Eupen

Ce week-end à Eupen, près de Liège, il y avait le festival Meakusma. Ma chérie a fait danser une foule très dense, dont Delphine Dora et moi au premier rang. Nous avons retrouvé des ami.e.s et assisté à de très chouettes concerts, notamment ceux de Delphine et du duo Lilly Joel, sur l’orgue de l’église. Audrey Chen et James K (qui est une femme) étaient chouettes aussi. Et puis il y avait la forêt, le barrage et le lac ; je suis très fière de mon élève Valentina (puisque, je le rappelle, je suis son coach sportif) qui a marché jusque là sans jamais se plaindre. La première photo ci-dessous est d’elle (bien plus réussie que les miennes). Donc voici le barrage, construit en 1950, très classe.

Ses poubelles colorées doivent plutôt dater des années 70.

De l’autre côté, le lac où j’espérais me baigner n’était pas très engageant, d’ailleurs aucun oiseau d’eau ne semble y vivre – tristesse… Je l’ai quand même trouvé très beau.

Les ascenseurs du barrage ressemblent à ça.

Mais nous, nous avons pris l’escalier, nous sommes passées devant une guérite,

un panneau très élégant,

et nous avons vu l’envers du décor.

Comme sur les terrils, il y a des escaliers dont on se demande quelle est la fonction au juste et, bien sûr, ce sont mes préférés. Ici, mon trésor se repose une minute sur une marche gratuite au pied de l’imposant ouvrage.

Là, nous quittons la forêt pour regagner la civilisation belge,

ses cygnes

et ses Jésus (beaucoup de Jésus) abrités sous des petits toits (certains sont juste des triangles en alu comme sur les boîtes aux lettres mais j’ai choisi de vous en montrer un plus euh, flamand).

Ravalement de Kitchen

Ce matin, alors que je courais avec une triple dose de Nisennenmondai en intra-auriculaire pour me remettre d’un traumatisme tout frais (j’ai brièvement cru que la jeune athlète n’était plus – je remercie Aline, Claire et Allison d’avoir dissipé ce malentendu), j’ai eu l’illumination qui pourrait résoudre la crise nationale majeure qu’est la perte de Notre fucking Dame. Prenons modèle sur Avion (62), qui a traversé la même épreuve il y a près de cinquante ans !

Ramassons quelques débris calcinés pour les confier à un artiste qui saura en tirer une croix de ce genre :

Les restes de ND ? N’allons pas flamber notre quinzaine pour un tas de vieilles pierres pas très laïques, déblayons plutôt les gravats et faisons construire une très grande piscine découverte pour les étés torrides du réchauffement climatique, ou alors une maison de la citoyenneté, comme celle de Sallaumines :

UR&K : un état des lieux

« L’église Saint-Servais est un édifice religieux catholique de style néogothique sis chaussée de Haecht, à Schaerbeek, commune septentrionale de la ville de Bruxelles (Belgique) », nous dit Wikipedia. Pour avoir récemment croisé son chemin, je vois surtout en elle une église de style égocentrique, à savoir en T-shirt d’elle-même, comme vous pouvez le vérifier sur la photo ci-dessous.

Elle me semble aussi une belle métaphore de notre rubrique Upper rooms & kitchens – qui, comme vous le savez, est en réfection, en réflexion sur son devenir, sur son sens dans le monde qui est le nôtre, amen. Je m’acheminais vers l’idée de remettre en ligne l’essentiel des UR&K passés, après tri et retouches, et d’enchaîner avec la formule (évoquée précédemment) d’un hebdo généraliste teinté d’eau bénite, quand je me suis rendu compte que la corbeille de ce blog avait été vidée ; je pensais que c’était un espace d’archivage comme une autre mais non. Il va donc falloir que je revoie mes plans.

Londres

Existentiel

Si j’en crois l’encyclopédie en ligne selon laquelle je serais salariée en tant qu’auteur par la mairie de Faches-Thumesnil et critique de musique pop, Londres aurait une superficie de 1 572 km2 (5 590 hab./km2), soit presque le double de Berlin, qui m’est toujours apparu comme un pays à part entière avec ses 891,7 km2 (4 163 hab./km2) et ses contrastes fous. J’ai pas mal écumé le nord-est de Londres avec mon appareil photo et mon sac à dos, ce week-end, sous le même soleil de plomb que lors de mes précédents séjours. Mes pieds ont l’air de petits animaux écrasés sur un bas-côté de nationale. Si Brooklyn, les premiers jours de ma mission Stendhal (en octobre dernier), m’a beaucoup rappelé Londres, Londres allait forcément beaucoup me rappeler Brooklyn (voire quelques rues de Manhattan, par endroits) et tout ce que j’y ai vécu.

(Tout comme certaines villes de Belgique et du bassin minier, Londres se prend d’ailleurs un peu pour New York, parfois – c’est finalement plus étonnant de la part d’une capitale.)

Vendredi, mes neurones avaient l’air d’insectes écrasés sur un pare-brise mais je n’ai pas pleuré. Je me suis dit que j’étais venue pour ça : pour affronter, rejouer en quelque sorte ce moment de basculement qu’a été New York dans ma vie.

Par chance, le festival Wysing Polyphonic à Bourn (près de Cambridge), l’incroyable générosité de Mutamassik, puis les retrouvailles avec mon amie Maïté, qui m’accueillait chez elle à Hackney, m’ont tirée de ce vertige psychologique et je suis aujourd’hui en mesure de vous proposer un très modeste National Geo. Finalement, j’ai aussi beaucoup ri, à Londres, avec mes amis et leurs amis mais aussi toute seule, au gré de mes déambulations. Ça, par exemple, c’est le genre de bêtise que je pourrais faire. On se sent moins seul quand on croise des preuves que d’autres partagent ce type d’humour quelque peu gouniche.

Romantique

Mais qu’est-ce que c’est ? vous interrogez-vous. Non, ce n’est pas un mal assis, là (un peu de patience, il viendra) mais un dialogue romantique, au bord de la rivière Lee Navigation ; à quelques pas de là, sous un très large pont qui la surplombe et sur lequel passe Eastway, l’on trouve d’immenses ateliers d’artistes – non pas vraiment à ciel ouvert, donc, mais véritablement sous les ponts.

