Agenda février

La semaine prochaine, je serai en résidence intensive au Comptoir du livre, à Liège, avec Catherine Barsics (que je retrouverai pour la première fois depuis notre rencontre à la Factorie en janvier 2022). Notre pari ? Écrire et fabriquer un livre en cinq jours avec pour matière première les livres vendus au Comptoir, et le présenter au public le vendredi soir au cours d’une performance. Nous aurons pour complices dans cette aventure Benjamin Dupuis et Charlyne Audin.

Puis Valentina et moi irons rejoindre Wendy à Bruxelles pour une présentation de L’Évaporée à la librairie Tulitu.

Puis toutes trois, nous prendrons le train pour le Festival d’Amour de l’Affranchie librairie, à Lille.


Puis Valentina et moi prendrons le train pour Bruxelles, où mon amoureuse jouera aux Ateliers Claus, puis nous prendrons le train pour Anvers où nous jouerons Permanent Draft au musée d’art contemporain, après une performance de Céline Gillain.

Puis je serai au 9-9bis, mais ça je l’ai déjà annoncé.

Puis ce sera mars et je passerai le mois en résidence à la Villa Yourcenar (présentation publique le 23 mars avec mes co-résidents, j’y reviendrai).

Vertébrale(s) à la Villa Yourcenar

Dans notre questionnaire Comment démonter l’établi, nos invitées (de gauche à droite, Coraline Aim, Aurore Magnier et Oréli Paskal) ont choisi respectivement les questions suivantes : « Aimes-tu le brouillard ? », « Tu cherches plutôt immobile ou en mouvement ? » et « Quelle forme pour rendre compte de la profusion ? de la confusion ? »

L’occasion d’échanges dont nous avons livré quelques aperçus le dimanche après-midi face à un public nombreux, curieux et réactif. Encore merci à la Villa Yourcenar de nous avoir reçues pour ce long week-end riche et chaleureux.

Nos invitées nous ont offert de beaux cadeaux, textes lus, sinogrammes, dessins croqués en direct. Ces petits trésors s’ajouteront à nos propres comptes-rendus et aux cadeaux de nos précédentes invitées pour ébaucher la forme que nous donnerons un jour à tous ces dialogues nourrissants – forme qui, évidemment, est toujours en quête d’elle-même…

(Merci à mon Antique pour les photos)

Vertébrale(s) flamande(s)

Nous sommes arrivées hier soir à la Villa Yourcenar. Demain, nous y accueillerons nos trois invitées. Dimanche, les Vertébrales et leurs Marguerites vous accueilleront, vous, avec un programme assez riche. Phrase du jour (de Florentine) : « Ne pas céder à la beauté du vrac ». Nous avons donc bien structuré l’événement, venez nombreux-ses et sans crainte.

Californie 8

Mon hier soir, qui est celui d’avant-hier sur un autre continent, après une nuit blanche dans le ciel, le crépuscule s’est présenté en ces termes par la fenêtre de notre chambre :

Et ce matin, qui est en fait hier matin, j’ai couru à Koreatown,

où, comme presque partout dans cette ville, les disparités les plus spectaculaires cherchent désespérément des témoins mais n’accrochent aucun regard sinon celui des profanes que nous sommes, nous, touristes – intrus (We buy houses cash, dit le panneau). Les Angelenos répondent à notre effarement que les sans-abris ne nous feront pas de mal, comme si c’était ce dont il s’agissait ; que des êtres vivants soient réduits à de telles conditions de vie ne semble pas les affecter mais si c’était le cas, comment pourraient-ils vivre là de toute façon ?

Puis nous avons traversé Beverly Hills (et ses villas démesurées au faste parfois grotesque habitées quelques semaines par an mais dont des agents de sécurité armés +en Jeep assurent la surveillance, le reste du temps), La Brea, Melrose,

où cette affiche nous a fait rire aux éclats.

Nous sommes allées voir l’un des sites où David Lynch a tourné Mullholand Drive, les appartements Borghese où vit Betty.

Ensuite de quoi nous avons voyagé – presque 18 heures pour ma part, de LA à Londres à Lille à Bailleul, d’abord avec mon amoureuse puis seule puis avec mes co-Vertébrale(s). J’ai vu le soleil se lever assise plutôt qu’en courant.

Et maintenant, c’est une autre expérience qui commence à la Villa Yourcenar.

Californie 7

Quand je cours, je ne porte pas mes lunettes. La première fois que j’ai vu cette préconisation peinte sur un trottoir, j’ai cru qu’il était écrit NO DOLPHINS.

