Projet Souchez

Le week-end dernier, dans La Voix du Nord, un article sur les randos-ateliers que je mène avec la plasticienne et graphiste Oréli Paskal. Sur cette photo, nous avons l’air sortis d’une série survivaliste (il manquait à peu près la moitié du groupe lors de la reprise après une interruption de plusieurs mois, mardi dernier) mais quand nous sommes naturels et ne ballons pas des bras, nous ne faisons pas trop peur. Je vous donnerai des nouvelles de notre carnet de route + carte sensible, qui a tout pour devenir un très bel objet, dès que nous aurons rattrapé notre retard covidien.

Nous, par hasard, dans l’univers immense

Aujourd’hui, j’ai découvert le terril 107 dit 4 d’Oignies, sis à Carvin. Il ressemble à ça depuis le terril 115 dit du Téléphérique, sis à Libercourt – la photo date d’un autre jour, plus nuageux. 107 n’est ni aussi petit ni aussi simple qu’il n’y paraît.

Il était un peu plus de 6h, ce matin, quand j’ai filé sur Mon Bolide et une longue route déserte, j’étais si joyeuse que j’ai chanté toutes les chansons qui me traversaient l’esprit et annoncé aux oiseaux que j’étais aussi libre qu’eux, il n’y avait pas de vent et les couleurs étaient tendres comme du sucre.

Puis j’ai slalomé à travers champs dans des ornières de tracteurs et j’ai fini par me trouver sur le flanc du 107, presque sans l’avoir vu venir tant la végétation était dense à son pied. Son exploration m’a ravie, je ne m’attendais pas à tant de splendeurs et merveilles, à tant de bois, de marais, de roselières,

ni à tant de lapins et de loriots stridents – trop vifs pour que je les prenne en photo, les oiseaux jaunes, contrairement aux lapins qui étaient encore au petit-déjeuner ou en pleine toilette.

Je me suis arrêtée plusieurs fois pour étudier le paysage et, à un moment, mon œil a été attiré par cette mignonne mini chenille. On devine sa taille en comparaison avec la samare de frêne floue dans le coin supérieur gauche de la photo.

J’ai eu, en voyant cette grâcieuse chenille, une espèce d’épiphanie : elle était là, à cet instant de sa vie, me suis-je dit, puis je me suis rappelé que moi aussi, j’étais là, à cet instant de ma vie. Personne ne savait que je m’y trouvais, il n’y avait aucune nécessité à ma présence en ces lieux (une heure plus tôt, je ne savais pas encore où j’allais me rendre) et je suppose qu’il en allait de même pour cette chenille. Elle se tendait vers moi, de temps à autre, pour preuve qu’elle et moi partagions ce hasard.

On vit des choses étonnantes et fortes quand il n’y a aucun congénère aux alentours ni aucune forme d’interaction à gérer, que l’on est disponible à ce qui nous entoure avec rien d’autre à faire que d’être là, en vie, dans l’odeur organique du sous-bois encore humide à cette heure matinale, entourée d’espèces qui tutoient la nature plutôt que de la détruire. Je me suis promis d’amener bientôt ici la seule humaine auprès de qui je peux vivre ce genre de moment avec le même abandon – et avec, en plus, un sentiment de complétude. Nous, par hasard, dans l’univers immense : la plus belle chose qui me soit jamais arrivée, si belle qu’elle a toute l’apparence de la nécessité.

Un massacre

Voici une photo du parc Guimier à Sallaumines, celui que j’évoque dans Le sel de tes yeux et dans La geste permanente de Gentil-Coeur. Il ressemblait encore à ça ce matin.

Mais quand je suis passée par là cet après-midi, tous les arbres à droite sur l’image ci-dessus avaient été abattus. Des arbres sains, vigoureux, apparemment vieux, si on se fie à leur hauteur. Pourquoi ? J’ai envoyé un message à la mairie pour le demander, et pour demander si un tel massacre est légal à notre époque où même le dernier crétin dans un bureau sait qu’il y a urgence à épargner la nature. Ça me rend malade.

Et regardez ça, ils ont fait très vite, comme si ça allait passer inaperçu : sitôt abattu, sitôt débité. Il faudrait porter plainte contre ce genre d’agissements, mais ça ne ramènerait pas ces magnifiques arbres à la vie.

Maison de la Poésie de Paris

Hier soir, pour la première fois, j’ai lu des extraits de ma geste pour illustrer en 11 pieds un entretien avec Sophie Joubert. Merci à elle, ainsi qu’à Colombe Boncenne et à toute l’équipe de la Maison de la Poésie pour leur accueil chaleureux et enthousiaste. Et merci à la femme de ma vie de m’avoir rendu la lumière.

