Lecture des ordures : leçon numéro 1

Il y a un an, je découvrais le terril 103 d’Avion, un terril déguisé en talus que j’ai d’abord appelé le terril surprise. Magique ! me disais-je.

J’ai commencé à l’appeler le terril du psychopathe après y avoir fait une découverte assez terrifiante. Je la décrivais dans mon journal de confinement, dont voici un extrait, pour ceux qui nous rejoignent :

« Le détritus du jour

est très flippant, particulièrement dans son contexte : il s’agit d’un dispositif en granit noir qui évoque fortement la pierre tombale et dont il a dû être très difficile de hisser les divers éléments jusqu’au sommet de mon terril secret, l’endroit étant haut d’une cinquantaine de mètres et inaccessible aux véhicules motorisés.

Dans le bois en contrebas, nous avons trouvé un chemin sans issue, coincé entre une paroi rocheuse et un taillis épais, au fond duquel est installée une espèce d’habitation pour film d’horreur, à moins que ce ne soit un atelier sauvage (mais un atelier de quoi ?) avec des outils et toutes sortes de matériaux sales entassés de manière anarchique – bois déchiqueté, brique broyée, ardoise, tôle, etc. Nous avons battu en retraite aussi vite que nous l’avons pu et la seule photo que j’ai prise de l’endroit est floue parce que je tremblais.

(Ça se passe quelque part là-dedans.)

Ce soir, avant de nous endormir, nous nous remémorons ce que nous avons vu et perçu là-bas, et la terreur nous gagne. M. m’interdit d’employer l’expression « paroi rocheuse », pourtant je ne mentionne pas la mousse qui couvrait les pierres

et ne décris pas mon effroi quand j’ai compris que je ne me trouvais pas dans les ruines d’une gentille cabane mais dans un potentiel guet-apens, une impasse naturelle avec plein de trucs contre-nature dedans, tels qu’un marteau et un seau sur lequel séchait un truc pourpre. Je prie en revanche M. de bannir l’expression « chasse à l’homme » et d’arrêter l’inventaire de tout ce qui pourrait se trouver sous la bâche et dans le sac poubelle au fond à droite.

(C’est là, quelque part. On ne voit pas les dénivelés depuis le satellite, mais sous les arbres il y a une paroi rocheuse pleine de mousse.)

Je revois les différents aspects du site et frémis d’y avoir couru plusieurs fois avec insouciance, et d’y avoir amené M. – qui, m’assure-t-elle maintenant, n’a cessé de regarder derrière nous, tout le temps que nous nous y sommes promenées tout à l’heure, tant l’endroit lui donnait une sale impression. »

Fin de l’extrait. Je n’ai jamais montré ici, à l’époque, à quoi ressemblait l’antre du psycho. Le voici, en exclusivité pour vous. Vous approchiez, ça ressemblait à ça

Vous approchiez encore et vous étiez face à cette vision glaçante – et encore, pour ne pouvez pas agrandir pour voir les détails mais je vous prie de croire qu’il y avait de quoi faire des cauchemars :

Quand nous sommes revenues, quelques jours plus tard, les outils avaient disparu. Cependant, l’impression malsaine que le lieu nous avait inspirée ne s’est jamais dissipée.

MAIS

Aujourd’hui, j’ai grandi, évolué avec mon temps, et je pense que ce site nous offre un support idéal pour modifier notre regard sur le monde contemporain : puisqu’il nous faut désormais vivre au milieu des détritus (masques, canettes, papiers gras, etc.), autant apprendre à les considérer comme des détails du paysage à part entière et à leur trouver une certaine beauté. Voici, pour nous y exercer, une sélection de détritus qui agrémentent (oui : on ne dit plus dégradent, entendons-nous bien) le terril 103 dit du psychopathe.

Alors ? Quels sont vos préférés ?

Mes processus réversibles

Il y avait autrefois sur ce blog une rubrique qui s’appelait processus réversibles et qui documentait une pratique poétique en mouvement. Il s’agissait de poèmes que je scotchais dans l’espace public ; je désignais certains d’entre eux comme des prières et les laissais donc le plus souvent à proximité d’un symbole religieux. Je photographiais le poème scotché au mobilier urbain et, d’autre part, les coulisses du processus réversible, à savoir le rouleau de scotch in situ. Le nom de « processus réversible » vient tout simplement du premier poème (ces happenings étant biodégradables, j’ai conservé le terme pour la série entière), qui date de janvier 2018 :

Tout ceci se faisait en courant – c’était l’époque où je courais avec appareil photo, papier, stylos, craies, scotch, ciseaux et parfois accessoires – on le verra plus bas. Cette série était parallèle à celle des patenôtres, prières en short dont vous pouvez encore voir les traces sur la page Ma pomme de ce blog.

Quelques-uns de mes processus réversibles favoris :

et son binôme, que j’aime beaucoup (ces deux photos ont été prises dans mon arrière-monde ronchinois préféré)

mes photos de making-of préférées :

Tout à l’heure, en tombant sur le dossier dans lequel je consigne les traces photo (souvent très moches, j’en conviens) de cette lubie qui m’a tenue quelques semaines en 2018, je me suis dit que c’était vraiment un chouette concept et que je le reprendrais bien. Oh oui, tiens, je vais faire ça. Je vous en donne des nouvelles très bientôt.

Mon premier texte

Ma grand-mère Denise me l’a donné alors que j’avais déjà publié un certain nombre de livres. Je l’ai cherché tout à l’heure pour clore un chapitre de mon requiem. Il m’amuse de penser que je suis toujours cette petite fille, qui aime les gentils animaux et les accents circonflexes.

