En vie avec divisions

Vous les voyez ? Il y a deux îles ; à gauche, sur le canal d’Aire, une île sans nom ; à droite, à la confluence du canal d’Aire et de la Deûle, la minuscule île aux Saules.

Ces îles sont traversées par une double frontière invisible : sur l’île sans nom, au nord de la ligne, vous êtes à La Bassée dans le Nord et, au sud, vous êtes à Douvrin dans le Pas-de-Calais. Sur l’île aux Saules, à l’est de la ligne, vous êtes à Bauvin dans le Nord et, à l’ouest, vous êtes à Billy-Berclau dans le Pas-de-Calais.

C’est quelque part entre ces deux îles que je voulais aller aujourd’hui, je l’ai su dès le réveil – c’est là que j’irais me sentir en vie. Je voulais rouler sur le chemin de halage au long du canal d’Aire et, là,

entre Douvrin et Billy-Berclau, écouter Surrounds, Surrounds Me de Jessica Sligter.

Quelle splendeur & merveille que cette chanson. Je l’avais dans la tête au réveil, elle aussi, et j’ai décidé de me rendre sur ce chemin de halage parce que, deux semaines plus tôt, j’avais vécu en l’écoutant là un prodigieux moment de grâce. Mais pour ne pas aller grossièrement droit au but, je suis passée sur la première île, où le chemin est si étroit que parfois il ressemble à une absence de chemin (et il y a plein d’orties, c’est vivifiant et tant mieux puisque le but de la promenade est de se rappeler qu’on est en vie et que c’est bien).

On voit ce drôle de pont qui mène à la coopérative agricole sise à La Bassée + Salomé en même temps car elle aussi est divisée, il faut croire que c’est le thème de la journée. La division.

On quitte l’île comme on peut (orties, orties) et on rejoint la bonne rive du canal, hop.

Après l’apogée cinématographique de Surrounds, Surrounds Me, je suis allée voir le pont sur rien qui domine l’île aux Saules (mio).

Il ne sert à rien du tout, il est juste posé là, j’aime bien :

Je me suis postée à la pointe ouest du triangle, où des panneaux géants guident les péniches, Béthune à droite, Douai à gauche – division encore et toujours.

Puis j’ai quitté l’île, quitté le chemin de halage pour m’enfoncer dans les marais dits du Flot de Wingles, où j’ai rencontré des vaches très sympathiques,

j’ai roulé sur une bande de terre battue qui sépare un bayou d’un ruisseau (vous le voyez, le bayou ? ces arbres poussent dans l’eau croupie, couverte de lenticules)

et après ce crochet, j’ai regagné le chemin de halage, au long duquel bourdonnaient des prairies qui avaient l’air organisées : les coquelicots ici, la vipérine là, etc.

J’ai fait un détour par Harnes pour rentrer par mon spot du dimanche et, en chemin, j’ai apprécié ce paysage mixte (divisé, pourrait-on presque dire).

Sur mon site du dimanche, il y avait encore plus de coronille bigarrée que de vipérine, rendez-vous compte. Et des lapins, des faisans, des lézards, bien sûr.

C’était un dimanche en vie malgré ses divisions.