Voici, en bande dessinée, le détail de ce dialogue romantique :

Enclavé

Encore un voyage sans musée ni monument – j’estime que l’essence d’une ville se trouve précisément en dehors des chemins balisés pour les touristes et les consommateurs, y compris les consommateurs culturels. C’est du moins mon parti-pris, en temps que rédactrice en chef et rédactrice tout court de nos National Geo ; je ne vous force pas à y adhérer, ni à lire ce petit paragraphe sur les enclaves de Londres, du moins de ses quartiers nord-est puisque je n’ai pas eu le temps d’explorer le reste (ce sera, je l’espère, l’objet de NG futurs). Des lotissements labyrinthiques, ce n’est pas ce qui manque dans la métropole lilloise, mais vous vous débrouillez pour trouver la sortie (ce qui peut vous prendre quelques heures, prévoyez une gourde et une barre énergétique), tandis qu’ici, de nombreux plans vous y aident, si toutefois il vous reste une notion des points cardinaux après le troisième coin de rue. Ils s’appellent estates, courts ou closes et s’articulent autour de quelques commodités, commerces et/ou centres médicaux (certains évoquent plutôt le béguinage – pas la communauté religieuse mais une forme d’habitat groupé pavillonnaire, de plain-pied, destiné à ce que l’on appelle aujourd’hui des séniors, système très répandu dans le nord de la France, en Belgique et en Hollande).

L’on trouve aussi, à Londres comme à Villeneuve-d’Ascq, de nombreuses enclaves en habitat collectif, comme cet ensemble dit St Paul’s Crescent, labyrinthe à la fois horizontal et vertical, avec des escaliers menant à des niveaux et demi-niveaux insoupçonnés quelques mètres avant leur abord immédiat.

Géométrique

Ce que j’aime dans les très grandes villes, c’est me laisser happer par des perspectives inattendues, par des enchevêtrements de lignes et de formes. Les bâtiments les plus familiers (comme celui de Norman Foster sur l’image ci-dessous) apparaissent nouveaux sous des angles où on les découvre inopinément, en tournant la tête – à supposer que l’on ne connaisse pas la ville dans ses moindres recoins. Ils prennent alors un aspect qu’on ne leur connaissait pas, du simple fait qu’ils s’inscrivent dans un contexte différent, au cœur de contrastes que l’on n’avait pas encore aperçus – car un bâtiment n’existe pas indépendamment de son environnement. Le socle des plus imposants immeubles semble se dérober indéfiniment, comme le pied de l’arc-en-ciel, jusqu’à ce qu’on y parvienne et qu’il ne soit plus possible de saisir une image complète de l’édifice. Ce que j’aime dans les très grandes villes, c’est qu’on ne peut pas les embrasser dans un regard – c’est la frustration de ne pouvoir saisir (ni être) les courbes, les angles, le mouvement, la pesanteur et la grâce. C’est de me sentir infinitésimale.

Graphique

Je n’avais d’autre objectif, le dernier jour de mon séjour à Londres, que de rejoindre la gare St Pancras depuis la maison de mes amis à Hackney. J’avais sept ou huit heures pour ça : beaucoup trop, estimerez-vous, mais c’est compter sans le hasard des rencontres, qui détournent le marcheur curieux du droit chemin, l’incitent à d’incessantes digressions pédestres. Londres est une de ces villes riches en street art dont on épluche les murs comme des catalogues d’exposition.

L’on y trouve des inscriptions de tous ordres – politiques, poétiques (« La pluie, tes yeux », en français) ou plutôt amusantes, comme celle-ci :

La soucoupe volante de type War of the worlds est omniprésente, dans des styles graphiques variés. Ici, un détail d’une fresque de très mauvais augure.

Les alentours de Hertford Union Canal semblent particulièrement affectés par cette vision apocalyptique du monde.

Quant à Shoreditch, il tourne volontiers le consumérisme en dérision.

Camden, c’est plus gentil.

Quoique Shoreditch aussi puisse l’être :

Brick Lane regorge de collages multi-strates assez inextricables. L’œil s’y promène longuement, se réjouit de trouvailles, d’annonces improbables (« Baby eating competition », annonce par exemple une affiche très austère, et en sous-titre : « Enter your greedy little pig into the 2018 Baby Eating Competition »). Vue d’ensemble d’un de ces nombres murs.

Détail d’un autre mur.

Et pour finir, un minuscule aperçu de ces ateliers d’artistes situés sous Eastway, au bord de River Lee Navigation, dont je vous parlais dans Londres (2) romantique.

Exactement vide

Londres est une très grande ville dans laquelle on peut éprouver le vide exact, quand le soleil joue au cricket avec les crânes dans les rues muettes, ton sur ton, brique sur brique. C’est le dernier souffle de l’été. Il s’éteint à six heures du soir et l’on se pelotonne alors sur l’herbe sèche et l’on se serre dans ses propres bras.

L’on y trouve également de beaux arrière-mondes mais c’est, contre toute apparence, un autre sujet. Dans ce genre-là, par exemple :

Pieux / Upper rooms & kitchens

Quand je vous dis que Londres et Brooklyn ont bien des points communs, je ne parle pas que des maisons (victoriennes ou géorgiennes à Londres, brownstones à New York, avec leurs escaliers fleuris et leurs grilles de fer forgé). Londres aussi est truffée de lieux de culte (églises méthodistes, adventistes du septième jour, pentecôtistes, évangéliques, désacralisées, en travaux, etc.) coincés entre deux maisons, perchés sur des agences de voyage ou cachés au fond de cours pouilleuses. J’ai abusé de votre patience, le 15 octobre dernier, lorsque j’ai posté 67 photos en un seul Upper rooms & kitchens from Brooklyn ; j’ai décidé d’être plus raisonnable dans ce numéro spécial consacré à Londres. Vous aurez donc droit aujourd’hui à 43 lieux de culte glanés en deux jours de marche dans le nord-est de Londres. J’ai tâché de varier les angles pour ne pas vous lasser, païens que vous êtes. Pourquoi 43 ? Parce que c’est le nombre premier qui dans trois jours ne sera plus mon âge ; une manière de dire à cet âge, Bisous bisous, merci pour tout (mais aussi, bien sûr, merci à Jésus, à sa famille et à ses amis, qui euh – pour leur, enfin, vous voyez ? Non ? Bon, tant pis, merci quand même à eux puisque c’est dimanche).

