le salon le plus court

– Votre table, c’est celle-ci, me dit le monsieur de la médiathèque : celle qui est vide.
Je regarde la grande table ; sur sa belle nappe rouge, il n’y a en effet qu’une assiette en carton pleine de bonbons et ma photo sur un présentoir – je pense vaguement que je serai redondante quand j’irai m’asseoir derrière.
– D’accord, je dis. Mais pourquoi est-elle vide ?
– Vous n’avez pas apporté vos livres ?
– Euh, non, d’habitude c’est la librairie associée qui s’en charge.
– Ah. Nous, ça nous semblait évident que vous alliez les apporter.
– L’idée ne m’aurait pas traversé l’esprit, je n’apporte jamais mes livres moi-même. Je n’ai pas de stock, de toute façon, je ne suis pas éditrice, ni libraire.
– Tous les autres auteurs ont apporté leurs livres.
Ce qui est indubitable et me laisse perplexe. J’ai failli annuler ma venue parce que je me sens surmenée mais j’ai pensé aux libraires qui (je n’en ai pas douté un instant) avaient pris la peine de commander mes livres et je me suis dit Allez, c’est ton dernier gros effort de l’année, sois correcte, sois professionnelle et attentionnée envers tes hôte.sse.s + les libraires. Et donc je suis là, bras ballants, et je regarde les auteurs qui ont apporté leurs livres. Je répète que ça ne m’est jamais arrivé puis je quitte le salon et je reprends la route sur mon vélo – qui aura été un très gentil vélo et n’aura pas crevé une seule fois en quelque 70 km, c’est déjà ça. Je ne prends pas de photos sur le chemin du retour parce qu’il pleuvine mais j’en ai pris à l’aller, en voici quelques-unes.

La nouvelle passerelle d’Harnes.

Les coulisses de la Z.I. d’Hénin-Dourges vues depuis le chemin de halage récemment rouvert, en face de la plateforme multimodale.

Nouveau ! Sur une passerelle branlante de Noyelles-Godault, on peut désormais mal s’asseoir pour contempler le bras mort du canal, long rectangle d’eau stagnante entre des hauts murs de béton, étrangement apprécié des hérons.

Cette passerelle sur le bras mort est sise à proximité de la coopérative agricole à l’abandon qui jouxte le pont ferroviaire entre les gares de Dourges et d’Hénin-Beaumont.

Dans le registre abandonné, cette maison de Courcelles-lès-Lens m’a semblé un peu mélancolique et ce n’est pas parce que je l’étais, je ne l’étais pas, on peut être surmenée mais joyeuse, et ce n’est pas parce que j’écoutais de la musique mélancolique : je n’ai pas écouté de musique du tout sur la route aujourd’hui, seulement le vent et les oiseaux d’eau, et je n’ai même pas chanté. J’ai eu la force de pédaler 70 km mais pas d’écouter de la musique. (En rentrant, cependant, j’ai écouté le nouvel album de Félicia Atkinson, il est magnifique et surprenant, je crois que c’est mon préféré d’elle.)

Il y a des années, peut-être dix ans, j’ai écrit un poème qui évoquait le château d’eau bilboquet bleu de Douai, que j’avais découvert depuis le train Lille-Arras. Je n’irai pas jusqu’à dire qu’il n’a pas changé ; il a quelque peu décliné – mais ça lui va très bien, je trouve.

Et à Sin-le-Noble, j’ai appris que l’art de rond-point pouvait encore me surprendre : une 2CV sortant d’une coquille d’œuf, il fallait y penser.