Parfois aussi, je vois très bien mais je ne comprends pas. Valentina et moi avons fini par nous renseigner sur ce nom (commun ? propre ?) que l’on voit un peu partout à LA (je ne dévoilerai pas toutes les choses ridicules que nous avons imaginées) et nous nous sommes senties très bêtes : X pour Cross, Xing pour Crossing.

Mélange de pubs sur la route du Zebulon.

Comme s’il n’y avait pas assez de millions de palmiers dans cette ville (sans compter leurs ombres),

on en voit aussi beaucoup peints sur les murs – comme ici, à Venice.

Parmi les choses que je voulais absolument faire, il y avait : marcher au bord de la mythique Los Angeles River. J’ai exaucé ce vieux rêve pendant que Valentina faisait ses balances au Zebulon.

Il est arrivé un moment où je marchais entre la rivière et l’autoroute.

Car, s’il y a une chose qui n’est pas qu’une légende, c’est que des autoroutes coupent littéralement la ville. Je n’ai vu aucun endroit, en revanche, qu’on ne peut atteindre à pied comme je l’ai lu à divers endroits. Je chercherai mieux, la prochaine fois.

Quelques reflets de buildings sur des buildings à Downtown, où nous sommes retournées – c’est mon expérience la plus marquante d’ici bien que très loin d’être le lieu que je préfère… On ne s’y sent pas du tout à Los Angeles, ni nulle part ; on se croirait à Gotham City (cf. The Joker).

Une autre expérience que j’ai tenu à tenter, ce qui a fait rire nos ami.e.s ce soir, c’est le bus. Tout le monde m’avait dit que les bus étaient des coupe-gorges. Tout le monde ici a le cerveau déformé par la culture de la voiture et voit des dangers ou des impossibilités partout. Nous avons pris la ligne 7 de Santa Monica à Koreatown. C’est aussi une manière intéressante de voir des rues, des rues, des rues. Les coins de rues ci-dessous, en revanche, ont été photographiés alors que nous marchions.

Le ciel est TOUJOURS très fréquenté à LA. Ci-dessous, à Santa Monica,

dont voici la jetée.

Et quelques miles au sud, voici Venice.

Ce que je voulais y voir, c’était surtout les canaux qui sont le décor d’un roman noir de Bradbury que j’ai adoré il y a une trentaine d’années (moins quand je l’ai relu il y a deux ou trois ans), La solitude est un cercueil de verre.

Ce quartier qui était à l’époque en déshérence est aujourd’hui l’habitat de quelques riches et de nombreuses aigrettes.

Pour finir, voici un portrait de Valentina tiré de quelques nouvelles séries de photos à destination de la presse que j’ai faites ici, en extérieur et dans notre chambre d’hôtel à Koreatwon :

Je lui ai demandé de me rendre la pareille, puis de me rendre l’appareil parce que ses cadrages ne me convenaient pas ; je me sentais mal dans mon corps, qui a pas mal souffert d’une nourriture vegan trop succulente pour la modération. Elle a photographié mes indications sans que je le sache et la série qui en découle nous fait beaucoup rire. Surtout cette photo, qui ne servira pas malgré mon magnifique T-shirt Permanent Draft.

Californie 6

Un aperçu de notre performance à San Francisco pour le Wattis Institute for Contemporary Arts (merci à Marielle pour cette photo) ; le public n’était pas seulement face à nous mais tout autour.

Hier, j’ai fait battre tous ses records de marche à mon amoureuse, ce qui ne s’est pas fait sans ampoules et crampes, pour profiter pleinement de notre journée off à San Francisco. Nous avons marché de Mission au Golden Gate Bridge, ce que tout le monde nous avait dit impossible. En chemin, nous avons vu Castro, le fameux quartier LGBTQIA+ et notamment ce cinéma que l’on voit beaucoup dans le biopic de Harvey Milk (et qui annonce ces jours-ci un chef d’œuvre d’Altman de 1973, The Long Goodbye, et non un stupide film produit par N*****x).

Au fil des rues en pente forte, on découvre de nouvelles perspectives sur la baie.

On descend une colline de pins au parfum délicieux pour découvrir Alcatraz

puis le fameux Golden Gate Bridge, au pied duquel Kim Novak feint de se suicider dans Vertigo, mon Hitchcock préféré (je l’ai déjà vu quatre fois mais quelque chose me dit que la cinquième fois est proche).

Puis nous sommes revenues à Los Angeles de nuit, survolant son tapis de lumières apparemment infini. Nous sommes désormais à Koreatown.