Rotterdam

La ville mérite bien sa réputation de « petite New York de l’Europe » ; on y trouve aussi un peu de Londres, dans les quartiers résidentiels, une pincée de Berlin – elle offre notamment la même respiration – et beaucoup de Rotterdam. Il serait impossible de reconstituer en photos l’inouïe diversité de la ville et de proposer un inventaire de ses bâtiments les plus remarquables, ce qui nécessiterait par ailleurs de les resituer dans les nombreuses et vertigineuses perspectives qui les magnifient chacune à sa manière. Bref, je vais m’en tenir à mes rubriques habituelles, c’est plus humble et plus prudent. C’est pourquoi je commence par une déclaration d’amour à la ville en vous proposant une sélection des

zéphyrs embrasés

que j’y ai surpris au détour d’un quai, d’un jardin aérien ou d’une rue.

De Rotterdam

Dessiné par Rem Koolhaas, l’immeuble ne serait pas une splendeur nonpareille sans tout ce verre – qu’il faut bien nettoyer, évidemment. Un zoom sur la situation là-haut.

Des reflets ou pas

Grand Jeu Concours ! Trois des photos ci-dessous ne sont pas des photos de reflets. Devinez lesquelles et gagnez quelque chose plus tard. Disons 30 g de canneberges bio, quand je serai allée en acheter (plutôt la semaine prochaine – je sais, ça obligera le pigeon gagnant à faire deux aller-retour : si ça vous ennuie, ne jouez tout simplement pas).

Rideaux et Voilages

Rideaux et Voilages de péniche

Rideaux et Voilages de roulotte sur les toits

Moins sobre, ce trompe-l’œil imitant à la perfection les Rideaux et Voilages qui font peur + (n’est-ce pas extraordinaire ?) des reflets de voitures, trompe-l’œil astucieusement collé sur la fenêtre d’une maison promise à la démolition (oui, collé : il s’agit en effet d’un sticker géant en six parties)

Véritables Rideaux et Voilages faits de bâches sur ce bâtiment en construction dont les fenêtres de style industriel entrent en harmonie avec celles du Fenix Food Factory tout proche

Le métro fantôme

Bien sûr, il me fallait m’aventurer sur les sites à l’abandon que recèle encore (plus pour longtemps) la ville de Rotterdam, si possible une voie ferrée, comme le veut mae tradition. Parcourant le site de Luchtsingel, j’ai été littéralement appelée par un tronçon de métro aérien abandonné, recouvert d’un revêtement caoutchouteux et très mal protégé des intrusions par une grille brinquebalante. Je l’ai donc longé sur 1,65 km, à savoir jusqu’à son extrémité. Moins spectaculaire que le métro fantôme de Charleroi, il m’a tout de même ravie.

Au début, il se présentait ainsi.

Il me permettait de découvrir un quartier d’en haut…

…et de regarder un peu chez les gens. Les quelques habitants qui m’ont surprise, quoique d’abord étonnés de me voir là, ne m’ont pas sermonnée, ni (a priori) dénoncée.

De loin en loin, je devinais d’anciennes stations.

Un atelier d’artiste(s ?) m’a offert une pause culturelle (un petit zoom sur cette exposition en plein air à mon seul bénéfice vous sera proposé ci-dessous dans l’inévitable rubrique consacrée à Rotterdam : L’art).

J’ai vite deviné qu’il me faudrait rebrousser chemin quand j’atteindrais le bout de cette voie plus très ferrée, et j’étais bien curieuse de savoir ce qui m’y attendrait. C’était l’autoroute, tout simplement. Et, entre la ville et elle, le Noorderkanaal. Qu’est-ce que cette chose à sa surface, vous demandez-vous ?

La réponse en un petit zoom (j’ai un zoom assez chouette sur mon nouvel appareil photo, vous l’aurez deviné).

Lost in Rotterdam

La rubrique des objets trouvés est assurément l’une des plus mal loties sur ce blog. Je trouve amusant de l’alimenter à l’occasion d’un reportage de fond sur Rotterdam, ville aux antipodes de l’arrière-monde dans la mesure où elle est d’une exquise propreté. Rien n’y traîne, ou presque – je me dois de signaler que dans les quartiers populaires, principalement ceux situés au sud de la Nouvelle Meuse, l’on trouve malgré tout quelques papiers gras et Caprisun ; je pense que les services de ramassage des ordures y sont moins zélés, mais ces territoires à l’écart des regards (touristiques) restent de très bonne tenue comparés à l’arrière-monde de la métropole lilloise, qui est en toutes choses notre étalon or, notre Fernsehturm, notre étoile du berger. Je vois également dans ce billet l’occasion inespérée d’exhiber un Mickey hollandais (désolée, il ne s’agit pas d’un Mickey maison, il ne faut pas trop en demander : pour tout dire, le kitsch non plus n’est pas de mise à Rotterdam, qui fait plutôt dans le bon goût – pour ne pas dire dans le raffinement – et la sobriété).

(Feuille fondue au revêtement d’étanchéité signalé dans la rubrique consacrée au métro fantôme.)

La divination

Je crois volontiers aux avertissements que m’adressent les murs et supports variés des villes – moi qui n’ajoute pas foi, en revanche, à la moléomancie (divination par les taches de naissance et les grains de beauté). Les murs ne m’ont pas fait défaut à Rotterdam, ils apportaient un écho intéressant et souvent très pertinent aux questions existentielles et ontologiques favorisées par mon errance.

(Académie Willem de Kooning ; nous devrions cette phrase à de Kooning himself – j’ignorais qu’il était né à Rotterdam, eh bien c’est le cas : il est né à Rotterdam.)

(Détail de Ode aan Marten Toonder*, monument situé sur le Blaak, près du Markthal.)

