Le politiquement correct s’applique aussi aux animaux, comme je viens de l’apprendre en lisant le livre Sangliers, Géographies d’un animal politique, enfin paru – je l’attendais depuis des semaines. Il n’est pas facile à lire pour moi, il parle (forcément) de chasse à chaque page. Je fuis ça autant que les scènes de violence au cinéma.
Les auteurs font allusion à une loi chargée de « requalifier sémantiquement [les animaux sauvages] en 2016 » ; je suis allée la chercher, la voici. (C’est moi qui souligne.)
« LOI n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages
Article 157
I.-Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° A l’intitulé du chapitre VII et à l’intitulé de la sous-section 4 de la section 1 du chapitre VIII du titre II du livre IV, le mot : « nuisibles » est remplacé par les mots : « d’espèces non domestiques » ;
2° Au 4° de l’article L. 331-10, à la fin de la première phrase de l’article L. 423-16, à l’article L. 424-15, au premier alinéa de l’article L. 428-14 et à la fin du 1° de l’article L. 428-15, le mot : « nuisibles » est remplacé par les mots : « d’espèces non domestiques » ;
3° A la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 422-2, au deuxième alinéa de l’article L. 422-15, à la fin de la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 424-10 et aux articles L. 427-8-1 et L. 427-10, le mot : « nuisibles » est remplacé par les mots : « susceptibles d’occasionner des dégâts »* ;
4° L’article L. 427-6 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est remplacé par neuf alinéas ainsi rédigés :
« Sans préjudice du 9° de l’article L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales, chaque fois qu’il est nécessaire, sur l’ordre du représentant de l’État dans le département, après avis du directeur départemental de l’agriculture et de la forêt et du président de la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs, des opérations de destruction de spécimens d’espèces non domestiques sont effectuées pour l’un au moins des motifs suivants :
« 1° Dans l’intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages** et de la conservation des habitats naturels ;
« 2° Pour prévenir les dommages importants, notamment aux cultures, à l’élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d’autres formes de propriétés ;
« 3° Dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ;
« 4° Pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique ;
« 5° Pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement.
« Ces opérations de destruction peuvent consister en des chasses, des battues générales ou particulières et des opérations de piégeage.
« Elles peuvent porter sur des animaux d’espèces soumises à plan de chasse en application de l’article L. 425-6. Elles peuvent également être organisées sur les terrains mentionnés au 5° de l’article L. 422-10.
« Ces opérations de destruction ne peuvent porter sur des animaux d’espèces mentionnées à l’article L. 411-1. » ;
b) A la première phrase du second alinéa, la référence : « premier alinéa » est remplacée par la référence : « présent article » ;
5° A l’article L. 427-8, les mots : « malfaisants ou nuisibles » sont remplacés par les mots : « susceptibles d’occasionner des dégâts » ;
6° A l’article L. 427-11, les mots : « malfaisants ou nuisibles » sont remplacés par les mots : « d’espèces non domestiques ».
II.-Le 9° de l’article L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« 9° De prendre, à défaut des propriétaires ou des détenteurs du droit de chasse, à ce dûment invités, toutes les mesures nécessaires à la destruction des animaux d’espèces non domestiques*** pour l’un au moins des motifs mentionnés aux 1° à 5° de l’article L. 427-6 du code de l’environnement et de requérir, dans les conditions fixées à l’article L. 427-5 du même code, les habitants avec armes et chiens propres à la chasse de ces animaux, à l’effet de détruire ces derniers, de surveiller et d’assurer l’exécution de ces mesures, qui peuvent inclure le piégeage de ces animaux, et d’en dresser procès-verbal ; ».
III.-A la fin du 1° de l’article 706-3 du code de procédure pénale et au premier alinéa, à la fin du 1° et à la fin du b de l’article L. 421-8 du code des assurances, le mot : « nuisibles » est remplacé par les mots : « susceptibles d’occasionner des dégâts ». »
On en rirait si, au-delà de l’aspect sémantique d’une hypocrisie grotesque, elle n’appelait à des actes barbares tels que chasse, battues et piégeage.
Notes :
* autrement dit, non domestiques = susceptibles de causer des dégâts
** autrement dit, non domestiques ≠ sauvages ; question : qu’est-ce que sauvage ?
*** autrement dit, aucune forme de cruauté n’est écartée dans le cadre de cette « destruction » menée « pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages »
(Je reprends ici les images déjà utilisées en février dans mon billet Des dominés.)