Transcription : d’aborre on fête la soiré pare des chansson et de la music est de tré belle isstoirre an volonté c’est t’une vrai fête de janti come au parady il y a même des oiseau est des joli papillon des biche tout des janti animeau comesa c’est ma méiure fête que j’ai vi un rêsstoran des jeu de toute sorte d’afêre

Faits divers

Parfois il se passe des choses terribles dans les villes de mes lubies. Outre l’antre du psychopathe que j’ai trouvé sur un terril d’Avion le 14 avril et dont je parle ici, des repérages en vue immersive peuvent amener à des découvertes assez terrifiantes :

Et ça se passe rue de la Bastille.

Aviaire (3)

Aujourd’hui, sur l’insistance de Carrie, je consacre une série de photos à mes amies les oies, qui vivent des heures très sombres sous la menace de H5N8. Je l’ai prévenue qu’il n’y aurait pas qu’elle dans cette série mais à ma surprise, elle ne s’en est pas offusquée : il faut de l’ombre pour qu’on apprécie la lumière, m’a-t-elle dit. Voici donc, dans un premier temps, des oies de Faches-Thumesnil, Ploegsteert et Rotterdam.

– C’est bon, maintenant, dit Carrie : fiat lux ! Le truc vraiment crétin, c’est que tu aies mis en ligne hier ta meilleure photo de moi. Celle où je danse.
– Je pensais que ça te ferait plaisir.
– Essaie de ne pas trop penser, à l’avenir : pose-moi les questions. Montre-moi sous mon meilleur jour, tiens, avec Ricah.
– Ok.
J’essaie de ne pas trop la contrarier. La voici donc avec son indéfectible amie Ricah, nageant innocemment sur son étang.

Ce genre de scène ne dure jamais très longtemps. Si Carrie est extrêmement patiente avec les pêcheurs, promeneurs, chiens et enfants, elle ne supporte pas que je m’attarde trop à la contempler : très vite, elle fonce sur moi, qu’elle soit sur l’eau ou dans l’herbe, en poussant des cris perçants.

Ça réjouissait beaucoup mon amour jusqu’au jour où, comme on le devine ci-dessous, Carrie a commencé à lui infliger le même traitement qu’à moi. On a vu alors mon amour battre son record de vitesse à vélo – elle devait son précédent record à un petit chien qui l’avait poursuivie en pleine campagne, près d’Estevelle, il faisait chaud ce jour-là et je roulais indolemment quand elle m’a dépassée à une vitesse que je ne lui avais jamais connue, et ce petit chien pas plus grand que mon pied bondissait derrière elle.

Carrie vient de me reprendre : « On n’est pas là pour parler de cette insolente », me dit-elle (elle trouve que mon amour ne lui témoigne pas assez de déférence). « Je veux une photo en noir et blanc, moi aussi, un truc qui me magnifie ». Voici :

Carrie est charismatique, une véritable meneuse ; elle ne comprend pas que je ne l’aie pas encore précisé ici, et à vrai dire moi non plus. Nous l’avons constaté : quand Carrie traverse le parc, c’est bien souvent flanquée de Ricah mais aussi de tout ce que l’étang compte de canards, poules d’eau et foulques. C’est une parade joyeusement cacophonique et s’il se trouve des humains dans les parages, ils s’arrêtent pour les regarder passer en riant avec admiration. Je ne dispose pas de photos qui en atteste mais je me rattraperai prochainement. « Tu n’as qu’à mettre une mini série de moi », me dit-elle à présent.

« Et profite de ta réclusion pour fabriquer un char à mon effigie comme celui d’Hergnies ». Eh bien, il ne me reste qu’à me mettre au travail…

Aviaire (2)

Les cygnes sont sujets à la grippe H5N8 (même si Homo Sapiens n’en parle pas parce qu’il ne les mange pas et ne les élève pas en batterie), aussi je poursuis mon hommage par une série qui leur est consacrée. Je n’ai pas hâte de me lancer dans ma série sur les oies parce que Carrie est de tempérament jaloux (et quelque peu narcissique), or je compte (contre son avis) ne pas choisir que des photos d’elle et de sa petite racaille chérie de Ricah. J’y viendrai pourtant très bientôt. Pour l’instant, donc, voici des cygnes

célibataires

en couple

en famille (les photos, prises alors que je courais, donc avec mon téléphone et des doigts moites guère assurés, sont de très mauvaise qualité)

gonflable (celui-ci vit à Londres)

et hippies, dans la célèbre communauté de l’étang du Brochet à Noyelles-sous-Lens.

Aviaire (1)

Alors que la grippe aviaire frappe de nouveau mes amis à plumes, « La filière du foie gras ne cache pas son inquiétude », pour citer Le Monde – qu’elle coule et ne se relève jamais, qu’elle s’auto-gave à en exploser. Je ne m’inquiète pas pour cette lucrative barbarie made in France mais pour les innocents exposés au virus dans leurs canaux, leurs rivières, leurs étangs. Moi qui assistais avec une joie chaque fois renouvelée au passage si musical d’oies sauvages dans le ciel d’ici, je ne pourrai plus les regarder sans mélancolie. J’ai décidé de rendre hommage à mes amis en danger par de modestes séries. Pour commencer, quelques-unes de mes meilleures photos de cannes, canetons et canards so far.

en familleen voldont mini série 1dans l’eaudont mini série 2 et un canard de Rotterdam