Californie 5

Voici notre hôtel à San Francisco, un lieu hitchockien, d’un autre temps. C’est de son salon que j’écris ce billet en prenant mon petit déjeuner ; la musique est le requiem de Mozart, ce matin, mais de manière générale, il y a de la musique classique, des fruits et des boissons chaudes à toute heure du jour et de la nuit dans ce double séjour très chargé visuellement.

Nous sommes arrivées avant-hier soir. Valentina dans la hall d’entrée, avec sa camomille.

Moi, un peu fatiguée manifestement, dans le salon.

Hier matin, ma première course à pied franciscanaise m’a menée au Bay Bridge (le Golden Gate, c’est pour aujourd’hui, si tout va bien).

Divers types d’habitats se côtoient aux abords des échangeurs.

Après quoi j’ai traversé des zones interstitielles infréquentées. San Francisco est un paradis pour les joggeurs, avec ses larges trottoirs déserts tôt le matin (ici les magasins ouvrent à midi, avant ça la vie est au ralenti et on est bien tranquille).

Il est quasiment impossible de photographier décemment Mission, la rue mexicaine où on se croit véritablement au Mexique (et où se trouve mon restaurant vegan préféré au monde, également mexicain), tant elle est profuse et animée, impossible de rendre compte de sa splendeur décrépite où se bousculent des musiques fortes et joyeuses. Impossible aussi de rendre justice à la beauté de l’architecture de cette ville. Alors que je courais, je me disais que j’aurais pu prendre chaque maison en photo, il n’y en a pas deux identiques.

Où est kitty ?

Une ville de tramways, au ciel arachnéen.

Une ville de fresques.

Hier soir, nous avons donné notre troisième performance de Permanent Draft, après Ravenne et Londres, dans l’ancien cinéma ci-dessous, sur Mission Street.

Ça fera onze mois demain que j’ai contacté Valentina sur Internet pour lui dire que j’aimerais la connaître. Si on m’avait dit alors que onze mois plus tard je serais sur scène avec elle en Californie… Demain, nous fêterons la magie de cette vie au Zebulon, à Los Angeles.

Installation avec les techniciens du lieu, l’après-midi. Plus tard, après les concerts, nous irions boire un verre avec la sœur d’une de mes meilleures amies, que je n’avais pas vue depuis trois ans et qui vit ici depuis dix ans, et avec un de ses amis.

Californie 4

Devant quoi posons-nous ?

Devant une gated wilderness – l’expression est de moi, composée du terme gated communities, qui désigne les enclaves résidentielles pour riches, et du terme officiel d’ici pour désigner les parcs naturels sous clé, urban wilderness, un concept que je ne connaissais pas encore et qui semble très californien : ces collines, habitat de nombreuses espèces, parmi lesquelles les ours et les ratons laveurs, sont accessibles au public humain jusqu’à 22h, après quoi les grilles sont fermées.

On n’a pas le droit d’y apporter son arme à feu – comme à l’aéroport, ce dont nous nous sommes beaucoup amusées : comment est-on censé protéger sa famille dans l’avion ? Une conductrice de taxi hippie venait de nous dire que le monde ne tournait pas rond et que désormais on n’avait plus le droit, dans certains états, de tirer sur les intrus sur son propre terrain (elle a employé le mot murder, tranquille) ; ce qui, a-t-elle précisé pour nous rassurer, ne l’empêche pas d’aimer son pays et Dieu. Ouf…

Mais une fois qu’on a franchi la grille, si l’on fait abstraction des hélicoptères omniprésents, on est bien, dans la gated wilderness.

Et si nous n’avons pas eu la chance de croiser des animaux sauvages, certains restes de boue scellent notre cohabitation derrière les grilles de la civilisation.

Nous avons discuté avec diverses personnes qui attestent la présence fréquente d’ours dans leur jardin dans ce quartier que nous avons choisi mais je n’y ai même pas vu l’ombre d’un raton laveur, sinon ces traces de pas.

Sortons de la gw, revenons à la végétation urbaine ordinaire, dont voici un très modeste échantillon, car les rues ici sont luxuriantes. Le jardin typique comporte au moins des palmiers et des orangers ou des citronniers.

Pas de chaussures, non, du moins pas par paires, mais des chaussettes – c’est mieux que rien.

Et parfois quelques extravagances.

Et maintenant, nous sommes à San Francisco, c’est parti pour de nouvelles aventures. Ce soir, on travaille : Permanent Draft poursuit sa tournée internationale.