Regnéville, acte 2, jour 8

Hier, je me suis remise à Nue (ce titre, si je le conserve, pourra faire l’objet de nombreux jeux de mots, ce sera pratique pour les dédicaces) et j’ai été surprise de trouver mes 43 premières pages vraiment prometteuses. Je suis enfin remotivée. Le soir, j’ai voulu voir le coucher de soleil avant de retrouver mon amour sur un écran mais le ciel n’était pas d’humeur flamboyante. Non, ça ne flamboie pas beaucoup, ici, bizarrement, je n’ai encore jamais vu de tropical hot dog night comme j’en observe sur mes terrils ; ce qui n’empêche pas les lieux d’avoir leurs beautés. Ici, on devine le canal qui voulait m’engloutir la semaine dernière, chenapan.

Et, de l’autre côté du havre, le phare d’Agon-Coutainville.

J’ai aussi pris une photo du château sous la lune : ça, c’est fait, n’en parlons plus.

Puis j’ai laissé Marianne et Mathilde travailler pour rejoindre Valentina. Mon accent français, son accent italien, nos anglais chantants vifs et sinueux ; son buste si mobile et ma gestuelle de mains, qui débordent du cadre ; le spectacle vivant de son visage, le roulement de ses yeux, mon rire éclatant ; son horreur du silence qui rend si timides nos rares suspens. Ce matin, forte de notre amour, je décide que je suis indestructible et, enfin, je vais courir dans les bocages au lever du jour ; pour la première fois depuis le 12 janvier, je risque un sanglier. Je n’ai pas peur.

J’espère surtout voir enfin des chevreuils – Claire C., qui vit à Saint-Lô, en a vu ce week-end, elle m’a envoyé des photos. Les seuls que j’aie vus, je n’ai pas profité d’eux, j’étais en voiture, en route pour Agneaux, ils étaient loin, nous étions rapides. Allez, je me dis, c’est pour ce matin. Mais, sans vouloir gâcher le suspense, ce ne sera pas le cas.

Ce n’est pas grave, ça me fait un bien fou d’être dans mon type de paysage préféré.

En longeant ce champ, j’ai tout de même une montée d’adrénaline quand je repère dans la boue du sentier ce qui a tout l’air de traces de sabots, et pas ceux de chevaux. Je ne m’arrête pas pour étudier les empreintes, je choisis plutôt de courir plus vite.

Mais même après ce qu’un esprit plus timoré que le mien aurait pu interpréter comme un mauvais présage, je m’engage dans le chemin ci-dessous et je fais bien, c’est très beau et absolument dépourvu de suidés.

Je regagne le Rey, passe en surplomb de sa ferme – on peut voir une amie vache qui me salue depuis l’arrière du bâtiment.

Et près des Fours à Chaux, je salue ces beaux bébés, avec leur code-barre qui me rend malade. Ils viennent coller leurs frimousse à la grille qui nous sépare, pas farouches. On fait des câlins de nez. Et maintenant, je file à une réunion.