* Toonder était un cartoonist local, comme on le voit bien ci-dessous :

(Pas trop) mal assis, là

Je ne vais pas mentir : l’on s’assied plutôt bien à Rotterdam. Devant chaque maison, des sièges confortables, parfois des salons de jardin à part entière sur les trottoirs, cernés de plantes et tout particulièrement de roses trémières ; beaucoup de bancs avec tablette centrale, aussi ; très peu de plastique – nous sommes plus dans une tendance nature, bois, rotin. Dans les parcs, des bancs et tables de pique-nique comme neuves (accord de proximité, les gars), où le design ne fait pas mal aux fesses. Je pense avoir trouvé la ville du bien-asseoir, ou du moins l’une d’elles (l’on se rappellera que j’ai trouvé très peu de mal assis à Brooklyn). Cependant, que serait une série National Geo sans ses Mal assis, là ? Aussi ai-je photographié quelques sièges et configurations qui m’ont charmée.

Erasmusbrug

Le pont dessiné par Ben van Berkel et Caroline Bos se lève plusieurs fois par jour, non pour laisser passer des péniches, des barges ou des cargos mais des petits voiliers familiaux sur lesquels l’on se prélasse – cependant qu’au fil des minutes, derrière les barrières de sécurité, le nombre des piétons, cyclistes, automobiles et tramways en attente ne cesse d’augmenter. Nous reviendrons sur l’Erasmusbrug à l’occasion d’un incontournable exposé sur la géométrie.

Le vide exact

Quelques chiffres pouvant expliquer l’excellence de Rotterdam en matière de vide exact et illustrant également mon assertion selon laquelle la ville respire et nous laisse respirer – en comparaison avec Lille et sa métropole, qui sont notre phare, notre abécédaire, notre méridien de Greenwich (et l’étau qui aura notre peau).

Population de Rotterdam : 634 253 hab. / population de l’aire urbaine : 1 424 662 hab. / superficie : 319,35 km2 / densité : 1 986 hab./km2
Population de Lille : 232 741 hab. / population de l’aire urbaine : 1 182 127 hab. / superficie : 34,51 km2 / densité officielle : 6 744 hab./km²

(Où l’on comprend peut-être mieux que la vie à Lille m’évoque un métro parisien à l’heure de pointe : vous voyez que je n’en rajoute pas. Pour tout dire, le vide exact est devenu ma passion, je rêve qu’il n’ait jamais de fin.)

Piekstraat, à Feijenoord, où l’on ne croise aucun être humain.

World Port Center, tour Montevideo, tours Rotterdam et tour New Orleans, vus depuis Katendrecht, où j’ai croisé peu d’êtres humains.

Willemsbrug, vu depuis le Ons Parc, où j’ai rarement croisé des êtres humains.

* Donnez-moi des densités de population et je m’amuse pendant des heures, comme un enfant avec une bassine d’eau et un verre.

Aviaire

À Rotterdam, l’omniprésence de l’eau amène de nombreuses populations aviaires à partager l’espace urbain avec les humains – les humains y sont en l’occurrence très souriants et les oiseaux pas très farouches. Ci-dessous, une troupe de canards danseurs particulièrement accueillants : lorsque je suis arrivée à Stootblok, j’ai aperçu cette bande d’amis qui somnolaient entre une barre de type HLM et le quai Binnenhaven, et tous se sont levés pour s’avancer vers moi puis, alors que j’allais les rejoindre, se sont disposés comme vous pouvez le voir sur la photo. Une véritable invitation. Alors j’ai dansé en ligne avec mes amis canards, en tapant dans les mains et lançant des Yeehaw ! Les habitants des alentours ont semblé apprécier cette performance – vous me pardonnerez de ne pas l’avoir filmée pour vous : j’étais pleinement dans l’instant, comprenez-vous.

Je ne prétendrai pas qu’à Rotterdam, l’on danse avec tout ce qui vole. Mais on peut aussi passer un bon moment entre amis autour d’un café.

Ou juste saluer une connaissance qui traverse le port devant le building New Orleans.

Ou échanger quelques mots de néerlandais : « Hoe gaat het met u ? » nous enquerrons-nous. « Rustig », répond l’oie.

– Hoe is et water ?
– Op de perfecte temperatuur.

Steamship Rotterdam

Je trouvais l’idée de cette visite plutôt amusante, avant de me rendre compte que l’on pouvait ne pas percevoir la distance ironique à travers les seules images. Alors qu’étais-je censée faire ? Renoncer à vous emmener à bord de ce flamboyant paquebot ? Ou seulement vous confier qu’il ne navigue plus ? Qu’il s’agit aujourd’hui d’un simple hôtel avec une piscine qui tient plutôt de la pataugeoire et un restaurant dont l’odeur a eu sur moi l’effet qu’aurait pu avoir le roulis en haute mer ? D’ailleurs permettez que je vous y accueille en short.

La géométrie

J’ai officiellement renoncé à me pencher sur tous les buildings remarquables de Rotterdam, mais ça ne signifie pas que je ne vais pas m’attarder, le temps d’un billet, sur la géométrie. Ce serait idiot, la ville étant un véritable labyrinthe visuel de lignes et de courbes. Simplement, je laisserai les tours de côté pour ne pas faire de jalouse. Pour plus de détails sur les photos ci-dessous, merci de contacter la rédaction par pigeon.

L’art

L’art est partout dans les rues de Rotterdam, et principalement dans des espèces de cadres géants qui ornent les façades de certains quartiers résidentiels (dont Noordereiland, mon île, et Katendrecht). Mais avant de vous présenter trois de mes œuvres murales préférées, voici comme promis un zoom sur l’atelier d’artiste(s ?) que nj’ai découvert depuis la voie de métro désaffectée, ainsi qu’une publicité pour une exposition.

La piscine

J’ai compris à Berlin, il y a quelques années, que je disposais en tant que française d’un super pouvoir très utile quand on aime s’aventurer dans des friches. Je l’ai expérimenté à Teufelsberg, sur le site de l’ancien projet Echelon de la NSA, puis à Spreepark, parc d’attraction tout aussi désaffecté : quand quelqu’un finit par vous tomber dessus, vous faites mine de ne comprendre aucune langue étrangère et les gardiens renoncent à se mettre en colère dès lors que vous avez prononcé quelques mots en français : alors ils laissent tomber, tout simplement. Au mieux, ils vous laissent finir votre visite et, au pire, vous raccompagnent à la sortie. Mais les Rotterdamois que j’ai croisés étaient si accueillants que même leur manière de me congédier était comme un hug, aussi n’ai-je pas eu besoin de jouer la carte du plouc pour m’en tirer sans ennuis ni amende. L’ancien centre aquatique Tropicana, fermé depuis une dizaine d’années, abrite aujourd’hui un bar à bobos, Aloha, et un espace de coworking, BlueCity, mais pour l’instant, le bassin principal reste dans l’état – un incendie l’a menacé l’été dernier mais les initiateurs du coworking ont nettoyé les dégâts et, à terme, ce bassin qui fait également office de serre équatoriale (l’on devine à la lumière calamiteuse des photos ci-dessous les conditions météorologiques de cette visite) fera également partie de leur espace de travail. Je sais tout ça parce que la charmante dame qui m’a demandé de bien vouloir quitter les lieux a gentiment discuté avec moi avant de me laisser regagner la sortie sans escorte, tranquillement.