Maison de la Poésie de Paris

Dans deux semaines, jour pour jour, je serai à la Maison de la Poésie de Paris pour un entretien avec Sophie Joubert (journaliste à l’Humanité à qui je dois déjà beaucoup) sur La geste permanente de Gentil-Cœur ; il sera sans doute entrecoupé de lectures mais le format reste à définir. Je me réjouis évidemment de cette invitation, même si je regrette de rater à deux jours près (mais on me dit que c’est plus compliqué que ça) la date officielle, disons annoncée, de réouverture des lieux culturels (et d’un jour la venue à la capitale de ma complice l’autrice mystère). La captation sera transmise en direct sur le Facebook live de la Maison de la Poésie (le 17 mai à 19h, donc) et ensuite disponible sur sa chaîne Youtube. Il me reste peu de temps pour répéter la lecture d’extraits, on n’a pas idée d’écrire des machins si difficiles à lire – l’exercice (qui m’a pas mal occupée hier) m’évoque la scène héroïque dans Go West, où les Marx Brothers réduisent en petit bois un train lancé à pleine vitesse pour alimenter sa propre chaudière – un (trop) court extrait :

Les Découvreurs

Je suis terriblement émue de cette critique de ma geste par Georges Guillain sur le site Les Découvreurs. Je le remercie vivement.

« UN ART POÉTIQUE EN FORME DE VÉLO DÉGLINGUÉ ? SUR LE DERNIER LIVRE DE FANNY CHIARELLO AUX ÉDITIONS DE L’ATTENTE.

Comme une sorte d’épopée travestie, hésitant entre genres sérieux, burlesque et héroï-comique, cette Geste permanente de Gentil-cœur par laquelle Fanny Chiarello nous conte en lignes – difficile ici de parler de vers – de onze pieds de long, son désir un peu fou de recroiser le chemin d’une joggeuse de 17 ans aperçue dans un parc un rien chagrin de l’ancienne commune minière de Sallaumines, entre rocade d’autoroute et lotissement populaire.

Afin de retrouver la belle dont le souvenir l’obsède, l’autrice/narratrice décide à la suite d’un large et réjouissant examen de la situation, exposé en prologue, de tenir une Permanence de onze jours en ce lieu, pour quoi, résidant à quelque trente-cinq kilomètres, il lui faut courageusement enfourcher sa rossinante monture dénommée Mon Bolide, un vieux vélo aux roues voilées, aux freins insignifiants, dépourvu de vitesses, de suspension, aux pneus de plus quasi impossibles à regonfler ! Cela produit des récits d’équipées non dépourvus d’une réelle singularité auxquels Fanny Chiarello prête parfois humoristiquement une dimension épique comme dans ce passage où l’exploit pour elle consiste à arriver quand même à bon port malgré l’orage :

mon pneu arrière crève avec éclat il
saute entre deux coups de tonnerre sur le
chemin de halage accablé de déluge
la pluie drue infuse une nuit diurne elle
noie les bois secoue la boue casse dans les
champs le maïs accable le canal et
ma capuche mais je pousse Mon Biclou
à pneu plat sans mollir vers ma permanente
mission la pluie rebondit sur le chemin
et me décoche des graviers qui se fichent
dans mes mollets nus et me mutilent les
tibias quand le fracas seul habite l’air
ça bruit rugit frémit tonne gronde claque
et crépite en une furie percussive
à l’acoustique cinématographique

Mais là n’est pas bien entendu l’objectif premier de ce texte qui multipliant les observations sur la marche nordique, les lapins, le mini-golf, les relations entre pie et chat, la pratique du surf chez les poules d’eau, du vélo sur une roue chez les adolescents, du non ramassage des crottes par les dames qui promènent leur chien… s’abandonne clairement, en dépit des règles en apparence strictes qu’il s’impose au départ, au hasard des rencontres et des évènements, pour dessiner peu à peu comme le tableau d’un territoire rien moins que favorisé socialement, esthétiquement, architecturalement mais dans lequel la vie qu’elle soit végétale, animale ou humaine, se donne toujours à voir dans la diversité de ses formes et de ses capacités d’adaptation. On songe un peu parfois à la célèbre Tentative d’épuisement d’un lieu parisien du  grand Georges Perec, n’était que la subjectivité de l’autrice/narratrice y apparaît de façon beaucoup plus évidente. Dans sa marginalité, son refus par exemple de certaines habitudes de consommation, sa façon très personnelle aussi d’entretenir un rapport presque intime avec ce qui reste autour d’elle de nature… jusqu’à se sentir au bord de l’orgasme rien qu’à respirer un parfum d’herbes et d’orties tout fraîchement fauchées. Sans compter bien sûr, qui explique le titre en partie mystérieux de l’ouvrage, sa relation à la musique cajun, celle de la Nouvelle Orléans, qui vient colorer de son pittoresque propre et de son éloignement linguistique et géographique la représentation que l’auteur invente au double sens du terme, au fur et à mesure de l’avancée de son ouvrage.

