là non plus, je suppose.
Tant mieux : je n’aimerais pas provoquer un afflux de touristes dans ce lieu relativement préservé, à quelques décharges près.
Car il mène à des paysages inattendus : à presque la campagne – au loin, vous reconnaîtrez deux des tours Europe dont j’ai déjà dit, ici-même, combien elles me fascinent.
Vous longez le champ et, à votre gauche, se déploie un site ferroviaire désaffecté qui, quoique sous vidéo-surveillance, vous épargne les chiens, la police et autres milices. Du moins y ai-je échappé à chacune de mes visites.
Je n’ai pas récupéré d’isolateurs de caténaires pour décorer mon salon parce que c’est trop lourd pour la capuche de mon K-way, mais il y a l’embarras du choix : verre, céramique, petit modèle ou grand modèle.
Idem pour les nombres premiers : difficiles à transporter – puisque cloués dans des traverses.
Puis, sans barrière ni transition, vous parvenez à un dépôt ferroviaire qui n’est pas du tout désaffecté.
Fin de l’arrière-monde 1.
2. De part et d’autre de l’autoroute A27, deux arrières-mondes apportent un éventail d’étrangetés intéressant (quoique pas inépuisable). Il s’agit de zones infréquentées, sinon par des centaines de lapins et de lièvres.
Ma passion pour les plans de villes m’a longtemps tenue à distance des vues satellite mais j’ai appris à les apprécier depuis que je me suis prise de passion pour les arrière-mondes : elles permettent une vue d’ensemble sur des espaces dont on ne pourrait se représenter l’agencement à la seule force des jambes et de l’intuition qu’elles nous en donnent, en particulier des espaces qui ne sont pas tout à fait urbains (bois, carrières, etc.), voire qui ne sont pas tout à fait accessibles.
a. au nord de l’A27
Pour commencer, voici un arrière-monde interstitiel entre trois terrains de jeu réservés à la bourgeoisie : un centre hippique, un terrain de golf et un complexe motocycliste. L’on peut y pénétrer à divers points ; en sortir est plus compliqué. Certaines parties sont ouvertes sur l’avant-monde, comme on le voit ci-dessous.
Certains aménagements peuvent faire croire, fallacieusement, que l’on s’apprête à entrer dans un espace balisé.
Mais non. Là-haut, les sentiers sont extrêmement étroits, certains totalement obstrués par la végétation et notamment par les orties. Les lapins y bondissent de toutes parts.
Depuis ce promontoire, qui avance dans la verdure à la manière d’une digue, l’on peut apercevoir, d’un côté, le terrain de golf,
et de l’autre le complexe motocycliste dont vous avez pu voir le tracé sinueux sur le plan.
b. au sud de l’A27
Il y a bien des manières d’atteindre cet arrière-monde à presque la campagne. L’une de mes préférées consiste en un chemin étroit serti entre l’autoroute A1 et un champ ; un arbre déraciné cet hiver par une tempête est sa dernière cicatrice en date, elle oblige à faire un petit saut de cabri bien agréable entre deux foulées ; sur le talus qui descend vers le champ, de la monnaie du pape en abondance.
On n’est pas censé passer devant cette grille (qui mène selon toute vraisemblance à l’autoroute) ; il fallait tourner à droite plus tôt. Demi-tour, hop.
Un peu plus loin, on traverse ce passage à niveau agreste, autour duquel je prépare depuis le mois de septembre 2018 un petit travail photo que je vous livrerai en septembre 2019.
Vous n’y verrez pas ceci parce que ce n’est pas dans le bon sens.
Ici, comme ailleurs, les délinquant-e-s aiment démonter des voitures. Ça se passe sans doute la nuit, quand je ne cours pas là.
Dans le champ il y a deux bunkers
et dans les bunkers il y a du champêtre – un doux mélange d’orties et de barres de fer rouillé.
Tout au fond du champ, une série de buttes à lapins masque partiellement une voie de TGV.
On peut y accéder si on n’a rien de prévu ces prochaines années.
Ou on peut monter sur la butte, si on n’a pas peur de se faire broyer le pied par un piège destiné aux lapins, car cet arrière-monde n’est pas un paradis, l’on y trouve des chasseurs et des pièges posés par eux. J’en ai vu un cet hiver, un grand crétin qui visait l’entrée d’un terrier, prêt à faire exploser une tête de lapin pour son loisir. Il a baissé son fusil pour me laisser passer mais je ne l’ai pas regardé pour éviter de lui vomir dessus ou de retourner son arme contre lui. Si l’on accepte de prendre les mêmes risques que les lapins, on peut surplomber les champs et la voie de TGV.
On monte par là, comme ça
et après on peut regarder en bas, c’est chouette.
Sans ces raclures de chasseurs, le paradis des lapins et des lièvres ressemblerait un peu à ça (on s’y amuse comme des fous, ces temps-ci).
3. Pas très loin d’un ancien centre de tri postal et de son arrêt ferroviaire désaffecté,
un caddie brûlé nous invite à pénétrer dans un lieu bien protégé des intrusion par des blocs de béton et bittes chromées
On accède à ça. Ce n’est pas spectaculaire, de prime abord, je vous l’accorde
mais à y regarder de plus près c’est carrément un lieu d’art contemporain
et de multiples vernissages – vous trouverez ci-dessous des résidus de fêtes mais aussi de mon ancienne rubrique consacrée aux sols.
4. Nous sommes dans la même ville, à peine un kilomètre au sud-est de l’arrière-monde n°2b ci-dessus. Nous l’atteignons après avoir traversé un parc d’activité différent de celui que nous présentions à l’instant – bien plus étendu. Nous en apercevons un bâtiment de tôle, en arrière-plan de ce petit chemin qui ne sent pas la noisette.
Ai-je déjà mentionné le fait que l’arrière-monde n’était pas seulement le théâtre de fêtes écologiquement inoubliables mais aussi un espace de décharge très apprécié ? Quoique bien plus difficile d’accès que les déchetteries, on s’aperçoit qu’il est convoité par un certain nombre d’entrepreneurs de BTP, de garagistes et de familles désunies (nous y reviendrons dans des numéros spéciaux de la rubrique L’arrière-monde).
Cette fois nous passons sous le TGV (le même) : ça change.
Des peintures rupestres nous avertissent de ce qui nous attend de l’autre côté du portique.
C’est, avant tout, une puanteur rare, non pas celle du fumier mais celle du liquide noir de nature indéfinissable qui constitue les flaques ci-dessous.
Quand on a traversé les champs glauques de cet arrière-monde, l’on débouche sur un pont qui surplombe l’autoroute. Les arrière-mondes ont toujours quelque chose à voir avec les autoroutes et les voies de chemin de fer, particulièrement de TGV.
Normal, me direz-vous, c’est le principe même des espaces interstitiels. Et puisqu’on en parle, quelques éléments visuels indissociables de ces derniers :