Et ici, en exclusivité, mon premier Mal assis à la piscine :

Upper rooms & kitchens

Contrairement aux bien assis, là, les églises et autres bondieuseries ne pullulent pas à Rotterdam comme elles le font à New York (et en Vendée). L’image ci-dessous vous donnera un aperçu de la place qu’elles occupent dans l’espace urbain :

C’est bien clair ? Quant à la mosquée centrale, elle est en vérité plutôt enclavée (au sud de la Nouvelle Meuse : pas centrale à proprement parler).

Ci-dessous, ce qui fut une église et qui aujourd’hui, sous le nom de ‘t Lispunt, répond à des problématiques sociales uit de buurt. C’est bien aimable à Jésus d’avoir donné sa maison pour la bonne cause. Les missions de t’Lipunt sont aujourd’hui celles-ci : « Buurthuis ‘t Lispunt organiseert verschillende activiteiten voor kinderen uit de buurt. Hierdoor worden bewoners actief betrokken bij de buurt en wordt een brug geslagen tussen verschillende culturen en het bevordert de emancipatie, participatie en integratie. Er is een aanbod aan recreatie, educatieve, sportieve en ondersteunende activiteiten. Kinderen met een meervoudige problematiek krijgen veel aandacht. » Comme vous l’aurez compris, j’ai découvert ce lieu depuis la voie de métro désaffectée.

Chercher a posteriori le nom du lieu de culte ci-dessous sur une célèbre carte en ligne m’aura appris deux choses : 1. il n’est pas répertorié sur ledit plan* comme un lieu de culte (s’agit-il d’une autre MAJ – ou CCCS – gracieusement offert.e par Jésus aux Rotterdamois ?) 2. que j’ai manqué une église particulièrement audacieuse sur le plan architectural.

Pour finir, une vue de Citykerk Het Steiger Sint Dominicus dans son milieu naturel.

* Je n’accorde qu’une confiance relative au plan en ligne, dans la mesure où j’ai trouvé dans ses fascinants méandres d’inévitables et néanmoins embarrassantes inexactitudes.

La Roche-sur-Yon

Château-Fromage

Aujourd’hui, j’ai couru sur un chemin que Napoléon a parcouru à cheval, jusqu’àt Château Fromage (j’aurais bien poussé jusqu’à Sigournais mais c’est beaucoup trop loin – un peu après Chantonnay) ; à notre gauche, un pont surplombait l’autoroute, tandis qu’à notre droite, un champ de colza ondulait sous la brise.

(Napoléon was here. Moi aussi, sans cheval.)

Ici même, j’ai ressenti une telle joie que mes orteils gigotaient dans mes baskets, et soudain j’ai dansé, esquissant des sauts de biche, les bras tendus vers le ciel que parcouraient des nuages rapides.

(Saut de biche sur l’A87 en contrebas du susdit pont.)

Plus tard, j’ai descendu la D80 pour revenir vers la Roche-sur-Yon, me fiant à mon seul sens de l’orientation alors même que j’étais au beau milieu de ceci :

(La campagne, quoi.)

J’ai couru des kilomètres sans croiser un véhicule. Je prends goût à la campagne, me disais-je : des champs, des bois, des cours d’eau, des étangs, et personne pour me gâcher le paysage.

À cet instant précis, j’ai baissé les yeux et vu, au fond du fossé juste à ma gauche, un imposant mammifère mort, sur le dos, ses courtes pattes pathétiquement tendues vers le ciel. J’ai frappé plusieurs dizaines de fois ma cage thoracique avec le plat de mes mains cependant qu’une voyelle indéterminée roulait au fond de ma gorge. J’ai couru encore plus vite et veillé à ne plus baisser le regard vers le fossé jusqu’à ce que j’aie atteint la ville.

(De retour à la civilisation.)

J’aime beaucoup La Roche-sur-Yon. Je suis bien, ici, les journées sont bien remplies et le soir je bois des verres avec Sophie, Éloïse, Mandana et ceux que nous croisons chez Simone & Simone ou à la Maison Gueffier (à m’entendre, on dirait que je suis ici depuis longtemps – je le ressens ainsi).

* J’espère que vous savourez les sonorités locales.

** J’ignore de quelle espèce. Format raton laveur, robe marron clair.

L’art des jardins

La Roche n’a rien à envier à la banlieue lilloise en matière d’art. Vous traversez un lotissement et vous êtes au musée.

Le Chalet de l’Ouest est une tradition aussi répandue que le Chalet du Nord et s’accompagne de réjouissantes surprises.

Mais je dois avouer que la région nous bat dans le domaine de la flore, que ce soit dans la catégorie California Dreaming (l’on y trouve des palmiers par milliers) ou dans celle que j’appelle volontiers Imagin’Hair : ici, l’on taille les arbustes en boule, en cône, en cylindre, avec une précision rare. Ici, de jolies petites sphères devant ma maisonnette.

Des activités économiques

Voici cinq bonnes raisons de vivre dans une ville dont le nom permet autant de facéties que Hair et Tif.

Beaucoup fun

Ici aussi, on a beaucoup fun. Comme nous le verrons également dans l’incontournable Mal assis, là, tout est fait à la Roche-sur-Yon pour le confort des citoyens, à cette nuance près que les tondeuses municipales sont en grève depuis quelques mois, à tout le moins.