Et l’on songe aussi à la réflexion que nous livre Yves Citton dans son tout dernier ouvrage, Contre courants politiques (p.13), sur la façon dont pour les hommes d’aujourd’hui et a fortiori les écrivains, il est de plus en plus difficile pour évoquer le monde dans lequel nous vivons de se positionner entre un « je » qui fait problème du fait de la complaisance autobiographique dont nous sommes saturés et ce « nous » rendu impossible par l’arrogance de moins en moins supporté des savoirs surplombants.  C’est là peut-être que le petit vélo de Fanny Chiarello qui trace sa route, sans écraser, entre tous les réseaux subtils de signification par lesquels il nous fait passer, peut prendre figure aussi d’un art poétique en phase avec les questions d’aujourd’hui. »

Quelques Mickeys du bassin minier

J’ai déjà rendu, dans un reportage visible ici, un hommage sincère à cette forme d’art brut qu’est le Mickey maison. Non, je n’ai toujours pas fini ma thèse : j’ai encore tant de merveilles à découvrir, d’autant que mon champ d’investigation s’étend désormais au bassin minier et non plus à la seule métropole lilloise. En attendant la somme que je dois à mon sujet, voici quelques spécimens d’ici. Je précise, pour ceux qui nous rejoignent, que j’appelle Mickey maison tout personnage de BD ou dessin animé peint de mémoire et d’une main aimante par un(e) maître(sse) de maison au tempérament audacieux, entreprenant et généreux. J’ai beaucoup de tendresse pour ces fresques régressives.

Je vous emmène d’abord à Loos-en-Gohelle, où bat son plein ce que j’appelle une fiesta, mur qui réunit des personnages issus de divers univers.

On en trouve une aussi Pont-à-Vendin, quoique la mixité y soit moindre et quelque peu contrariée par le logo Disney.

Notez que Bart Simpson n’est pas une telle rareté sur les murs de notre belle région, comme en témoigne cette image (hélas en noir et blanc) prise il y a quelques années dans la métropole lilloise (d’où le noir et blanc) :

Sautons par-dessus la Deûle pour nous rendre à Vendin-le-Vieil, où l’on peut contempler depuis le pont ferroviaire cette mini fiesta défraîchie (en zoomant au maximum, ça donne ce petit flou que vous voudrez bien excuser) :

Retour à Pont-à-Vendin, où l’on trouve cette émouvante camionnette :

Avion, décidément ville aux trésors, possède le seul garage à ma connaissance qui soit consacré à Lucky Luke (quoique sans Lucky Luke himself),

ce qui mérite assurément un détail :

Vous aurez noté la proximité récurrente des Mickeys du Pas-de-Calais avec une statuaire semblable à celle que je louais dans L’art : collections privées du Nord – soit une enquête que je renonce à mener ici, tant il y aurait à faire : ce n’est pas pour rien qu’une annexe du Louvre est échue à Lens car notre agglomération est une ville d’art, notre agglomération aime l’art, sous toutes ses formes (moi-même, n’y participé-je pas modestement avec mes nouveaux processus réversibles, qui relèvent de l’arte molto povera ?)

Avec Canan Marasligil

Je l’annonçais ici, en février 2020, la voici : l’avant-première du documentaire Histoire(s) collective(s) – Carte Blanche à Canan Marasligil, sur ILTV, la télé du bassin minier. Contrairement à ce qu’indique l’image ci-dessous, ça ne se passera pas à 18h mais à partir de 20h, ce vendredi 30 avril 2021.

La diffusion du film documentaire sera suivie d’un échange avec Canan Marasligil animé par les membres de l’association Mine de culture(s) sur ZOOM. J’y serai également présente. Pour recevoir le lien de l’échange sur Zoom, inscrivez-vous par mail à l’adresse : suzie.balcerek@yahoo.fr.

Né du besoin de raconter le métissage linguistique du Bassin minier des Hauts-de-France, « Histoire(s) Collective(s) » nous emmène à la rencontre de Mickaellia, Alejandra, Jean Bruno, Bilal et Fabrice. Elles et ils nous partagent avec générosité leur quotidien, leur(s) langue(s), leur(s) histoire(s) individuelle(s).

D’Hénin-Beaumont à Lens, Canan Marasligil, traductrice, autrice et artiste multimédia, cherche à révéler la pluralité de ces parcours. Elle interroge et s’interroge sur la présence des langues, sur leur coexistence au sein d’une même vie ou d’une même ville. Ce faisant, elle met en lumière des
éléments d’une histoire collective.

A l’occasion d’un échange avec Fanny Chiarello, autrice, elles évoquent l’expression individuelle, les langues, les identités et mettent en pièce les discours normatifs.

Ce melting pot d’expériences singulières nous invite à redéfinir notre imaginaire collectif et dessine un nouveau paysage de ce territoire chargé d’histoire avec altruisme, humour et émotion.

Ce film a été réalisé par Antoine Giezek pour le compte de l’association Mine de culture(s), basée à Hénin-Beaumont, dans le cadre d’une résidence de Canan Marasligil débutée en 2018 dans le Bassin minier des Hauts-de-France, et qui a bénéficié du soutien de la Région Hauts-de-France et de la Communauté d’Agglomération Hénin-Carvin.