Mal assis, là

Comme j’en avançais la thèse ci-dessus, la tondeuse à gazon n’est pas aussi ancrée dans les traditions locales que ne l’est le sécateur – aujourd’hui même, une Yonnaise d’adoption particulièrement bien intégrée m’avouait recourir aux ciseaux pour entretenir la pelouse de son jardin. Ici, l’on peut manifestement prendre du bon temps, les chevilles dans les orties. Nous verrons plus bas que l’on peut également se ménager des lieux de convivialité dans des lieux publics particulièrement pentus ou perchés.



Des spécialités vendéennes

Au fil de mes courses à pied, j’ai découvert ce que je suppose être des spécialités vendéennes au même titre que le préfou et le fion, dans la mesure où je n’avais jamais rien vu de tel auparavant. Ci-dessous, une décoration de façade qui porte une coiffe typiquement vendéenne (toutes les femmes portent ici de ces coiffes carrées parfois dites capots canons, je le jure – si je ne vous le prouve pas par l’image, c’est bien parce que j’ai pour principe de ne pas photographier d’individus, à l’exception des animaux):

De loin, j’ai d’abord pensé qu’il s’agissait d’une niche à vierge (j’opte ici pour la préposition à plutôt que pour de, comme dans des expressions telles que huche à pain, verre à vin et cloche à fromage – ce choix d’exemples tend à suggérer que l’apéro commence tôt ici, à la terrasse de Simone & Simone), les Vendéens étant de bons catholiques (ce matin j’ai croisé un arrêt de bus portant le nom de Jean XXIII – il nous faudrait une rubrique « aménagements municipaux et laïcité ») mais non. Vous comprendrez aisément ma confusion :

Un autre élément du folklore me paraît être ce panneau servant à compter les points d’un jeu qui est ou n’est pas (je ne sais vraiment rien de rien) la pétanque ou un jeu du même style, et que j’ai découvert quelque part entre Moulin Papon et Moulin Sec (une fois de plus, je vous invite à savourer l’onomastique locale) :

(Oui, mes photos sont écrasées par la lumière : comme ma tête par la chaleur. Mille excuses mais je ne pratique toujours pas la danse de la pluie.)

Un peu d’architecture

Vous êtes nombreux à me demander quid de l’horizontalité, de la verticalité, de la répétition de motifs, de la symétrie et de la vieille pierre à la Roche-sur-Yon. Vos questions sont légitimes et votre curiosité louable.

La ville dispose de quelques grands ensembles, dont voici deux aperçus qui ébauchent une réponse à vos deux premières questions. Notez que si une voie ferrée agrémentée d’un tunnel pour piétons fait la richesse de la première configuration, la nature enveloppe la seconde, avec sa rivière, son herbe à fun et ses orties.

Les lotissements sont nombreux, plats, labyrinthiques et traversés de petits chemins par centaines, qui relient les différentes rues. L’art des jardins, comme nous l’avons vu, y est souvent riche, qui casse par endroits la répétition de motifs cubiques beiges aux angles nets mais pas toujours ; ci-dessous, par exemple, non.

Quelques bâtiments, dans le centre de la ville, présentent une géométrie intéressante, comme c’est le cas du Palais de Justice.

Quoique la ville manque, à mon humble goût, d’arrière-mondes et de cicatrices (expressions murales diverses et autres dégradations), l’on y trouve un petit château muré qui m’a bien plu, dans le parc des Oudairies.

Jambes en l’air

De haut en bas, place Napoléon, devant le Grand R et à la Maison Gueffier, au cours d’un atelier d’écriture très guindé, comme on le voit clairement (merci pour leur complicité à Alix, Michèle, Pascale, Catherine, Barbara, Catherine et Bernard*, de gauche à droite sur la photo).

* Merci aussi à Micheline, Christian, Catherine, Eric, Corinne, Nad’, Pascale et Sophie, tous hors champ ici mais qui ont également contribué à faire de cet atelier un moment riche et généreux. Je leur dois aussi d’inoubliables fous rires.

Insurrect’yon

(Certains promoteurs se contrefichent de la lutte ; Philippe P., par exemple, s’en tamponne grave le coquillard. Si tel n’était pas le cas, il aurait veillé à placer son panonceau sur la virgule inutile plutôt que sur le pat.)

(« à partir de maintenant et pour toujours » a le mérite d’être à la fois clair et radical ; notez qu’il ne s’agit pas du même promoteur et que celui-ci soutient la lutte, d’autant que cette petite cabine mise à disposition des militant.e.s est rouge.)

Presque la campagne

D’après les informations que j’ai trouvées, l’agglomération de la Roche-sur-Yon, c’est 89% d’espace naturel et agricole – la métropole lilloise compte 46% de surface agricole mais a souffert d’une artificialisation rapide (le nouveau plan d’urbanisme PLU2 devrait au moins endiguer cette tendance). C’est vrai, je serais bien, ici, à la Roche-sur-Yon, je pourrais courir des années sans me lasser de découvrir de nouveaux champs et pâturages où serpentent des cours d’eau, où stagnent des étangs, où bruissent les arbres et les buissons, où paissent chevaux et veaux, et cependant rester à proximité d’une vraie ville : c’est ce genre de configuration qui m’attire à presque la campagne. Mais qu’est-ce que c’est vallonné, ici. Et puis il fait chaud. 46% de surface agricole, ce n’est déjà pas si mal, surtout pour une aussi grande métropole. Non, je pense que je vais rester encore un peu dans le plat pays.

Je reste

Je ne rentrerai pas de La Roche-sur-Yon, bien que l’on y travaille dur. Hier midi, lors de mon Jeudi Curieux au Grand R, nous avons écouté Sonic Youth, Help She Can’t Swim, Puccini, Barber, Mahler, Ravel, Toysession, Meredith Monk et Morton Feldman, dans cet ordre. J’ai trépigné pour continuer mais c’était l’heure. Bientôt, des images de Mes petites amoureuses, que Clémentine et moi avons jouées hier soir. (Merci à Jany pour les photos.)

Ici, tard le soir, on mange des pizzas et on joue à la Cène. Hier, j’ai fait Jésus. Devinez qui a fait Judas et qui Marie-Madeleine* : Johanna, Adeline, Mandana, Sophie, Mathilde, Clémentine, Éloïse, Myrto ou Patricia ?

Bref, je reste.

* Quand, au cours d’une soirée, j’entends une camarade dire à une autre, « Non, c’est moi qui fais Marie-Madeleine, je l’avais dit avant », je ne vais pas mentir : j’aime ma vie. (Notez que, chez nous, Marie-Madeleine ne reste pas dans la cuisine.)

Upper rooms & kitchens

Ce n’est pas comme si l’on n’avait pas l’embarras du choix en matière de bondieuseries, en Vendée. J’ai dû faire des choix douloureux. Vous aurez un Jésus agent de la circulation, un petit Jésus que sa vierge mère forme précisément au métier (d’agent – suivez un peu, je vous prie), et une Bernadette, parce que ça change et que le bâtiment qui lui est consacré ici est aussi un trésor architectural.

Quel est le point commun entre Brooklyn et la Vendée ? C’est bien simple : vous pourriez alimenter vos upper rooms and kitchens en églises, chapelles, calvaires, statue(tte)s, affiches et autres bondieuseries jusqu’à la fin de vos jours sans déborder de votre territoire. Je pense que c’est le seul – point commun. Encore une occasion de dire, Merci Jésus, son papa, sa maman et tous leurs amis de créer des liens si forts entre les fidèles par-dessus les eaux vigoureuses du vaste Atlantique.

Emmerin

Le derrière devant

Si, c’est mignon, Emmerin. C’est un village – on dit village, non, quand la population compte à peine plus de 3000 habitants ? Ah non, on dit commune, pardon, commune française. Bon, je recommence. Disons qu’Emmerin est une commune française qui met le derrière devant. Ainsi, ce parking que je n’ai pu me résoudre à prendre en noir et banc tant ses verts et ses rouges me semble participer de la magie locale.

Ainsi, ces vitraux d’église protégés par des grilles au maillage très serré, qui donnent à son flanc est un aspect très cul d’église.

Ce derrière qui occupe le devant de la rue principale ne me déplaît pas – même si j’aime, au fond, le fait d’aller voir derrière.

Ici, derrière, ce sont les champs et des routes le plus souvent dépourvues de trottoirs et de pistes cyclables.

Devant, l’on ne s’embarrasse pas de scrupules quand on opte pour le même chalet du Nord que les voisins (peut-être vit-on en mitoyenneté avec ses parents, ses frères et sœurs, qu’en sais-je ? auquel cas le chalet du Nord resserre forcément les liens familiaux).

Ici, le touriste a très envie de prendre en photo les jardinets à l’avant des maisons mais perçoit alors un frémissement dans les Rideaux et Voilages, qui indique une surveillance continue des trésors et merveilles d’Emmerin, tel cet angelot à cheval sur un tonneau que je ne suis donc pas en mesure de vous livrer ici. C’est sympathique, Emmerin, mais on s’y sent étranger.

1. Sur la route d’Emmerin, Mal assis, là

Je suis prête à parier que, si j’empruntais cette route tous les jours, je ne verrais jamais personne assis sur aucun de ses bancs : il n’y a rien à faire autour d’eux pour des citoyens respectables (actifs), rien à voir que des voitures trop rapides et des tracteurs. Le matin où j’ai pris les deux dernières photos, la lumière était si parfaite qu’elle aurait suffi à me rendre heureuse. Sur la deuxième, vous pouvez discerner, se mêlant aux nuages, la fumée de l’usine Cargill, sise à Haubourdin. Mais qu’est-ce donc que cette rue fascinante, me direz-vous ? La réponse dans « Sur la route d’Emmerin, trésors et merveilles ». Eh oui, je ménage quelques effets de suspense.

2. Sur la route d’Emmerin, trésors et merveilles

Comme je le suggérais plus haut, c’est un seul et même bord de route que je vous présente ici – généreusement jalonné de bancs, comme nous l’avons vu – et qui mène d’Haubourdin à Emmerin : vous longez la voie ferrée, vous tournez vers le sud dans la rue des Lostes, que bordent des jardins ouvriers à perte de vue, vous passez sur un petit pont, sous lequel ne coule aucune rivière, puis devant le hangar d’un carrossier, avant de parvenir entre deux champs. C’est là que j’ai eu la révélation, hier matin : je me suis rendu compte que certaines rues de la métropole lilloise méritent un traitement à part entière, au même titre que la Route 66. C’est assurément le cas de la rue des Lostes, qui sur le kilomètre et demi de sa longueur déploie mille trésors et merveilles pour qui sait regarder.

(Un couloir hétéroclite dans le labyrinthe des jardins ouvriers.)

(Un pont sans rivière en-dessous.)

(Carrossier magnifié par la lumière.)

3. Upper rooms & kitchens

Vous admirerez le style du Golgotha sur lequel est perché ce calvaire. On en vient presque à regretter l’absence d’un banc, à ce carrefour d’Emmerin. Moi, c’est le genre de Jésus qui me donne envie de m’asseoir un moment pour prendre des nouvelles et, pourquoi pas, m’épancher un peu. Jésus n’est pas très accueillant ici, sans vouloir lui jeter la pierre parce que ce n’est pas vraiment sa faute s’il est si mal assis, là ; je sais bien qu’il est mort pour nos péchés mais bon, je suppose qu’il aurait préféré payer par carte, si possible sans contact. Enfin bref, je ne m’arrête pas, en partie parce que ça ne se fait pas trop de discuter avec des amis quand on transpire en short et, surtout, parce que je ne m’arrête jamais quand je cours, ou alors trois petites secondes, le temps de prendre une photo ; ça paraîtra psychorigide mais c’est ainsi. N’empêche que c’est un Golgotha très réussi que surplombe le Jésus d’Emmerin.

4. Nazareth

Ou comment doubler la population d’une maison (espérons qu’il y a une cave, ou un grenier, pour les onze autres mois de l’année). Du moins ici n’oublie-t-on pas qu’avant d’être un grand dégueulis consumériste, Noël est un anniversaire, et pas n’importe lequel. C’est avec générosité que cette famille reconstitue la Nativité pour notre plus grand plaisir mystique ; ne me remerciez pas de suivre son exemple en vous en offrant une image (assez semblable à celles que l’on glisse dans son missel), à vous qui n’écumez pas les rues d’ici en baskets. Ça me fait plaisir.

5. Des mouettes

Des champs, ce n’est pas ce qui manque autour de la métropole lilloise, j’en longe et en traverse très souvent, de Verlinghem à Vendeville, de Sequedin à Villeneuve-d’Ascq, mais il en est un que les mouettes prisent tout particulièrement. Je les entends de loin et immanquablement je les retrouve au-dessus de ce champ, à Emmerin. Des nuées de mouettes.

C’est sur cette note exotique et poétique à la fois que j’ai décidé de clore ce reportage consacré à la commune française d’Emmerin, dans le cadre de notre rubrique National Geo.

Villeneuve-d’Ascq

Cette semaine, j’ai décidé de vous emmener dans les rues (s’il est permis de les désigner ainsi) de Villeneuve-d’Ascq. Je ne pouvais que tomber amoureuse d’un tel cauchemar urbain, labyrinthique et désert. L’on y trouve tout ce que je préfère dans les villes, en particulier

Des tunnels, des chemins, des passerelles

et diverses voies inaccessibles au profane, étroites et sinueuses, cachées, taillées dans la verdure ou le béton. Il peut arriver que l’on ait un peu peur à ses bouts du monde, et l’on se perd inévitablement dans ses méandres alambiqués. Elle est parfaite pour moi.

Du style

Bien que la ville nouvelle se soit construite, dans les années 1970 et 1980, autour des villages d’Ascq, d’Annappes et de Flers, et bien que l’on trouve dans ces anciens villages des églises du XIè siècle (voir ci-dessous la traditionnelle rubrique Upper rooms & kitchens) et des châteaux du XVIème siècle comme sur la photo ci-dessous, ce que l’on retient de Villeneuve-d’Ascq, c’est avant tout son esthétique architecturale pauvre, très marquée par les années 1980, que ce soit dans le choix des matériaux ou dans les formes très alambiquées dessinées par ceux-ci. Il n’est pas jusqu’à ses arbres qui ne soient frappés, dans les rues les plus traditionnelles, d’un traitement capillaire futuriste.

De la campagne

Villeneuve-d’Ascq, c’est aussi le parc du Héron, des lacs et autres plans d’eau artificiels, des champs, des jardins communautaires, des cygnes, des canards, des chevaux montés de jeunes bourgeoises et des moulins de ville. Il me faut vous prévenir que Villeneuve-d’Ascq ne propose pas de camping, hélas, je le précise pour ceux d’entre vous qui déjà brûleraient de traverser la France, l’été prochain.

Des parcs d’activité (frénétique)

Ici, l’étincelante Pilaterie.

De l’art

Villeneuve-d’Ascq, c’est aussi le LAM et sa belle collection d’art brut, et c’est aussi l’art dans la rue, comme ci-dessous.

De l’habitat

Venons-en au fait. Maintenant que je vous ai convaincus de vous établir dans cette ville aux fascinants contrastes, parlons immobilier. Toutes les formes de l’habitat sont représentées ici : lotissements, petits et grands ensembles, maisons ouvrières, dédales modernistes, châteaux et anciennes fermes. Vous connaissez mon goût particulier et quelque peu pervers pour les géométries les plus alambiquées représentées dans le petit catalogue (non exhaustif) ci-dessous. Mais je ne veux pas vous influencer dans une décision si délicate.

Du fun

Zéphyrs embrasés.

Mickeys maison

caddies dans lumière vaporeuse

Mal assis, là

Pour ce nouveau défi lancé à nos fessiers, des photos prises sur le quai Hudson,  au forum vert et sur le boulevard du Comte de Montalembert.

Upper rooms & kitchens

L’église de Jésus Christ des Saints des Derniers Jours m’évoque Brooklyn, non pas en raison de son architecture (d’ailleurs très à mon goût) mais de son nom à rallonge – il me rappelle un peu la Brooklyn Faith Seventh-day Adventist Church, par exemple.

Dans un style plus XVIème siècle, voici l’église Saint-Pierre de Flers-Bourg. J’aurais aimé en donner une vue plus globale (j’admets que cet angle n’est pas idéal) mais il devait y avoir de la buée sur mon objectif le jour où j’ai fait les prises de vue et mes autres photos sont inutilisables. Ce n’est pas très sérieux de la part de la rédactrice en chef d’une rubrique aussi prestigieuse, me direz-vous ? Eh bien, faites donc une réclamation.

Ci-dessous, mon lieu de culte préféré ; je le trouve d’autant plus fascinant dans son contexte, car l’Oratoire Saint-Marc est étroitement inséré entre les immeubles que vous pouvez voir sur la photo, bien sûr, mais aussi entre l’hôtel de ville et le centre commercial. Si j’étais une heureuse Villeneuvoise, assurément, c’est ici que j(e n)’irais (pas) à la messe le dimanche matin.

Je trouve très triste le passé composé employé par l’église du Sacré-Coeur de Flers Sart : ça veut dire que c’est fini ? Nous l’avons déçu ? De l’autre côté de la porte, sous un autre bas-relief de Fernand Weerts, une phrase si déchirante que je n’ai pas le cœur d’en afficher ici l’image : « Il s’est livré pour nous ».

Je pourrais vous montrer d’autres églises encore mais je préfère clore cet incontournable dominical par des images de mignonnes chapelles.

1. à chapka de verdure

2. sans

3. Ste Philomène

Recommandation

C’est vraiment grâce à Marie, notre mère à tous, que je serai dans un avion ce soir ; elle m’a dépêché deux anges, Camille et Arnaud, avec un forfait téléphonique extraordinaire et une admirable maîtrise des centres d’appel – sans parler de la patience, qui est un basique chez les anges. Je venais de traîner ma race à JFK en vain et en navette et je rentrais au Crowne Plaza en pleurnichant à moitié quand les anges m’ont demandé, Alors, vous avez réglé le problème ? Ben non, je suis une potiche et la femme la moins équipée technologiquement du XXIème siècle occidental, ça ne se voit pas à mon pull vert ? Alors ils ont tout fait à ma place. Je ne suis pas fière mais je suis rassurée, et reconnaissante. Très bien, cette Marie, je vous la recommande vivement.

(Elle fait sa timide, c’est mignon…)

Merci aussi à Camille et Arnaud. Je ne sais pas ce qu’il serait advenu de moi sans leur divine intervention.